L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905

L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905 L'amiral Wilson.L'amiral Wilson, commandant de la flotte anglaise du Dtroit, prcde...
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L'Illustration, No. 3259, 12 Août 1905

L'amiral Wilson.L'amiral Wilson, commandant de la flotte anglaise du Dtroit, prcde le roi. L'amiral Gaillard. S. M. le roi.Le roi douard VII, suivi de l'amiral Caillard, quitte le Massna. Les ambassadeurs d'Angleterre et de France et l'tat-major royal montent bord.LA VISITE DU ROI DOUARD VII A BORD DU "MASSNA" Comment le correspondant anglais de "L'Illustration", M. Stephen Cribb, install dans la superstructure du "Massna", a pu photographier les visites officielles.--Voir l'article, page 109. L'ILLUSTRATION du 19 aot sera accompagne d'un numro de L'ILLUSTRATION THTRALE contenant une oeuvre--indite sous sa forme dramatique--d'un des plus grands crivains contemporains: CRAINQUEBILLE, par Anatole France. On n'a pas oubli le succs de ces trois tableaux au thtre de la Renaissance o le rle de Crainquebille tait tenu par M. Lucien Guitry. Le mme numro de L'ILLUSTRATION contiendra de beaux dessins de M. Georges Scott sur la Fte des Vignerons de Vevey. COURRIER DE PARIS Journal d'une trangre Dimanche soir, en wagon. Dix heures. Je suis alle dner, comme tout le monde, la campagne et, dans la cohue, parmi les cris et les bousculades du retour, je me suis laiss pousser, hisser vers le premier wagon venu. Troisime classe. Des gens sont debout sur le marchepied; d'autres, assis sur l'escalier qui mne l'impriale de la voiture. On s'entasse, on s'crase joyeusement. Quatorze personnes se sont empiles dans le compartiment de dix places o je suis assise. Les jeunes gens, un peu allums, s'excusent, en propos comiques, de tenir tant de place; les femmes rient; une petite fille pleure: on lui donne une claque; elle se tait. La chaleur est intenable; on a entass sur les planches suprieures du compartiment des brasses de fleurs, une brouette d'enfant, des paniers o sonnent la vaisselle et les bouteilles vides du djeuner, des filets mouills o il y a du poisson frais, des engins de pche. On roule... A ct de moi, est installe toute une famille: le pre, la mre, la grand'mre, deux petits garons, un bb. Types d'ouvriers aiss. La mre secoue sur ses genoux, pour l'endormir, le dernier-n dont les petites mains se crispent sur un biberon; la grand'mre s'est assoupie tout doucement, contre mon paule; le lumignon jaune de la voiture claire de reflets tragiques ses joues en sueur, ses mches grises dnoues que coiffe un chapeau trop fleuri, pos de travers. D'une voix pteuse--la voix d'un homme qui a eu soif depuis ce matin et ne semble pas encore dsaltr--le pre raconte aux voisins sa journe: lever cinq heures; quatre heures de course au soleil, la recherche d'une bonne place; djeuner sur 1 herbe, trop de mouches; pche et promenade jusqu'au dner; orage; retour la gare sous l'averse... Il bille en contant cela. Tout le monde s'est endormi; la grand'mre est maintenant affale sur moi de tout son poids, et ronfle. On la rveille. C'est Paris. Je les regarde descendre de wagon, chargs de paquets, titubants, les yeux brouills de sommeil, extnus. On a pos le petit enfant dans la brouette et la famille, lentement, se met en marche, parmi les groupes braillards qui la bousculent. Et j'admire au prix de quels reintements le peuple s'amuse, et ce que reprsente, pour lui, de fatigue une journe de repos. On mettrait en interdit le patron qui oserait, quelque prix que ce ft, imposer des ouvriers de pareilles tches... Tous, il est vrai, n'ont pas les mmes gots; et, par exemple, un grand nombre de Parisiens avaient, dimanche dernier, prfr au plaisir de la balade champtre celui de demeurer Paris pour y acclamer tienne Dolet. Justement, l'heure de prendre mon train, j'ai vu passer, sous ma fentre, un de ces groupes. Une jeune femme, coiffe d'un chapeau rouge, le prcdait; derrire elle, un drapeau rouge tait dploy, que portaient des jeunes gens. Je les ai suivis jusqu' l'Htel de Ville. Ils criaient, sur un rythme de marche: Hou! Hou! la calotte! Un de mes amis, professeur l'cole des Langues orientales, m'accompagnait; je le priai de me renseigner sur l'tymologie de ce cri, que j'entendais pour la premire fois. --J'ignore, me dit-il, l'origine de Hou! Hou! Je sais seulement que cette sorte de beuglement est trs usite dans les runions hostiles au clerg. C'est galement le clerg que dsigne cette expression: la calotte, et je ne saurais non plus vous dire qui revient le mrite de l'avoir lance. --Y a-t-il longtemps, demandai-je, qu'existe cette coutume parisienne de commmorer tienne Dolet? --Non, dit mon ami. Cela est tout rcent. C'est venu comme une mode. Les libres penseurs cherchaient un anctre; ils ont dcouvert celui-l. --Ce sont des prtres qui ont brl Dolet? --Du tout. Ce sont des juges ordinaires. --Avait-il commis quelque crime de lse-majest? --Non. Dolet respectait et aimait passionnment son roi; et jusqu' la fin de sa vie--jusqu'au bcher exclusivement--Franois Ier le protgea. --C'tait un ennemi de la religion, sans doute? --Nullement. Dolet fut un parfait catholique, ennemi de toutes les hrsies, et qui ne dut l'ennui d'tre brl vif qu' des haines personnelles, des jalousies, des cabales d'cole o la religion n'tait pour rien. En sorte que ce martyr serait fort tonn s'il pouvait apprendre aujourd'hui quelles sortes de gens l'acclament. Il est vrai que ceux qui l'acclament seraient bien plus surpris encore si on leur apprenait au juste ce que c'tait qu'Etienne Dolet. La plupart n'prouvent pas, d'ailleurs, le besoin de le savoir. La statue de Dolet, c'est quelque chose au sujet de quoi l'on manifeste contre quelqu'un; c'est, une fois par an, l'occasion de pousser des cris dans la rue, d'embter Lpine, et de remplir d'un peu d'agitation les loisirs d'un dimanche d't. Il ne m'a pas paru cependant que cette manifestation, ces dfils de couronnes, de bouquets d'immortelles et de drapeaux causassent M. le prfet de police beaucoup d'motion. Il allait et venait, presque souriant, et l'on et dit que lui aussi tait heureux de cette occasion d'occuper sa journe... Car il est devenu, depuis quinze jours, terriblement vide d'vnements, notre Paris. C'est effrayant avouer: on s'y ennuie. Il semble que les vacances aient emport loin de lui tous les sujets de curiosit, de plaisir ou d'motion que la vie ordinairement y multiplie; et nous sommes de pauvres abandonns qui n'avons plus d'autre ressource, pour nous distraire, que de braquer nos lunettes au loin, sur l'horizon de la province et de l'tranger. Le prince Kadolin et M. Bouvier se reposent, et c'est aux tats-Unis que sont engags, cette heure, les grands colloques diplomatiques. Witte... Komura... que nous voil loin du quai d'Orsay! Les ftes de l'Entente cordiale s'taient commences Brest et continues Paris; elles s'achvent au-del du dtroit, et c'est de Portsmouth que nous vient, cette semaine, le bruit des canonnades fraternelles et des clameurs de fte. Nos champs de courses sont dserts; c'est en Normandie qu'il faut aller pour perdre avec lgance son argent. Les amateurs de thtre courent Orange acclamer Berlioz, Eschyle et Boto, ou clbrer Vevey la Fte des Vignerons; et, pour ceux qui ne veulent pas, quand mme, s'loigner trop du boulevard, il y a le thtre de la Nature, Champigny... Les reporters suivent M. Deibler Dunkerque; un congrs de Bleus s'ouvre en Bretagne et c'est Boulogne-sur-Mer que M. le docteur Zamenhof inaugurait, tout l'heure, un autre congrs: celui des esprantistes. Sonia. QU'EST-CE QUE L'ESPRANTO? Les esprantistes viennent de tenir, Boulogne-sur-Mer, leur premier congrs international. L'espranto, la premire langue universelle qui ait la chance d'tre patronne par de nombreux savants, compte aujourd'hui en France 30.000 adhrents; mais la plupart des personnes qu'il laisse sceptiques ou indiffrentes en ignorent totalement le principe. Essayons de le prciser en quelques lignes. Le docteur Zamenhof, inventeur de l'espranto. Phot. Meys. Pour chaque mot, ou plutt pour chaque ide, on a choisi la racine correspondant cette ide dans le plus grand nombre de langues aryennes. Ainsi, on a pris les racines doktor, honest, pur, qui se retrouvent dans cinq ou six langues; dom (maison), via (voir), qui existent dans deux ou trois. Les mots spciaux une langue, comme sport, ont t conservs; enfin, entre deux racines diffrentes reprsentant chacune la mme ide dans un nombre de langues gal ou sensiblement gal, on a gnralement donn la prfrence la racine la plus latine. Fait noter, d'ailleurs, cette langue internationale n'est pas construite comme l'exigerait une langue universelle dans l'acception scientifique du mot; elle se proccupe surtout d'tre accessible au monde amrico-europen. Or, si l'on songe que l'anglais peut tre considr comme une langue franco-allemande, on ne s'tonnera point de rencontrer les racines latines en majorit dans le vocabulaire espranto. Ce vocabulaire comprend actuellement un millier de racines, chiffre trs suffisant pour rpondre aux besoins normaux de la conversation et de la correspondance. Toute la connaissance de la langue se rduit la possession de ces racines, en gnral faciles retenir pour les Latins, surtout s'ils possdent quelques notions d'allemand. Avec ces racines qui expriment des ides, nous formons les mots et les phrases, l'aide d'une trentaine de prfixes et de suffixes et de seize rgles extrmement simples ne comportant aucune exception. L'article dfini la est invariable comme le the anglais. Le genre grammatical n'existe pas: il n'y a que le genre de sexe. Tous les modes d'un mot s'expriment par un changement de finale: patro, pre; patra, paternel; ptre, paternellement; patrino, mre; patrina, maternel. Le verbe ne change pas pour les personnes, celles-ci sont dsignes par le seul pronom. Tous les temps sont dtermins par douze finales: mi jaras, je fais; mi jaris, je faisais ou j'ai fait; mifaros, nous ferons; mi farus, nous ferions, etc. L'emploi des prfixes et des suffixes vite encore un nombre considrable de mots nouveaux. Mal indique le contraire: ami, aimer; malami, har. Ist indique la profession: boto, botte; botisto, bottier, etc. Ces quelques exemples nous paraissent rsumer de faon trs claire les principes de l'espranto. Ajoutons que chaque mot se prononce absolument comme il est crit, les lettres gardant le son alphabtique qui se trouve presque toujours conforme celui de l'alphabet franais. L'accent tonique se place sur l'avant-dernire syllabe. On supprime ainsi toute difficult srieuse pour l'intelligence de la langue entre personnes de nationalits diffrentes. Le volapk, qui occupait le monde vers 1885, tait plus compliqu et empruntait presque tous ses lments aux langues saxonnes. Cette phrase: La vie de l'homme est courte, s'exprimait en volapk: Lif mena binom blefik. En espranto, elle se traduit: La vivo de l'homo estas mallonga. L'espranto est justement considr comme un chef-d'oeuvre et il est prvoir que, d'ici quelques annes, il sera parl et compris sur tous les points du globe par les personnes possdant une certaine culture intellectuelle. Il fut cr de toutes pices par un Russe, le docteur Zamenhof, n en 1859, Bilostok, dans le gouvernement de Grodno (Pologne). Ce savant, dont le nom encore ignor du grand public deviendra bientt mondial, a ainsi rsolu un problme qui, depuis deux sicles, hantait les esprits les plus remarquables et auquel on n'avait apport que des solutions lamentables. Il conut son projet de langue universelle vers 1878, alors qu'il tait lve au gymnase de Varsovie; c'est seulement en 1887 qu'il publia son premier ouvrage sous le pseudonyme de Doktoro Espranto (qui espre). Dtail amusant et loquent: c'est la librairie Hachette, la maison classique par excellence, qui dite tous les ouvrages concernant l'espranto, approuvs par le docteur Zamenhof. LA POLICE AU CONGRS DES ZEMSTVOS UN DOCUMENT QUI A CHAPP A LA POLICE RUSSE.--Le matre de la police de Moscou venant interrompre la premire sance du Congrs des zemstvos. Nous avons publi la semaine dernire deux photographies du Congrs des zemstvos Moscou. Celle que nous donnons aujourd'hui prsente un intrt tout particulier et l'on peut dire qu'elle tait attendue de tous nos lecteurs depuis que le Temps du 21 juillet avait publi le rcit suivant: Au moment o le comte Heyden va occuper le fauteuil prsidentiel, le prince Paul Dolgoroukof entre, annonant l'arrive de la police et demandant au Congrs la permission d'introduire les agents. Le matre de la police, accompagn de plusieurs sous-officiers, pntre et dclare qu'il a l'ordre de la prfecture d'interdire la runion et de saisir les documents. Il lit les articles du code et la circulaire du ministre de l'Intrieur en vertu desquels il se prpare instrumenter. Le prsident proteste; le matre de la police voulant dresser la liste des membres du Congrs, une voix s'lve: Inscrivez toute la Russie! Les membres des zemstvos prsents comme tmoins, non comme dlgus, sont les premiers lui donner leurs noms. Le matre de la police prend alors le parti de sortir pour rdiger un procs-verbal et la sance continue. Un photographe, qui a enregistr l'incident, se hte de mettre ses instantans en sret... Le matre de la police rentre ce moment et lit son procs-verbal... La sance est leve aprs une dclaration de M. Golovine. Le photographe, qui a seul instrument, pendant que le commissaire s'en allait bredouille, est arrt; la perquisition faite dans ses appareils reste sans rsultat. Nous n'ajouterons ce compte rendu que quelques lignes. L'oprateur incorrigible qui, en dpit du matre de la police et au pril de sa libert, photographia ce grave incident, n'tait autre--on l'a devin--que le correspondant de L'Illustration en personne. Malgr toutes les vicissitudes qui en ont retard l'envoi, la photographie sditieuse nous est enfin parvenue. Le matre de la police de Moscou a fait arrter notre photographe et perquisitionner dans ses appareils. Nous prenons aujourd'hui notre revanche malicieuse en ddiant ce fonctionnaire sa propre image dans un document historique que les circonstances ont rendu inestimable. L'IMPRATRICE EUGNIE A STOCKHOLM Parfois, au hasard de ses croisires sur le yacht Thistle, l'impratrice Eugnie passe en vue d'une capitale trangre. Il y a l, tout auprs, le palais d'une famille dont jadis, au temps des ftes impriales, les membres furent reus, en pompe, aux Tuileries. L'impratrice errante, qui se souvient, interrompt son voyage pendant quelques heures. Elle fait une courte visite ces princes et ces reines qui sont demeurs ses amis. A la souveraine dtrne, on rend les honneurs dus aux souverains rgnants qui voyagent incognito; on lui prodigue, en plus, les marques de vnration que commandent son grand ge et le souvenir de ses infortunes. Notre photographie reprsente l'ex-impratrice au moment o, aprs avoir djeun, le 25 juillet, avec le roi Oscar, Stockholm, elle se dispose regagner son yacht. L'EX-IMPRATRICE EUGNIE A STOCKHOLM regagnant son yacht aprs avoir djeun au palais du roi.--Phot. Blomberg. LA VISITE DE L'ESCADRE FRANAISE A COWES ET A PORTSMOUTH Photographies copyright S. Cribb, Gale and Polden et Topical Press Agency. L'htel, de ville de Portsmouth et son souhait de bienvenue. Le Massna dans la fume de ses canons,aprs le salut au roi. La foule anglaise masse sur la plage, attendant l'arrive de l'escadre franaise. Les escadres anglaise et franaise en rade de Cowes. LE CUIRASS MASSNA, BATTANT PAVILLON DE L'AMIRAL CAILLARD, EN RADE DE COWES. La visite de la flotte franaise en Angleterre a t l'occasion de grandes ftes maritimes qui ont dur toute cette semaine. Suivant le programme arrt par l'Amiraut britannique, notre escadre du Nord venait mouiller en rade de Cowes, ayant en tte le Massna, battant pavillon de l'amiral Gaillard, commandant en chef. Celui-ci, aussitt aprs le mouillage, se faisait conduire bord du yacht Victoria-and-Albert, pour saluer le roi; puis douard VII lui rendait sa visite bord du Massna. Cette premire journe tait, d'ailleurs, plus particulirement consacre aux rceptions officielles; dans le bruit des canons tonnant en salves d'allgresse, ce fut, sur le pont du vaisseau-amiral franais, un va-et-vient de brillants uniformes: l'amiral Wilson, commandant en chef de la flotte anglaise de la Manche, les tats-majors, les ambassadeurs, etc. Spectacle curieusement anim, dont, malgr la svrit des consignes prohibitives, le correspondant de L'Illustration, post une hauteur favorable, a russi obtenir les curieuses photographies que nous reproduisons en premire page. LA FTE DES VIGNERONS, A VEVEY.--La danse du Printemps. Vevey est une gracieuse cit vaudoise, assise sur la rive nord-est du lac de Genve, l'endroit mme o se jette la Vevayse. Cette petite ville de 6.000 habitants est deux fois clbre, cause d'un livre et cause d'une tradition. C'est dans les environs de Vevey que Rousseau trouva le cadre de sa Nouvelle Hlose. C'est Vevey mme que, de loin en loin, une fte fameuse, la Fte des Vignerons, runit d'innombrables spectateurs dans un admirable thtre de la nature. La scne de ce thtre est une place de la ville. Le dcor, c'est, aux plans lointains, au-dessus des toits et des clochers, le paysage des monts abrupts et des verts pturages. Les acteurs, ce sont tous les habitants du pays, en costumes de fte nationaux. La Fte des Vignerons se prsente sous un double aspect: elle est la fois antique et moderne. Il y a des nymphes, des bacchantes et des bergers houlettes. Les musiciens portent l'habit et la perruque du temps des baillis de Vevey. Les donnes du pome ne varient gure depuis l'anne 1797. Ce sont, exalts par les chants et mims par des danses, les principaux vnements de la vie rustique au cours des quatre saisons. Cette anne, comme lors des reprsentations prcdentes, on a applaudi la danse du Printemps, le pas des Bacchantes, le ballet des Feuilles mortes, le chant des Glaneuses, le dfil des chars de l't et l'Hymne Grs, et, naturellement, le Ranz des vaches. Nous publierons la semaine prochaine les dessins de notre envoy spcial, M. Georges Scott, L'Hymne Crs devant les chars de l't.--Photographies Fisher. Grav par Ch. Maylander. Peint par Mme Colin-Libour.EN DTRESSE Au bord de la mer: un coin de plage, le ciel et l'eau se confondant presque en une vaste tendue; l'horizon, les voiles d'une flottille de pche; au premier plan, deux personnages. Sujet d'une composition trs simple, que Mme Colin-Libour a trait avec la sobrit qui convenait; mais, en sa simplicit, quelle scne mouvante voque ce tableau! S'cartant des abords trop frquents de la terrasse banale, une jeune mre s'est aventure au loin, avec sa fillette, sur une de ces langues de sable o l'on se sent en pleine scurit, mare basse. L, pendant qu'elle partageait les jeux ingnus de l'enfant, elle a perdu la notion du temps, s'est attarde, sans prendre garde au flot perfide; et voici que la mer, continuant de monter, menace de couper toute retraite en couvrant la langue de sable dj transforme en lot. La situation est critique: l'imprudente, affole, dans une anxit poignante, multiplie les appels, les signaux de dtresse; esprons qu'elle en sera quitte pour la peur et que, grce un prompt sauvetage, l'aventure n'aura pas un dnouement tragique. UN SPECTACLE DE L'AN 1452 QU'ON A REVU, LE 6 AOUT 1905, A BRUXELLESLe cortge historique des ftes de l'Indpendance belge sur la Grand'Place: Philippe le Bon et le comte de Charolais.--Voir l'article, page 116. EN NORVGE Fragments d'un journal de voyage. (Suite III.--Voir les numros des 8 et 29 juillet:) LES LAPONS Dans les rues de Tromsoe; de-ci de-l, de bizarres personnages, petits, roux, coiffs d'un bonnet bleu et rouge, comme des valets de carreau, dambulent, couverts de fourrures, chausss de bottes en peau de renne, avec un assortiment d'objets bizarres en os, pendus la ceinture et au bout des doigts. Ce sont des Lapons. Ils sont moins sales qu'on ne s'y attendait. Le visage rose ou rouge est clair par des yeux bleus, et des cheveux filasses encadrent les pommettes saillantes du type mongol. Le cap Nord. Ce sont bien des Lapons; mais ils sont trop liants, trop bons vendeurs, ils parlent trop bien l'anglais; ils ressemblent trop, comme mentalit commerciale, aux Italiens marchands de moulages qui nous mettent dans les mains, Paris, un objet dont on a offert le dixime du prix demand. Les Lapons suivent les touristes, offrant des spoons, cuillers faites d'un os de renne et ornes d'un dessin en profil de cet animal. Tromsdal, en face de Tromsoe, se trouve le fameux camp des Lapons tant blagu, tant attendu aussi. Il est tabli quatre kilomtres de la cte. Pourquoi? Parce que le propritaire du terrain qui le reoit l'a voulu ainsi afin de forcer les touristes utiliser des voitures sur le prix de location desquelles une part d'argent lui est remise. Par un chemin impossible, cahoteux, dtremp, troit, rocailleux, franchissant des torrents et sur lequel les voitures tressautent, on arrive au camp, aprs avoir travers un bois de bouleaux qui, l'hiver, disparat sous la neige. Un camp lapon, Tromsdal. On nous a tellement dit que, ces Lapons, nous aurions pu les voir au Jardin d'acclimatation, que nous sommes ravis de les trouver tout de mme un peu plus pittoresques. Sur un mamelon vert environn de montagnes, trois ou quatre huttes ressemblent de gros tas de terre. Dans un enclos, voici les rennes, deux cents environ. Ils sont tout petits et leurs ramures confondues font comme un fouillis agit de branchages. Nous entrons dans une hutte. Elle est bien telle qu'on l'a dcrite, avec le feu de bois au centre, au-dessous du trou mnag au sommet. Tout autour, terre, sur des peaux, sont tendus les habitants. Des ttes de morues sont suspendues pour scher. Une montre en argent, remontoir, brille dans un coin. Une femme vtue de fourrures et de lainages rouges et bleus surveille un bb tout blanc, bien emmaillot, dont le berceau est un grand sabot de bois. Sur la prire d'un touriste, prire affirme par le don d'une pice blanche, elle sort de la hutte pour tre photographie, et, complaisamment, lve le voile qui cachait la figure de l'enfant; mais, lorsque survient un nouveau touriste arm d'un nouvel appareil, le voile est prcipitamment baiss et ne se relvera que contre une nouvelle obole. Vous vous rappelez les tableaux d'glise dont le sacristain lve le rideau en Italie? Les touristes--nous sommes prs de deux cents--entourent et absorbent les Lapons. Ce camp de Lapons ne ressemble plus maintenant qu'au pesage d'un champ de courses de province. Il faut se contenter de contempler des groupes. L, une lgante Franaise a pris des mains d'une Laponne un travail d'aiguille et lui montre un point de broderie nouveau. La Laponne est dans le ravissement. Ici, un touriste bourre et allume la pipe d'un tre bizarre l'oeil allum, au visage d'ivrogne, un Quasimodo avec des couleurs de personnage, d'un jeu de cartes barbares. Des enfants norvgiens vendent des cartes postales. La carte postale illustre a unifi le monde. Les Lapons font des affaires d'or. Ils vendent, des prix trs exagrs, des objets fabriqus par eux: cornes de rennes, pipes d'os de renne, blagues tabac en peau de renne, cuillers d'os de renne, etc. Voici l'heure de la fantasia finale. Un Lapon pntre dans l'enclos o sont les rennes, tenant un de ces animaux en laisse, un conducteur docile qui donnera l'exemple aux autres. Le troupeau sort en tumulte de l'enclos et, sous les aboiements des chiens et les cris des hommes, traverse un torrent que le mouvement de la multitude de pattes minces raye d'une barre d'cume. Tous les animaux, en un clin d'oeil, se dispersent dans la montagne o ils disparaissent dans le taillis. Il pleut, lentement, doucement, pleinement, avec constance. Le ciel et la mer sont du mme gris, on ne voit pas une ligne d'horizon, de sorte que les bateaux tout noirs, avec leurs mts, semblent suspendus dans l'espace opalin et laiteux. ** * Il y aurait bord une jolie moisson de confessions faire. Mais ce serait une trahison que de rpter les secrets qu'on a pu surprendre dans l'abandon forc d'une vie commune d'un mois. C'est malheureux. On ne peut ici indiquer que des silhouettes de groupes. Il y a tout un clan d'isoles, de veuves ou de femmes maries dont les maris sont rests en France. Quels drames intimes ces sparations consenties ou imposes peuvent-elles cacher? Il y a aussi des isols. De quelles peines cherchent-ils l'oubli? Pendant les heures du crpuscule sans fin, on rve toutes ces misres et l'on sent qu'elle n'tait pas exacte, l'impression du dbut, qui nous faisait croire que notre bateau tait celui des gens heureux; nous avons aussi embarqu des douleurs. LES ACHATS Une scne amusante, pendant les escales, est celle du retour bord des touristes chargs d'achats. Tout le long de l'escalier, c'est une succession de paquets envelopps de papiers jaunes, de hautes cornes de rennes. Les femmes sont particulirement heureuses. On a pu faire du Shoping Tromsoe. Une fois sur le pont, chacun dballe ses acquisitions devant tout le monde. Ce sont des peaux d'ours blancs qui cotent 150 ou 200 couronnes, c'est--dire 200 ou 300 francs, des renards bleus plus chers qu' Paris, naturellement, non monts, mal prpars, mais qu'on dclare des occasions extraordinaires, chre madame; des bottes de fourrures de tous les modles; des pantoufles de peau de renne ornes de lainages blancs et rouges qu'on trouve dlicieuses et qui, Paris, seront dclares des horreurs. Une dame a achet... un bateau. Elle en est folle de joie. Ds la monte de l'chelle, ce sont des cris: J'ai achet un bateau. Vous savez, j'ai achet un bateau...! Et sur le pont: Vous allez voir mon bateau, parce que je dois vous dire que j'ai achet un bateau. Et comme quelqu'un, peu de temps aprs, lui dit: Il parait, madame, que vous avez achet un bateau... De trs bonne foi, elle s'crie: --Comment savez-vous cela? C'est curieux comme on potine bord... Les retours sont gais. C'est un babillage, un piaillement, un talage naf de petites vanits dans l'brouement des parapluies mouills et des caoutchoucs ruisselants. Vendredi 15 juillet.--Dpart de Tromsoe. Navigation dans le Lygenfiord. Toute la journe nous avons navigue, par un soleil superbe, dans le Lygenfiord, entre deux ranges de hautes montagnes couvertes de neige et spares par des glaciers qui descendent jusqu' la mer. C'est un spectacle merveilleux que ce dfil de verdure, de blancheurs neigeuses et de bleus glaciaires. Il faudrait abuser des pithtes superlatives pour essayer de dpeindre ce spectacle. J'avoue m'en sentir incapable. Je ne puis que dire notre motion, et le silence auquel nous tions condamns par la grandeur de ce dcor dont les toiles de fonds taient d'une hauteur dpassant mille mtres. Nous longeons la cte et tous les appareils photographiques, dlaisss sous les brumes des jours passs sont sortis des tuis, de sorte que la vue des glaciers est, dans mon souvenir, accompagne des bruits de dclics de kodak et de plaques de vrascope qui tombent. HISTOIRE DE CHIENS Il y a eu Tromsoe et chez les Lapons un enlvement de chiens. Nous en avons huit bord, je crois. Les Lapons en font l'levage en vue de l'arrive des touristes. Il y en a de gros et de petits, de jeunes et de vieux, de dociles et d'inapprochables; ce sont de gros loulous au poil rude et fourni qui souffriront en France, aux chaleurs de l't. Hier, quelqu'un en achte un et l'envoie bord. C'est une jeune Norvgienne, trop blonde, qui le conduit. Elle arrive avant l'acheteur, l'attend, s'ennuie. Le chien est son chien, son pre l'a vendu malgr elle et elle en a le coeur gros. Elle veut le remporter, heureuse de ce contre-temps. Et c'est un peu triste, ce passage de gens venus de si loin et qui, pour la satisfaction d'un caprice, vont laisser derrire eux ce gros chagrin dans ces yeux bleu ple. On ne laisse pas partir la jeune fille avec son chien, qui d'ailleurs est fort beau. Une dame lgante dclare que, si le premier acheteur n'en veut plus, son retour, elle le prendra. On paye les 30 couronnes la petite Norvgienne si blonde, qui descend en sanglotant l'escalier du bord et s'loigne dans une barque que dirigent d'autres fillettes. Elle ne songe plus alors cacher son chagrin et nous suivons des yeux son petit chle noir que les paules secouent. ** * Je cherche des comparaisons pour donner une ide du spectacle qu'offre le Lygenfiord. Je n'en trouve qu'une vieille, celle des vagues immenses subitement fixes, vagues neigeuses la base verte. Ces vagues ont plus de mille mtres de haut, et il y en a sur une longueur de quinze lieues. Au fond d'un des bras du fiord, voici une fume. Les lorgnettes dcouvrent un yacht qui vient sur nous. C'est un bateau franais. Petite motion patriotique lorsque les sirnes et les pavillons changent leurs saluts. Le yacht s'loigne et bientt il n'est plus qu'une fume qui disparat... Hlas! nous devions le revoir, ce bateau! Le soleil de minuit. On nous promet pour ce soir le soleil de minuit. Nous dsesprions, mais le ciel est bleu et la chance nous est revenue. LE SOLEIL DE MINUIT J'ai vu le soleil de minuit ou plutt, j'ai vu le soleil minuit. Il y a eu sur le bateau, pendant toute la journe, une effervescence, et, dans les groupes, les savants ont expliqu le phnomne. On dne en hte, et l'on va prendre sa place sur le pont, la lorgnette la main. Nous sommes arrivs un peu tt la sortie du Lygenfiord et, en attendant l'heure de la reprsentati ......Buy Now (To Read More)

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