L'Illustration, No. 0032, 7 Octobre 1843

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L'Illustration, No. 0032, 7 Octobre 1843Rvolution du Mexique. Le gnral Bustamante. Portrait.--Courrier de Paris,--Histoire de la Semaine....
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Rvolution du Mexique. Le gnral Bustamante. Portrait.--Courrier de Paris,--Histoire de la Semaine. Mdaille de l'cole Normale, par M. Bory; Messager parisien; Vue de Bahia. --Simulacre d'un combat naval dans la rade de Brest. Gravure.--Thtres. Une Scne de Pamla Giraud et Une Scne des Bohmiens de Paris.--De Paris Spa, par Ad. J. Vues du Pouhon et de la Gronstre.--Les Ftes de Septembre, Bruxelles. (23, 24, 25 et 26 septembre 1843). Concert dans le Parc; Concert dans l'ancienne glise des Augustins.--Un Amour de province, par madame Louise Colet. (Suite et fin.)--Margherita Pusterla. Roman de M. Csar Cant. Chapitre X, le Procs. Dix Gravures. --Annonces. --Candlabres offerts Louis-Philippe par le roi de Hollande. Gravure.--Amusements des Sciences. --Observations mtorologiques.--Rbus. (Voir, sur Santa-Anna, tome 1er, pages 337 et 403.) LE GNRAL BUSTAMANTE. Parmi les trangers qui frquentaient la table de l'htel des Princes dans l'automne de l'anne dernire, on en remarquait un d'une taille au-dessus de la moyenne et, droite encore, quoiqu'il et pass soixante ans. Un je ne sais quoi dans sa tournure, le ruban de quatre couleurs diffrentes qui ornait la boutonnire de sa redingote, et un certain air de commandement empreint dans toute sa personne, rvlaient un officier suprieur. Ses traits irrguliers taient assez fortement gravs de petite vrole, mais son front haut abritait des yeux noirs et perants; ses cheveux, que l'ge faisait grisonner sans les claircir, frisant nergiquement sur une tte petite et ronde, indiquaient, ainsi que ses paules larges et carres, une constitution pleine de vigueur; enfin, un teint hl et un accent mridional trs-prononc dcelaient son origine espagnole. Ce personnage, vtu avec une extrme simplicit, aux manires affables et gracieuses, qui prenait modestement ses repas une table commune, avait cependant t, deux reprises diffrentes et pendant huit ans, investi d'un pouvoir peu prs souverain; pendant huit ans, le tambour avait battu aux champs lorsqu'il sortait de son palais, honneur que Dieu seul partageait avec lui quand le Saint-Sacrement franchissait les portes de la cathdrale; il avait fait aux Chambres lgislatives, au commencement de chaque session, de solennels discours d'ouverture, il avait eu son conseil de ministres; en un mot, c'tait presque un roi dtrn; c'tait, en 1840, l'excellentissime seigneur, et en 1842, l'htel de la rue de Richelieu, le gnral Bustamante tout simplement. Une rvolution dirige par l'ambitieux Santa-Anna, son ennemi personnel et son antagoniste avou, l'avait dpossd de la prsidence des tats-Unis mexicains, et le gnral Bustamante, homme d'une grande probit politique, d'un patriotisme plus pur et plus dsintress que celui de ses rivaux, cherchait oublier dans l'tude, Paris, non le pouvoir et les honneurs dont on l'avait priv et qu'il regrettait peu, mais les malheurs de son pays, dchir par toutes les ambitions qui s'y croisent et s'y choquent incessamment. C'tait ces ides qu'il essayait d'touffer dans le silence studieux des bibliothques publiques et des tablissements consacrs la science qu'il frquentait avec assiduit. Lorsqu'au mois de septembre 1810, Hidalgo et Allende poussrent contre les Espagnols le premier cri d'indpendance, et que ce cri, partout rpt, mit la Nouvelle-Espagne en conflagration, Bustamante, alors g de trente ans environ, exerait dans la ville de Guadalajara, cent cinquante lieues l'ouest de Mexico, la profession de mdecin. Il y jouissait dj d'une certaine rputation de talent, quand il fut forc d'abandonner cette carrire et l'avenir qu'elle lui promettait, pour se joindre, les armes la main, aux efforts des Espagnols contre ses compatriotes insurgs. A peine quatre mois s'taient-ils couls depuis l'insurrection, qu'il combattait sous les ordres du gnral Calleja, contre Hidalgo, Allende, Aldama et Abasolo, ces quatre grandes figures de la guerre de l'indpendance, la fameuse bataille du pont Calderon. Le gnral Bustamante. Les voyageurs qui ont fait une fois seulement le trajet de Mexico Guadalajara, se rappelleront un pont de pierre jet, quelques lieues de cette dernire ville, sur une rivire qui coule au milieu d'une vaste plaine dont le silence et l'aridit attristent l'me. C'est le pont et la rivire Calderon. Dans la saison des scheresses, peine entend-on, au milieu de son lit escarp, le murmure de ses eaux, tandis qu' l'poque des pluies, elle les fait gronder, fangeuses et gonfles comme un torrent. Mais, dans tous les temps, le vent qui souffle lugubrement dans les grandes herbes dessches, les mornes pels qui dominent le pont, font natre un sentiment de terreur involontaire, et le voyageur peronne son cheval pour fuir ce lieu funeste et les croix de meurtre dont il est parsem. Le 17 janvier 1811, 100,000 insurgs avec 103 bouches feu occupaient cette position. Un grand nombre de ces canons avaient t arrachs au port de San Blas sur le Pacifique, et transports par-dessus la chane inaccessible de la Cordillire, o quelques-uns moit enfouis aujourd'hui rvlent au voyageur qui gravit ces pics formidables l'irrsistible puissance des masses. Cette multitude sans discipline, presque sans frein, tait compose des lments les plus disparates, depuis la soutane des prtres, les manteaux bariols des rancheros (fermiers), jusqu'aux rares vtements de cuir qui couvraient les corps bronzs de 7,000 guerriers indiens arms de leurs flches et de leurs macanas (casse-tte). Le gnral espagnol Calleja, avec un peu plus de 6,000 hommes, dont la moiti d'une excellente cavalerie et 10 pices de campagne, n'hsita pas attaquer cette foule innombrable; et telle fut la supriorit de la discipline sur le nombre, que les insurgs furent taills en pices et leurs chefs disperss. D. Anastasio Bustamante, alors simple officier, se distingua dans cette bataille de manire attirer sur lui l'attention publique, et ce fut l le commencement de sa carrire militaire. Le rsultat de cette affaire fut un coup presque mortel pour l'insurrection, et la capture des chefs qui l'avaient excite. Selon la coutume des Espagnols, qui ont toujours aim ces sanglants trophes, leurs ttes spares du tronc furent exposes sur la place de Guanajuato, derrire un grillage de fer. Elles blanchirent l pendant dix ans, fouettes par la pluie, dessches par le soleil, alternativement outrages par les ennemis de l'indpendance, ou honores par la pit des patriotes, qui venaient brler de petits cierges devant elles et prier pour les mes qui les avaient animes. Nous ne suivrons pas Bustamante dans les curieux et sanglants pisodes de cette guerre acharne dont les dtails sont si pleins d'un intrt saisissant, et nous dirons seulement une, devenu gnral aprs s'tre rang parmi les indpendants, il fit enlever et ensevelir les ttes des chefs qu'il avait aid vaincre, aprs avoir fait clbrer en leur honneur un service funbre dans l'anne 1821. Ce fut cette mme anne que le gnral Iturbide, qui devait, l'issue de cette lutte, devenir empereur du Mexique, proclama son tour dans Iguala l'indpendance de son pays. Bustamante se joignit lui et lui fut fidle jusqu' sa dchance, en opposition avec Santa-Anna, qui le premier se souleva contre ce prince, aprs avoir t combl de ses faveurs. Forc d'abdiquer en 1823, par suite de la dfection successive de toutes les provinces de l'empire, sa dchance fut proclame le 8 avril de la mme anne, et la nouvelle rpublique fut installe. Le gnral Guadalupe Victoria en fut le premier prsident. Pendant ce laps de temps jusqu'en 1828, poque laquelle la prsidence temporaire cessait de droit, Bustamante prit une part active dans les affaires de l'tat. Le 30 novembre, une insurrection clata dans la capitale; elle avait pour but de faire annuler l'lection de Pedraza, qui venait de succdera Victoria, et elle se termina par la fuite du premier, le pillage de Mexico et l'avnement du gnral Guerrera, qui, nomm vice-prsident, exera pendant un an l'autorit du prsident lui-mme. Une rvolution semblable celle qui l'avait lev devait le renverser une anne aprs, mois pour mois, et il tait rserv au gnral Bustamante d'tre l'instrument de sa chute, et plus tard de sa mort tragique. (La fin un prochain numro.) Courrier de Paris. Tout est dit, l'hiver approche et Paris s'y prpare. Paris change d'habitudes, en effet, et se transforme priodiquement; il varie de trimestre en trimestre et de saison en saison: il y a quinze jours encore, il tait leste, dgag, vtu la lgre, et voici qu'il commence se boutonner, mettre les mains dans ses poches, et regarder du coin de l'oeil sa tween et son paletot. Avant huit jours, il grelottera et se palissadera contre le rhume et les ternuements. On voit dj des joues ples et des nez transis circuler et l en plein vent, et annoncer les jours maussades.. Les tailleurs taillent le vtement piqu et ouat; les bottiers travaillent, coups redoubls, la double semelle; la couturire et la marchande de modes faonnent le velours et la soie pour abriter la petite poitrine de nos frles Parisiennes. Le ramoneur, mondant tuyaux engorgs par la suie, comme dit Voltaire, commence chanter sa chanson sur les toits; on replace les tapis; on met de l'huile dans les lampes; le marchand de bois mesure, quarrit et scie, et le rtisseur de marrons allume son fourneau l'angle des marchands de vin et au coin des rues. Aux Tuileries, au Luxembourg, aux Champs-Elyses, la loueuse de chaises se dispose prendre ses quartiers d'hiver, et regarde d'un oeil morne son arme de btons empaills, si peuple tout l'heure, maintenant dserte et tristement entasse. Passez-vous sur le boulevard Italien, la vive et lgante nation qui le peuplait dans les belles soires, a battu en retraite. Les promeneurs acharns, ceux que ni le froid, ni le vent, ni la pluie, ne peuvent retenir au logis, s'abritent au passage, de l'Opra; et les lions n'talent plus leurs crinires, au clair de la lune, sur les dalles du Caf de Paris, rongeant l'or de leur canne, ou lanant au nez des passants la blanche fume du cigare. Sur les murailles, les affiches disent qu'il sera bientt temps de s'envelopper de son manteau, et de crier sa gouvernante; Hol! Franoise, faites-moi un bon feu! Les Wauxhall d'hiver, les Prado d'hiver, les Tivoli d'hiver, se font imprimer tout vifs et placarder tous les coins de la ville, sollicitant d'avance les frisettes, les tudiants en droit, les lves en mdecine et les commis marchands. Que vous dirai-je? M. Musard a sonn un premier coup de son cor piston, cette trompette joyeuse qui promet la prochaine rsurrection des folles danses et du dbardeur. On pourrait douter cependant de la ralit de tous ces signes prcurseurs, si le Thtre-Italien ne venait pas de rouvrir ses portes et de mettre en ligne son rgiment de tnors et de soprani, de contralti et de barytons; mais puisque le Thtre-Italien recommence ses chansons, l't est bien mort, il n'y a plus en douter. Grisi, Persiani, Lablache, Mario, tous les oiseaux mlodieux que l'Italie envoie Paris, nous abandonnent en effet au premier soleil printanier, et nous reviennent invariablement quand la dernire feuille tombe et s'en va; contre l'habitude des rossignols, ils se montrent nous et roucoulent dans la noire saison o les corbeaux s'assemblent par bandes et croassent. Cette anne, la volire italienne a perdu deux de ses htes harmonieux et sans plumes; Tamburini nous manque, et madame Pauline Viardot avec lui. Regrettons madame Viardot: qui la remplacera? c'est encore le secret de M. Vatel, l'autocrate du Thtre-Italien. Jetons aussi quelques pleurs cet honnte Tamburini; sa voix, il est vrai, s'affaiblissait de jour en jour, force d'avoir us et abus de la roulade; mais quel magnifique instrument dans le temps de ses beaux succs et de sa frache jeunesse? Pleurons donc Tamburini pour le pass, plutt que pour le prsent, et ne soyons pas ingrats. Rien n'est ternel, en ce bas monde, ni la beaut, ni la richesse, ni la puissance, ni les voix de basse. L'empereur de Russie donnera l'hospitalit au jeune et potique talent de madame, Pauline Garcia-Viardot, et recueillera les restes encore vaillants de la voix de Tamburini. Tous deux vont partir, s'ils ne sont dj partis; Rubini, cet autre dserteur, est l-bas, Saint-Ptersbourg, qui leur fait signe et leur tend les bras. Ainsi, la Russie devient dilettante, et nous enlve une bonne partie de, notre bien. Qui sait? peut-tre, est-ce une amlioration qui se prpare dans la gamme diplomatique, assez mal engage, depuis la Rvolution de juillet, entre Paris et Saint-Ptersbourg, et un acheminement une plus tendre harmonie. Quant nous, notre fureur dilettante ne se ralentit point par l'usage; on a souvent reproch Paris sa lgret et son inconstance; mais, coup sur, pour ce qui est du Thtre-Italien, le reproche n'est pas mrit; il y a longtemps que cette passion dure, et elle devient de plus en plus fidle et tenace: ni la dportation, ni l'incendie, n'ont pu la dcourager ni l'abattre; elle a brav deux annes d'exil l'Odon, et s'est tire vivante de la flamme et des cendres de la salle Favart. Le ciel, sans doute, est touch de cette persvrance, car il n'a jamais laiss le dilettante parisien sans pture; il le nourrit depuis quinze ans, avec un soin tout particulier, faisant succder Malibran Pasta, Grisi Malibran, et il continuera certainement de nourrir les petits du dilettante et les petits de ses petits. Voyez, plutt! L'empereur Nicolas nous te Tamburini, tout aussitt le ciel nous envoie Ronconi, et le tnor Salvi par-dessus le march. Les i, les o et les a ne nous manqueront jamais; l'Italie a de quoi renouveler l'alphahet. Le monde riche et le monde lgant se sont disput la location des stalles et des loges du Thtre-Italien avec la mme ardeur que par le pass. Ds le mois d'aot, on s'en inquitait, et peine septembre eut-il sign sa premire heure, que la rage s'y est mise.--La jolie comtesse de S... retenue dans son chteau du Berry, a eu de frquentes insomnies pendant huit jours, et, s'veillant en sursaut toutes les nuits, s'criait: Aurai-je ma loge? Elle n'a recouvr le sommeil que le lendemain du jour o la nouvelle lui en a t positivement expdie de Paris par estafette.--Un ami de la baronne de H... a reu ces mots tracs de sa petite main fine et blanche: Courez, bien vite retenir ma loge de face pour la saison, et vous irez ensuite savoir des nouvelles de mon pre, qui est l'extrmit. Adieu, cher.--Madame C... plaide en ce moment en sparation contre son mari.--Quoi! des poux si tendres et si bien assortis, qui promettaient de renouveler Philmon et Bancis!--Eh! mon Dieu oui.--Que leur est-il donc arriv? Comment cela se fait-il? ils s'aimaient tant! ils vivaient dans une intimit si parfaite!--Le mari n'a pas voulu prendre une loge aux Italiens; la femme le voulait: on a plaid d'abord le oui et le non avec douceur, puis avec vivacit, puis avec enttement, puis avec emportement, puis avec fureur, comme cela arrive dans les meilleurs mnages; et hier la demande de sparation, pour cause d'incompatibilit d'humeur, a t dpose au greffe du tribunal: Deux poux vivaient en paix depuis dix ans; une loge survint, et voil la guerre allume. On sait ce qui arriva autrefois propos du fameux roman de Richardson, Clarisse Harlowe: la vogue tait telle qu'on faisait queue la porte du libraire. Un jour, un seul exemplaire restait pour deux amateurs qui s'en saisirent en mme temps, chacun par mi-ct.--Je l'aurai!--Tu ne l'auras pas!--Ils mirent l'pe la main et l'exemplaire fut adjug au vainqueur, le vaincu tant lgrement bless. La mme bataille vient de se renouveler entre deux forcens dilettanti pour la dernire stalle d'orchestre louer au Thtre-Italien; mais l'issue du duel a t plus funeste: les deux adversaires, percs l'un par l'autre et du part en part, sont morts sur le coup; la stalle est revenue un gros monsieur qui l'attendait dans son lit. Le procureur du roi informe. Vous tes pri d'assister au convoi et l'enterrement. On s'apprte, on s'inquite, on se bat, on s'gorge pour avoir place au Thtre-Italien; mais le temps n'est pas encore venu de s'y montrer; a n'est pas bon genre. Se ruer ainsi ds le premier jour, fi donc! laissez cela aux femmes d'avous et aux provinciales. En vrit, ne dirait-on pas qu'on meurt d'inanition et qu'on a besoin de se prcipiter brutalement sur la premire cavatine qu'on vous jette: il n'y a que les estomacs vulgaires qui montrent de ces gros apptits gloutons. Et puis, vous croyez, que nous allons laisser l nos chteaux pour entendre M. Salvi; pas si plbiens! tout au plus commencerons-nous y songer quand dcembre viendra; nous prterons nos loges, en attendant, quelque ami ou quelque petit cousin; pourvu qu'on ne nous y voie pas avant trois mois, notre honneur est sauf. Oui, mesdames les duchesses et mesdames les marquises, et vous les lionnes du barreau et de la Nuance, prparez-vous l'hiver: illuminez ses sombres nuits par l'clat des ftes; voilez, sa tristesse par le bal et le plaisir; choisissez au thtre la place la plus favorable au succs de votre lgance et de votre coquetterie; l'hiver vous plat, vous aimez l'hiver, vous voyez venir l'hiver avec un sourire, car c'est la saison de vos triomphes les plus charmants et de vos joies les plus vives. Hlas! Paris n'est pas compris tout entier dans une loge d'Opra, et dans une valse deux temps; vous tes le Pans que l'hiver pare, amuse et fait rire; mais, ct de vous, il y a le Paris que la venue de la saison rigide inquite et pouvante: Ce Paris l, c'est le Paris de l'ouvrier et de l'indigent l'hiver, la main glace, va bientt devenir l'hte sans piti de la triste mansarde; il branlera de son souffle cruel les portes disjointes et les portes mal closes; et l'enfant nu, ple, grelottant, souvent priv de nourriture, se rfugiera vainement dans le sein de sa mre en haillons, pour y chercher un peu de force et de chaleur.--Allons, mes belles, appelez les violons, et mettez-vous en danse! Qui est-ce qui n'est pas joyeux? qui est-ce qui ne danse pas?--Les cent mille malheureux que Paris cache dans ses rues sombres et dans ses noirs replis! La statistique l'a dit, et la statistique est d'une vracit terrible; chaque hiver fait une horrible guerre prs de cent mille infortuns, femmes, enfants, vieillards, sans feu, sans vtements et sans pain.--Que ne travaillent-ils! dit nonchalamment un jeune blond, qui se fait les ongles et se parfume toute la journe; ce sont des fainants, ajoute cet autre, qui passe sa vie tendu sur les coussins d'un divan, jetant l'or et au velours de son appartement la fume de sa cigarette, et frisant ngligemment un coin de sa moustache. Nous allons entrer dans lu saison des circulaires, des qutes domicile et des comits de bienfaisance: mais, c'est une honte! on ne sait pas combien. Le Paris voluptueux et riche a l'me dure et l'oreille ferme la charit; le Paris pauvre et mourant de faim frappe incessamment sa porte; la porte reste close, ou peine une main distraite et ddaigneuse jette-t-elle une misrable aumne l'insistance du maire ou du comit de l'arrondissement. J'ai eu entre les mains un relev total de l'humanit officielle de mon quartier; c'tait faire rougir! les noms les plus riches ou taient absents, ou figuraient pour les sommes les plus avares. Un roi de l'antiquit, avait charg un de ses serviteurs de lui dire chaque jour, en l'veillant: Roi, souviens-toi que tu es homme! ne serait-il pas bien de placer au chevet de tous ces heureux la sourde oreille, un sergent de ville qui leur crierait tous les matins, tue-tte: Riche, souviens-toi qu'il y a des pauvres; la charit, s'il vous plat! Passons la pice comique, aprs cette espce de tragdie. Un de nos amis, tout frais arriv de la Haute-Marne, nous a confi, sous le sceau du secret, une aventure plaisante dont Chaumont, honorable chef-lieu du dpartement, commence parler tout bas; Langres s'en mlera bientt, et peu peu, de discrtion en discrtion, l'aventure aura parcouru la France et passera l'tranger. Le bouts de l'affaire fut longtemps connu Paris pour un homme de beaucoup d'esprit et un philosophe remarquable par l'excentricit de ses fantaisies et de ses bons mots. Son nom seul fait encore tressaillir d'effroi les piciers, qu'il avait particulirement choisis pour victimes, et les rverbres, dont il cassait volontiers les vitres, la nuit, aprs butte. Ce charmant original est aujourd'hui prfet; la Rvolution de Juillet l'a pris au milieu des dbris des rverbres et des angoisses de l'picerie, pour le hisser au pouvoir. Depuis deux ou trois mois, la Haute Marne a l'honneur de couler sous son administration. Ce n'est pas seulement aux piciers et aux rverbres que l'illustre administrateur en voulait dans ses jours de jeunesse et de gaiet: les portiers aussi ont pass pas ses mains; il n'y a pas une loge o l'on ne raconte en frissonnant l'histoire lamentable de cet infortun portier que notre jeune homme poursuivit pendant un an, sans trve ni relche, de cette apostrophe diabolique: Portier, je veux de tes cheveux. Tous les soirs, minuit, le marteau retentissait, l'honnte portier ouvrait avec confiance, et les terribles paroles: Portier, je veux de tes cheveux! arrivaient invariablement l'oreille de l'infortun; il en conut, la longue, un tel ennui et une telle terreur, qu'il en fit une affreuse maladie et mourut chauve. La malheureuse, victime a laiss deux fils, ces deux rejetons nourrissaient, depuis leur plus tendre enfance, la pense de venger leur pre: les haines, ce qu'il parat, sont hrditaires dans les familles de portiers, comme jadis dans la maison d'Altre et de Thyeste. Ils attendirent que la barbe leur eut pouss, car il est difficile de venger un pre tant qu'on tette encore sa nourrice. Enfin, l'heure fatale leur paraissant venue, l'autre jour, vers la fin de septembre dernier, ils quittrent Paris, l'oeil morne et la tte baisse et se mirent en route pour le dpartement en question. Arrivs Chaumont, nos deux Orestes s'inscrivirent la prfecture, sous un nom suppos, et demandrent instamment que M. le prfet voult bien les recevoir en audience particulire: ils se donnaient pour deux hauts fonctionnaires en mission, chargs d'un secret d'tat d'o dpendaient la prosprit et le salut de la Haute-Marne. M. le prfet n'hsita pas un seul instant les recevoir, et leur expdia la lettre d'audience.--Aussitt tous deux arrivrent et furent introduits par un corridor mystrieux jusqu'au cabinet du bourreau des portiers; l, les plus savantes prcautions avaient t prises, par l'ordre du prfet lui-mme, pour que rien ne transpirt au dehors de cette importante confrence; tout importun, tout valet tait loign et la porte close double tour; de toutes parts, le silence et la solitude. Que me voulez-vous, messieurs? dit le fonctionnaire de son plus charmant sourire.--Ceux-ci, sans faire de frais d'loquence, allrent droit lui et, chacun de son ct, le saisissant par un bras, de s'crier d'une voix terrible; Prfet, je veux de tes cheveux! En mme temps, l'an des frres tirait de sa poche une norme paire de ciseaux. Je veux de tes cheveux, prfet, je veux de tes cheveux! La lutte fut longue et mmorable: le prfet eut beau appeler son secrtaire-gnral et sa gendarmerie; personne ne l'entendit et il fallut cder; la chevelure tout entire tomba sous le ciseau fatal, comme autrefois celle des rois dpossds par quelque maire du palais. Le lendemain, il y eut une sance du conseil-gnral, o le prfet, la veille, fris et luxuriant, parut compltement ras. Les deux fils satisfaits revinrent Paris, et, la manire des guerriers francs, suspendirent la chevelure de leur ennemi, la chevelure de M. le prfet, au tombeau du leur pre, un elle est visible tous les jours, depuis six heures du matin jusqu' six heures du soir. Les mnes du portier sont satisfaits. Mais le dpartement de la Haute-Marne ne sait que penser, voyant son prfet tondu de si prs. Histoire de la Semaine. Notre gouvernement vient de voir se terminer sa satisfaction une ngociation dans laquelle notre charg d'affaires intrimaire Constantinople, M. de Bourqueney, a prouv de la rsistance et rencontr des difficults. Nous n'avons pas la fatuit de croire que nos lecteurs ne savaient rien des vnements de ce monde avant que nous ne prissions l'Illustration, il y a de cela huit jours, le portefeuille des affaires trangres et de l'intrieur. Par consquent nous les tenons pour prcdemment instruits de l'insulte qu'avait reue Jrusalem le consul franais. Il a fallu, pour que M. de Bourqueney arrivt obtenir la satisfaction devenue indispensable, qu'il menat le divan de demander ses passe-ports. Enfin, le 30 au soir, nos journaux officiels ont pu publier la dpche tlgraphique suivante: Le pacha de Jrusalem est destitu; son successeur fera au consul de France une visite officielle d'excuse. Le pavillon franais sera solennellement arbor Beyrouth, chef-lieu du gouvernement gnral de la province, et salu de vingt-un coups de canon. Tous les meneurs de l'meute recevront un chtiment exemplaire. Peut-tre eussions-nous d exiger que notre drapeau ft relev galement Jrusalem, o l'outrage avait t commis; mais le canon n'est pas habitu se faire entendre Beyrouth en faveur de la France, et l'on aura vu l une nouveaut qui nous aura rendus moins exigeants.--Au Sngal, notre gouverneur, le capitaine Bonet a galement eu obtenir satisfaction d'une tribu voisine de nos possessions du midi de l'Afrique, et a su de son ct faire respecter le nom franais par une nergie et une dtermination ferme et mesure que nos officiers de marine, il faut leur rendre cette justice, possdent en gnral un degr plus minent que beaucoup de nos diplomates.--Cette nergie, notre gouverneur des les Marquises, le capitaine Bruat, t oblig de la dployer contre une partie de l'quipage l'Uranie, qui le transportait de France dans notre nouvelle colonie de l'Ocan-Pacifique. On manque encore de dtails sur cette tentative de rvolte, presque inoue dans les annales de notre marine, et sur les moyens auxquels il a fallu recourir pour la comprimer et la punir. La situation de l'Espagne est devenue bien plus complique encore depuis huit jours. Sans nul doute, le gouvernement nouveau peut nourrir l'espoir de venir prochainement bout des insurrections de Barcelone et de Sarragosse; mais l'tat des esprits Madrid, la situation de cette capitale et les mesures extraconstitutionnelles qu'il y a prises, compromettent sa force morale et lui alinent bien des sympathies. Voyant que le rsultat des lections tait la condamnation de la marche suivie par lui, ce gouvernement, qui n'a renvers le rgent que parce que Espartero n'avait pas su respecter la constitution, la viole ds ses premiers pas, avec bien moins de faons que son prdcesseur, peu scrupuleux cependant, a toujours cru devoir en mettre pendant ses trois annes de rgne. Le gnral Narvaez s'est prsent devant le conseil des ministres et lui a dit: On vient de crier mes oreilles: Vive Espartero! Mort Narvaez! J'attache peu d'importance ce dernier cri: un militaire doit toujours tre prt faire le sacrifice de sa vie. Mais, aprs moi, ce sera votre tour; et pour empcher qu'un tat de choses aussi menaant se prolonge, il faut prendre une mesure indispensable aujourd'hui: il faut mettre Madrid en tat de sige. C'est, on le voit, le vieux moyen classique; il et d seulement, pour complter l'effet, s'tre fait donner quelques coups de poignard dans son manteau, dont il et pu montrer les trous Lopez et ses collgues. Mais il paraissait tre sr que cela tait surabondant; et en effet, on marchanda sur les termes, mais on lui accorda sans hsiter que le gouverneur de Madrid, le gnral Mazaredo, runirait ses attributions militaires tous les pouvoirs civils. La distinction de cette situation, de cette concentration, avec l'tat de sige nous chappe. Ce qui n'est pas le moins affligeant dans tout ceci, c'est que le seul ministre dans lequel l'Espagne et, depuis longtemps, cru pouvoir placer quelque confiance, n'a pas tard cesser de la justifier, et que ce malheureux pays semble de nouveau livr aux plus mauvaises chances de l'instabilit.--L'Angleterre parat aussi vouloir recourir aux mesures exceptionnelles pour le pays de Galles. L'application de la loi martiale ces contres, ou Rbecca et ses filles rgnent par la destruction et l'effroi, passe pour rsolue. Cette dtermination et cet tat de choses sont graves. Si le constable arrive en Angleterre perdre son autorit, si son bton blanc se voit destitu de sa vertu et de sa puissance, s'il faut, pour le gouvernement, recourir l'arme de terre et l'lever au contingent qu'exigeront un pareil changement et les ventualits de l'Irlande, c'est une surcharge norme, une dpense extraordinaire qui ncessitera de nouveaux impts dont le vote, si on propose de l'asseoir sur la proprit, ou la perception, si on veut encore en surcharger les objets de consommation, peut amener une crise profonde. --Dans le Bolonais l'agitation continue. On a annonc l'arrive Paris de deux des premiers instigateurs de ce mouvement. Il parat que les combattants ne sont pas dtermins imiter cette retraite. La cour de Rome presse l'instruction de l'affaire des trente-cinq prisonniers dtenus ......Buy Now (To Read More)

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Shipping

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