Viviane

Viviane

Un orage approchait, mais les vents taient calmes; et dans la sauvage fort de Broceliande, contre un chne creux, si norme et si vieux qu'on et dit une tour ruine, l'astucieuse Viviane tait tendue aux pieds de Merlin. L'astucieuse Viviane s'tait drobe la cour d'Arthur. Elle hassait tous les chevaliers, et elle entendait dans sa pense les commentaires qu'ils prodiguaient quand son nom tait prononc; car un jour Arthur, se promenant seul, tourment par des bruits fcheux qui couraient sur la Reine, avait rencontr Viviane. Celle-ci, recevant un gracieux salut du Roi, et volontiers dissip l'humeur sombre du prince avec des regards respectueux, pleins de soumission feinte, avec une voix mue, avec des effusions de dvouement, enfin, en lui insinuant discrtement et avec douceur qu'il y avait des gens qui le prisaient bien autrement que ceux qui auraient d le priser le plus. Le Roi avait jet sur elle un regard indiffrent, et pass outre; mais quelqu'un avait pi cette scne, et ne l'avait point tenue secrte. Ce fut un sujet de rires pendant une aprs-midi, que Viviane et entrepris le Roi sans reproche. Aprs cela, elle s'appliqua gagner l'homme le plus fameux d'alors, Merlin, qui tait vers dans tous les arts, qui avait construit les ports, les vaisseaux et les chteaux du Roi, Merlin, qui tait barde aussi, et connaissait les cieux toils. Le peuple l'appelait magicien. Autour de lui Viviane commena se jouer avec des discours lgers et vifs, de piquants sourires, et des traits de mdisance lgrement empoisonns, qui tantt effleuraient, tantt gratignaient. L'Enchanteur, laissant un peu s'adoucir son humeur austre, observait ses espigleries et ses jeux, lors mme qu'il se sentait peu dispos les approuver, et il riait comme ceux qui regardent les bats d'un jeune chat. Il en arriva ainsi tolrer ce qu'il ddaignait demi; et elle, s'apercevant qu'elle n'tait qu' demi ddaigne, commena entremler ses jeux de gravits passagres: elle rougissait ou devenait ple; souvent, quand elle le rencontrait, elle soupirait profondment, ou fixait sur lui des regards silencieux dans lesquels se peignait un si complet attachement, que le vieillard, bien qu'en proie au doute, n'tait pas insensible a sa flatterie; parfois, il caressait un secret dsir d'tre aim dans ses vieux jours, et croyait moiti qu'elle tait sincre. C'est ainsi que par moments il flottait; mais elle, elle s'attachait lui, inbranlable dans son dessein. Et ainsi les saisons se passaient. Merlin tomba alors dans une profonde mlancolie; il quitta la cour d'Arthur et gagna le bord de la mer; l il trouva une petite barque, et y monta. Viviane le suivit; mais il ne prit nul souci d'elle. Elle tint le gouvernail, et lui la voile. La barque, pousse par un vent qui s'leva soudain, franchit la mer; et, ayant touch les sables de la Bretagne, ils dbarqurent. Viviane suivit Merlin pendant toute la route, jusque dans la sauvage fort de Broceliande; car Merlin lui avait un jour parl d'un charme, qui s'accomplissait par des danses entrelaces et des passes mystrieuses. Celui sur qui ce charme tait dirig semblait ternellement renferm entre les quatre murailles d'une tour, d'o il tait jamais impossible de s'chapper. Et nul ne pouvait jamais le dcouvrir; lui-mme ne pouvait voir personne que l'enchanteur, qui allait et venait, accomplissant son uvre. Et il restait l comme mort, perdu pour la vie et pour l'action, pour la renomme et pour la gloire. Et Viviane cherchait toujours exercer ce charme sur le grand enchanteur du temps, s'imaginant que sa gloire serait grande en proportion de la grandeur de celui qu'elle aurait subjug. ......Buy Now (To Read More)

Product details

Ebook Number: 53722
Author: Tennyson, Alfred Tennyson
Release Date: Dec 12, 2016
Format: eBook
Language: French

Contributors

Illustrator: Doré, Gustave, 1832-1883
Translator: Michel, Francisque, 1809-1887