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L'Illustration, No. 0010, 6 Mai 1843
Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an. 30 fr. Prix de chaque N 75 c.--La collection mens. br., 2 fr 75. Ab. pour les Dep.--3 mois. 9 fr.--6 mois, 17 fr.--Un an. 32 fr. pour l'tranger,--3 mois. 10 fr.--6 mois, 20 fr.--Un an. 40 fr. N 10. Vol. I.--SAMEDI 6 MAI 1843. Bureaux, rue de Seine. 33. SOMMAIRE Les Ftes de la Saint-Philippe.--Prsentation du Corps diplomatique; la srnade de tambours; salves d'artillerie; les Champs-lyses; feu d'artifice.--Grande mdaille des chemins de fer. Gravure.--Inauguration du chemin de fer d'Orlans.. Mdaille; embarcadre de Paris; passerelle pris Trousseau; carte du chemin de fer; passage sous la route, la Cour de France; viaduc de Villemoisson; viaduc sur l'Orge; dbarcadre d'Orlans.--Inauguration du chemin de fer de Paris Rouen. Rtissage du boeuf; transport du boeuf; repas des ouvriers Maisons; profil de la voiture des princes; intrieur de la voiture; carte du chemin de fer; pont de Maisons; tunnel de Rolleboise; tunnel de Tourville.--Bulletin bibliographique.--Annonces.--Incendie du thtre du Havre. Vue du thtre.--Un vieux soldat. Gravure. --Rbus. (Prsentation du Corps diplomatique.) Les Ftes de la Saint-Philippe RCEPTION AUX TUILERIES Le canon gronde, les cloches sonnent, les votes des temples retentissent; trente-quatre millions d'habitants clbrent la fte d'un seul homme. Quel honneur! mais aussi quelle fatigue et quels ennuis! A pareil jour, permis un simple citoyen du nom de Philippe d'oublier le reste du monde et d'abriter derrire le mur de la vie prive les saintes joies de la famille; quant au souverain, il ne s'appartient pas: la flicitation officielle le rclame; la harangue l'attend, toute boursoufle d'logieuses hyperboles; son devoir est de l'entendre jusqu'au bout et de trouver pour chaque orateur des formules de remerciements qui seront lues et commentes par la nation tout entire. On jugera de ce qu'il lui faut de patience et de mmoire par cette simple numration: Le 30 avril au soir, le roi, entour de sa famille, reoit dans la salle du Trne:--l'archevque de Paris, la tte du clerg diocsain:--l'vque de Versailles et ses grands-vicaires;--les membres du corps diplomatique;--le conseil d'tat, prcd par le garde-des-sceaux, son prsident-n;--l'administration de la liste civile et celle du domaine priv. Aprs ces rceptions, le roi et la famille royale se rendent dans la salle des marchaux, o les dtachements de la garde nationale et de la troupe de ligne sont admis offrir leurs compliments S. M. l'occasion de sa fte. Le lendemain, onze heures le roi reoit ses aides-de-camp, ses officiers d'ordonnance et ceux des princes de la famille royale; onze heures et demie, le conseil des ministres et MM. les marchaux de France--A midi, le roi, en uniforme (habituellement celui d'officier-gnral de la garde nationale) se rend, avec la reine, les princesses, les princes, galement en uniforme, dans la salle du Trne, o il reoit successivement:--les grandes dputations de la Chambre des Pairs et de la Chambre des Dputs ayant leur tte le chancelier et le prsident de la Chambre;--les dputations de la cour de cassation et de la cour des comptes, conduites par les chefs de ces deux compagnies;--le conseil royal de l'instruction publique;--le premier prsident de la cour royale, la tte de sa compagnie; --les membres des cinq acadmies qui forment l'Institut de France;--le prfet de la Seine,--le prfet de police;--le conseil de prfecture de la Seine et le corps municipal de la ville de Paris;--les sous-prfets de Saint-Denis et de Sceaux, et les conseils municipaux de la banlieue;--l'Acadmie royale de mdecine;--les dputations du tribunal de premire instance et du tribunal de commerce de la Seine;--les juges de paix de Paris;--la chambre de commerce;--les membres des corps royaux des Ponts et Chausses et des Mines;--les fonctionnaires et professeurs de l'cole royale polytechnique; --les professeurs du Collge de France;--le conseil de perfectionnement du conservatoire des arts et mtiers;--les consistoires de l'glise rforme et de la confession d'Augsbourg;--le consistoire central du culte isralite;--les dlgus des colonies;--la chambre, des notaires de Paris;--la chambre syndicale des agents de change;--la chambre des commissaires-priseurs;--la chambre syndicale des courtiers de commerce;--la socit royale et centrale d'agriculture;--le prfet et le conseil de prfecture de Seine-et-Oise;--les corps municipaux de Versailles et autres villes du dpartement;--les officiers-gnraux, suprieurs et autres, qui ne font point partie de la garnison de Paris, et ceux des fonctionnaires civils ou militaires qui n'appartiennent aucun des corps admis aux rceptions du jour. S. M. reoit ensuite:--le commandant suprieur et l'tat-major de la garde nationale de la Seine;--les officiers des lgions de Paris et de la banlieue;--les officiers des gardes nationales de Versailles et autres villes ou communes du dpartement de Seine-et-Oise;--les officiers composant l'tat-major des Invalides;--les gnraux et tats-majors de la division et de la place;--les marchaux-de-camp et officiers des diffrents corps de la garnison de Paris;--les gnraux et officiers suprieurs du dpartement de Seine-et-Oise. Enfin, quatre heures, le roi reoit les membres du corps diplomatique. Pendant cette longue rception, qui ne dure pas moins de cinq heures, le roi se tient debout, le chapeau la main, un peu en avant de sa famille, saluant sans cesse et prenant continuellement la parole, soit pour adresser quelques mots affables aux personnes qu'il distingue dans la foule, soit pour rpondre aux diverses harangues que prononcent successivement les prsidents de la Chambre des Pairs et de la Chambre des Dputs, les premiers prsidents de la cour de cassation, de la cour des comptes et de la cour royale de Paris, le ministre de l'Instruction publique au nom du conseil royal, le prsident de l'Institut, le prfet de la Seine, les prsidents des tribunaux de premire instance et de commerce, le ministre de l'Agriculture au nom du Conservatoire royal des Arts et Mtiers, le prfet de Seine-et-Oise, et le chef du corps diplomatique. La veille, S. M. a reu les flicitations du conseil d'tat par l'organe du ministre de la Justice. Un conflit de prsance entre le conseil d'tat et la cour de cassation, a fait, depuis plusieurs annes, dcider que le conseil d'tat ne serait pas reu le jour mme, mais la veille de la Saint-Philippe. Il est d'usage que les discours prononcs la rception soient d'avance communiqus au chef du cabinet du roi, qui les place sous les yeux de S. M. Nous n'avons rien dire de ces pices d'loquence que reproduit textuellement le Moniteur, et, aprs lui, la plupart des journaux politiques, et qui n'offrent gure que des banalits officielles. La louange y revt ses formes consacres, strotypes, pour mieux dire, l'usage de tout gouvernement. Quelquefois cependant la rclamation, la sollicitation, s'y glissent sous les protestations d'amour; c'est le serpent cach sous les fleurs de rhtorique. Mais de telles manifestations sont rares et habituellement la paix du monde, l'harmonie des pouvoirs de l'tat, si ncessaire au bien public, le maintien de l'ordre, si dsirable pour assurer le libre jeu et l'affermissement de nos institutions, etc., toutes choses fort neuves, comme l'on sait, font tous les frais de ces lucubrations prvues qui n'offrent gure plus de diffrence entre elles que les variations d'une mme phrase musicale. Un grand dner, auquel sont admis plusieurs centaines de convives, succde aux rceptions du jour. Pendant ce repas, un concert d'harmonie, install dans un vaste kiosque dress entre les deux parties du jardin rserv, en face du pavillon de l'Horloge, se fait entendre d'habitude; mais il n'a pas eu lieu cette anne, et, par suite, aucun billet n'a t dlivr aux personnes privilgies qui d'ordinaire trouvaient place sur les pelouses du jardin clos, d'o elles jouissaient tout la fois de l'audition du concert et de la vue du feu d'artifice. (Srnade de Tambours dans la cour des Tuileries.) Srnade de tambours sous les fentres des Tuileries. Hlas! plaignez la royaut! Voici des harangueurs d'une nouvelle espce qui viennent mler leurs voix bruyantes aux priodes cadences des orateurs officiels. Ce ne sont rien moins que les tambours de la garde nationale, conduits par le plus colossal, le plus brod, le plus chamarr, le plus empanach de leurs tambours-majors, qui rgalent d'un roulement gigantesque les oreilles du souverain l'occasion de sa fte; ils appellent cela donner une srnade. Certes, l'intention est louable, mais cette galanterie trop espagnole nous semble mriter mieux un autre nom. Il n'y a pas de bonne fte, dit-on, sans lendemain et sans gendarmes; nous ajouterons: et sans tambours. Depuis quelques annes surtout, le roulement a pris chez nous des proportions dmesures. Impossible de s'y soustraire, que l'on soit roi ou caporal de la garde nationale; seulement, comme la monarchie a droit des honneurs tout particuliers, elle a le privilge de jouir de trois cents tambours au lieu d'un; heureuse si la solidit de son appareil auditif est en rapport avec la majest de son rang et l'tendue de cette flatteuse prrogative! Cette tyrannie de la peau d'ne tient, nous inclinons le croire, aux circonstances politiques. Le tambour-citoyen qui se sent plac la tte de la milice nationale, l'un des plus fermes appuis de l'ordre de choses tabli, se considre naturellement comme la colonne du pouvoir: aussi abuse-t-il de l'aubade en homme fort de son importance et du bruit qu'il fait dans le monde. Il faut bien se garder de le mcontenter: il a la tte prs des baguettes, et si, par malheur, on avait l'imprudence de le molester, il battrait en retraite, laissant le gouvernement et les Chambres se dbrouiller comme ils pourraient. Voil peut-tre ce qui explique comment cette anne le roulement-monstre de la cour d'honneur du Carrousel a t maintenu le 1er mai, tandis que le concert du jardin a disparu du programme des rjouissances. Une politesse en vaut une autre, et toute srnade a un sens. Celle des virtuoses de la basane signifie trs expressment qu'il faut leur donner de quoi boire la sant du chef de l'tat, pour clbrer dignement sa fte. Cet appel est compris: le moyen de rester sourd une demande de cette espce! et ce digne corps, en achevant son formidable roulement, se retire charg des dons de la munificence royale. Mais si, comme dit le proverbe, ce qui vient par la flte s'en retourne par le tambour, il est rare que par analogie le pcule gagn en abaissant le poignet ne s'en aille pas en levant le coude, suivant l'expression populaire, avant la fin de la journe. Mais c'est qu'aussi le tambour est dou d'une soif de dvouement inextinguible! Le canon des Invalides. Autre genre de concert dont l'imposante voix domine le fracas de la fte. C'est le coup de tamtam au milieu de l'orchestration officielle. Le canon des Invalides est comme le Moniteur; il enregistre sa manire tous les triomphes, toutes les joies. Ce n'est point pour cela un flatteur; au contraire, il ne sait que gronder, et cependant sa brutalit ne dplat pas. C'est par deux salves de vingt et un coups tirs le matin et le soir, qu'il s'associe aux rjouissances de la journe du 1er mai. Une compagnie d'Invalides, choisis parmi les moins manchots, fait le service de la belle batterie leve sur l'esplanade de l'htel, et prouve, par la prcision et la promptitude de son feu, qu'au besoin, le peu de bras qui lui restent sauraient encore lancer l'adresse de l'ennemi une suffisante quantit d'obus et de boulets de trente-six. Le canon des Invalides tonne galement pendant qu'on tire le feu d'artifice, et son organe majestueux se dtache, grave et sonore, de cet assourdissant vacarme, comme le bourdon de Notre-Dame, une veille de grande fte, au milieu des grles sonneries de toutes les autres paroisses. Ftes et jeux des Champs-lyses.--Nous voici au coeur de la fte, C'est aux Champs-lyses que se concentrent les rjouissances municipales; aussi la foule, toujours avide de plaisirs, s'y porte-t-elle avec fureur, et Paris n'est plus dans Paris pendant toute une grande journe; il est tout entier empil entre la place de la Concorde et la barrire de l'toile. Les divertissements et les jeux offerts la population justifient-ils cet empressement, rpondent-ils, l'attente gnrale? Hlas! non, il faut bien l'avouer. Les ftes se suivent et se ressemblent; Louis-Philippe est ft comme l'tait Charles X, et avant celui-ci Louis XVIII, et avant ce dernier Napolon. Le programme des rjouissances a t, ce qu'il parat, arrt! une fois pour toutes et chaque anne il se rimprime sans le plus lger amendement; il n'est besoin que d'en changer la date. Certes, une autre poque o le talent de la mise en scne, du dcor et de la pompe gnrale est pouss si loin et partout, dans le plus petit bouge dramatique comme sur notre premire scne, il faut que l'imagination de nos ordonnateurs de ftes soit bien strile pour ne pas leur suggrer, une fois par hasard, autre chose que l'ternelle rptition de leur fastueux programme. Qu' dfaut d'un autre genre de prodigalit, ils se mettent du moins en frais d'invention. Que si leur cervelle prosaque et frappe d'infcondit ne peut donner naissance la moindre ide neuve, la plus petite des dcouvertes, qu'ils appellent leur secours les archologues et les potes. Qu'ils remontent vers le pass; qu'ils nous rendent le cirque de nos pres, non point avec les gladiateurs et les combats de btes froces, mais avec un spectacle appropri nos moeurs, quelque chose qui moralise et lve l'esprit des masses, comme pourrait tre le tableau de nos grandes popes nationales, reprsentes avec des milliers de comparses sur une scne immense, sous les yeux d'un people tout entier. Pourquoi l'Acadmie des sciences morales et politiques ne proposerait-elle pas un prix l'auteur du meilleur projet de fte nationale et populaire? Il nous semble qu'un tel objet se recommande directement ses mditations, son intrt spcial; et assurment jamais mdaille d'or n'aurait t plus dignement et plus utilement place, que celle qui nous doterait enfin de pompes et de solennits en rapport avec les progrs de notre civilisation et la majest d'un grand peuple. (Salves d'artillerie aux Invalides.) En attendant que cette ide se ralise, si tel doit tre son destin,--ce dont nous doutons fort,--pntrons dans ces Champs-lyses, si richement pourvus de joies municipales, et examinons les merveilles que la moderne dilit offre en pture aux citoyens, de par le programme officiel. Que voyons-nous d'abord? Quatre orchestres de danse tablis chaque angle du carr Marigny. Premier et flagrant anachronisme! Le peuple n'a nul besoin des violons de la Ville pour danser, s'il en a envie. N'est-ce pas l'avilir que le convier prendre de risibles et grossiers bats au milieu de la voie publique, sous le soleil le plus ardent, travers les nuages pais d'une poussire fort peu olympique? Aussi le peuple rpond-il comme il le doit cet absurde et inconvenante provocation, en s'abstenant compltement. Les orchestres jouent, sinon dans le dsert, au moins dans l'inaction et le ddain de la foule. Je me trompe pourtant, car ils servent animer la danse macabre qu'une douzaine de polissons excutent sous la protection de la garde municipale, et qui, en toute autre circonstance, et en tout autre lieu, vaudrait certainement ses auteurs une incarcration immdiate, suivie d'une comparution en police correctionnelle et de quinze jours d'emprisonnement, pour fait d'outrage public aux moeurs. Un autre plaisir dlicat qu'offre l'administration aux bons habitants de Paris, c'est l'ascension au mt de Cocagne. Ici encore nous retrouvons les mmes haillons, les mmes visages repoussants qu'autour des orchestres forains rtribus par l'autorit. Une population de drles jambes nues, de gamins de la pire espce, dont les faces rbarbatives inspirent l'effroi et le dgot, grouillent en tumulte autour de l'arbre Symbolique, impatients de monter la conqute des timbales et des montres d'argent suspendues quelque trente mtres au-dessus du sol. Les plus avides, les novices, s'lancent les premiers, et ne tardent pas gayer la galerie par une lourde dgringolade. Mais ceux qui de ces jeux ont un plus long usage, laissent les conscrits passer devant et s'puiser en vains efforts, attendent patiemment, sachant bien que chaque tentative infructueuse de leurs devanciers les approche du but dsir. En effet, lorsque le fretin leur a suffisamment aplani le chemin en dtachant du mt la couche savonneuse qui s'opposait l'ascension, les habiles apparaissent leur tour; ils recueillent le fruit des dfaites de leurs infortuns rivaux. Pour augmenter encore leurs chances de succs, ces grimpeurs mrites, qui l'agilit du singe joignent la prudence du serpent, ont eu soin de ceindre leurs reins d'une corde soutenant deux sacs, ou immenses poches de toile pleines de gravier et de poussire, dont ils se frottent par intervalles les mains et les jambes pour aider leur prgrination arienne, et balancer, par cet utile auxiliaire, l'action perfide des parties savonneuses encore adhrentes au mt. Cette sage prcaution leur assure la victoire, jointe la lenteur rflchie qu'ils apportent dans leur ascension et aux temps de repos frquents dont ils savent l'entrecouper, n'oubliant pas un seul instant cette salutaire maxime: Qui veut voyager haut, mnage sa monture. Une fois le mt dgarni de ses agrables pendentifs, il reste enlever le drapeau qui surmonte l'arbre gigantesque. C'est la le beau idal, le triomphe du genre. Celui qui a le bonheur ou l'adresse de se signaler par ce haut fait, est conduit, entre deux municipaux, au commissaire de police du quartier des Champs-lyses, qui, de sa magistrale main, lui remet une rcompense proportionne la grandeur de l'action. A la mine de ce laurat, on jugerait, en le voyant sous l'escorte de la force arme, qu'elle va le conduire aux galres. Il n'en est rien pour le moment; mais il y a gros parier, en juger du moins par la physionomie de ce singulier triomphateur, que ce n'est que partie remise. Jusqu' prsent, les divertissements de la fte royale n'ont d'autre but, comme on le voit, que de fournir de l'argenterie et les dlices du bal en plein vent une cinquantaine de jeunes gueux, semblables de tous points ceux dont Callot nous a lgu le type. Est-ce bien l, de bonne foi, ce qu'il est permis d'appeler une fte nationale? Parlerons-nous des deux thtres levs aux deux extrmits du vaste carr Marigny, et des ridicules pantomimes qu'y excutent de malheureux bateleurs forains recruts au rabais par l'adjudication des rjouissances du 1er mai? Une plate et insipide copie des batailles du Cirque-Olympique, moins les chevaux, les dcorations, la mise en scne, et, en un mot, tout ce qui attire la foule, tel est cet attrayant spectacle, que ddaignent mme les Titis, car, pour les quinze centimes que cote une place au paradis du Petit-Lazari, ils auront la jouissance d'une reprsentation infiniment plus amusante. Nous avons pu juger de cette indiffrence par le renouvellement incessant du public essentiellement populaire qu'attroupe d'abord devant ces thtres l'aimant irrsistible des feux de pelotons et des volutions guerrires; et, certes, il faut que l'exhibition soit au-dessous du mdiocre pour ne pas captiver un tel public avec de pareils lments de succs. Nous avons fait comme tout le monde: nous avons sjourn cinq minutes devant ces trteaux de quinzime ordre. Ce qui s'y consomme de poudre est rellement incalculable, des nuages de fume clipsent chaque instant la scne: c'est l le plus clair de l'action. On s'y fusille bout portant mais il n'y a jamais ni morts ni blesss, attendu que, la toile ne baissant pas, les blesss et les morts seraient, faute d'entractes, contraints de se relever eux-mmes la face des spectateurs, ce qui serait contraire aux lois de la nature et pcherait un peu contre la vraisemblance. Un gnral franais, adoss au garde-fou d'un pont, a essuy devant nos yeux, sans en tre contusionn le feu d'une arme toute entire, reprsente par vingt comparses, ce qui nous a port croire que ce digne militaire tait invulnrable comme Achille, d'autant plus qu'en vrai hros franais, il n'avait garde, comme on pense de montrer le talon l'ennemi. Un duel l'arme blanche, entre une vivandire et un officier autrichien, n'a pas eu de suites plus funestes. La mme vivandire a, la minute d'aprs, poignard et prcipit dans un torrent un montagnard, que son feutre nous a fait souponner tre Tyrolien, et qui, deux fois occis, n'en est pas moins rentr incontinent sur le thtre par une coulisse oppose. Presque aussitt une arme de Russes a dbouch par le pont dj mentionn, et est venue se ranger en bataille au bord de la scne, en commenant un feu de file des moins nourris, sans doute pour s'entretenir la main en attendant que l'ennemi parut. Ah! bon, voil les bdouins! s'est cri cependant notre voisin de droite, excellent type de g--------- parisien, au visage panoui et candide; et tout aussitt, trente voix ont rpte autour de nous: Voil, voil ces gueux de bdouins! Il parat qu'aujourd'hui le bdouin est pass l'tat d'ennemi universel, comme l'tait autrefois l'anglais: c'est du moins ce qui nous a paru rsulter de l'unanimit de notre entourage proclamer Bdouins et archi-bdouins des soldats parfaitement Russes. Aussi est-ce pour rendre hommage ce sentiment populaire que notre dessin reprsente l'arme franaise aux prises avec les troupes d'Abd-el-Kader sur le thtre municipal; mais la vrit historique nous force dclarer maintenant que l'aspect de nos adversaires n'avait rien que de moscovite. Aprs cela, il est fort possible que les Bdouins soient venu ensuite, apparemment par le mme pont; et s'il faut le dire, nous n'en serions pas tonn, attendu la grande varit de nationalits ennemie que nous avons vu se succeder sur le thtre en question, dans l'espace de cinq dix minutes. Quoiqu'il en soit, nous avons laiss les Russes battus plate couture et nos soldats, au nombre trois les pourchassrent outrance; et, justement flatts d'un coup d'oeil si bien fait pour mouvoir une me franaise, nous avons tenu demeurer sur cette douce satisfaction d'amour-propre national. Quittant donc sans regret les joies officielles, nous avons suivi la multitude vers le point des Champs-lyses o elle afflue de prfrence; nous voulons parler de l'espace compris entre la place de la Concorde, le carr Marigny et la rive de la Seine. C'est l que donnent rendez-vous la foule des promeneurs, et le saltimbanque qui a quitt les foires circonvoisines pour venir dvelopper ses talents dans la capitale, et les phnomnes vivants qui viennent de faire l'admiration des diffrentes cours de l'Europe, et les escamoteurs, physiciens, alcides, cuyers, qui, aux alentours du 1er mai, dbouchent par toutes les barrires et viennent peupler avec les monstres, les funambules, les marchands de mirlitons et de bons hommes de pain d'pice, les ombrages de l'ancien Cours-la-Reine. Aussi, ce jour-l, n'y peut-on faire un pas sans tomber en extase; tous les sens sont charms la fois: tandis que l'odorat est doucement chatouill par le parfum incomparable des cuisines ambulantes et des fritures en plein vent, l'oeil bloui s'tend sur une immense file de tableaux-affiches reprsentant les plus curieuses merveilles du globe, et l'oreille se dlecte au son de vingt grosses caisses, appuyes par autant de trompettes ou trombones sur les notes graves ou clatantes desquels se dtachent, comme une arienne dentelle, les folles gammes chromatiques de la perante! clarinette. Ici, on court la bague sur des pur-sang de bois; plus loin, l'escarpolette vous tend les bras de ses fauteuils on vous enlace de ses filets; sous cette tente, on se livre un repas champtre; l-bas, on arrache des dents; partout la joie est son comble. Dans l'espace dont nous parlions tout l'heure s'lve une cit trange qui hier n'existait pas encore, et qui n'existera plus demain; ses habitants nomades sont accourus des quatre coins de la France pour venir la peupler et l'animer un jour. Aucun d'eux ne ressemble au commun des mortels, et, chose singulire! cette anomalie est attache leur existence. Les uns ont plus de six pieds, les autres moins de trois; celui-ci a quatre jambes, cet autre est solipde; celui-l a deux ttes, et, qui pis est, deux estomacs; tel autre, enfin, a toujours joui des bienfaits de la paix, n'a jamais servi son pays, n'a point de place aux Invalides, et n'a pourtant ni bras ni jambes. D'autres, avec une conformation physique en apparence peu diffrente de celle des autres humains, ont cependant des moeurs diamtralement opposes celles de leurs concitoyens: c'est ainsi que l'un marche habituellement sur la paume des mains, la tte en bas, l'orteil en l'air, tandis que celui-ci n'a d'autre nourriture que des cailloux et des pointes d'pes. C'est l la cit des monstres, cit bruyante et musicale s'il en fut, o tout se fait au son du cuivre et du tambour; cit opulente, bien que tout entire faite de toiles et de planches, car l'or et le satin y brillent de toutes parts; cit cosmopolite, car le Lapon y coudoie le Patagon et le sauvage, et il n'est pas jusqu'aux lions du dsert qu'on n'y entende parfois mler leurs rugissements sombres aux bruits des instruments et des voix glapissantes qui retentissent ternellement dans ce vaste pandaemonium. C'est dans les sinueux carrefours de cette ville improvise qu'aime errer la multitude, ddaignant, comme nous l'avons vu, et les danses en plein vent et les parades du carr Marigny. Insensible aux joies du programme, elle cherche pour son argent des amusements qui l'amusent, et que lui offrent tant d'avances, tant de promesses sduisantes, formules tour tour par une orchestration si crpitante et si chevele, par une loquence si pittoresque, si entranante, si insidieuse que Bilboquet, ce roi de la cit en question, se montre grand et inimitable en ce jour solennel! Avec quelle inpuisable faconde il captive, touche, tonne, fascine son public, joignant le geste au discours et faisant rsonner sous les coups de sa baguette, chaque chute de phrase, la toile barbouille qui sert de prospectus son tablissement! Voyez cette vaste pancarte sur laquelle est trace une femme gigantesque; auprs d'elle se tient roide et droit, comme un simple conscrit le jour de sa premire prise d'armes, un magnifique tambour-major. L'infortun bel homme parat avoir conu la ridicule prsomption de mesurer sa taille celle de la gante; mais c'est en vain qu'il efface les paules, allonge le col et se hausse sur la pointe du pied; il ne produit gure plus d'effet en face de la moderne Titane que la grenouille de la fable en parallle avec le bouf, et c'est peine si, kolbach et plumet compris, il atteint la hanche de la femme colosse. Qui ne voudrait voir par ses yeux un si rare prodige? Telle est sans doute la question que s'adresse chaque membre de l'assemble; car peine le propritaire de la baraque a-t-il annonc, entre deux roulements du tambour, le commencement de la reprsentation, que la foule se prcipite longs flots dans le sanctuaire, et que nous-mmes, proh pudor! nous nous laissons entraner au torrent. L, le premier objet qui frappe nos regards est un assez beau lion nonchalamment couch dans une forte cage et contemplant d'un oeil paternel les nombreux spectateurs attroups devant lui. On se demande si c'est l la gante promise, et l'on commence murmurer contre le matre de cans. Mais, voyez quel point les hommes sont injustes! ce n'est l qu'un hors-d'oeuvre, une surprise, un prambule la pice principale. Contrairement l'usage, le conducteur de la gante tient plus qu'il n'a promis. Vous allez voir. Muni d'un mince quartier de viande, le voil qui entre rsolument dans la cage, harcelle, tourmente, bouscule son lion, le fait sauter en l'air comme un barbet docile, en tenant suspendu sur sa tte puissante le maigre lambeau d'aliment offert son rude apptit. Puis, lorsque le roi des forts a pris enfin possession de cette proie modeste, le cornac abandonne la cage pour y rentrer immdiatement avec une petite fille au visage blanc et rose, qu'il pose sur la croupe du froce animal. Tout le public pouvant pousse des cris d'effroi; mais la petite fille sourit et envoie des baisers la foule, tandis que le lion continue en grondant ronger sa pture. Cela fait, l'enfant et le pre disparaissent, pour recommencer cinq minutes aprs ce qu'ils viennent de faire, ce qu'ils ont dj fait cinquante fois depuis le matin, ce qu'ils feront demain et tous les jours suivants, pour la modique rtribution de 25 centimes par personne. Et cependant tout cela, dis-je, n'est qu'un hors-d'oeuvre, et cet obscur dompteur de lions attache lui-mme si peu d'importance ce prilleux savoir-faire, que c'est peine s'il daigne en faire l'annonce dans le programme de son spectacle. Quelle sanglante pigramme contre ses confrres, les Martin, les Carter et les Van Amburgh, qui, plus heureux que lui, rcoltent des guines l ou il glane peine quelque, dcimes crasseux, en travaillant toute la journe! Mais, attention! voici le rideau du fond qui s'agite, s'entr'ouvre et nous dcouvre la gante. Sur ma parole, l'affiche ne l'avait pas flatte; car elle est ......Buy Now (To Read More)
Ebook Number: 35028
Author: Various
Release Date: Jan 21, 2011
Format: eBook
Language: French
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