Feu de joie

Feu de joie

PUR JEUDI Rues, campagnes, o courais-je? Les glaces me chassaient aux tournants vers d'autres mares. Les boulevards verts! Jadis, j'admirais sans baisser les paupires, mais le soleil n'est plus un hortensia. La victoria joue au char symbolique: Flore et cette fille aux lvres ples. Trop de luxe pour une prairie sans prtention: aux pavois, les drapeaux! toutes les amantes seront aux fentres. En mon honneur? Vous vous trompez. Le jour me pntre. Que me veulent les miroirs blancs et ces femmes croises? Mensonge ou jeu? Mon sang n'a pas cette couleur. Sur le bitume flambant de Mars, perce-neiges! tout le monde a compris mon cur. J'ai eu honte, j'ai eu honte, oh! SOIFS DE L'OUEST Dans ce bar dont la porte sans cesse bat au vent une affiche carlate vante un autre savon Dansez dansez ma chre nous avons des banjos Oh qui me donnera seulement mcher les chewing-gums inutiles qui parfument trs doucement l'haleine des filles des villes pices dans l'alcool mesur par les pailles et menthes sans raison barbouillant les liqueurs il est des amours sans douceurs dans les docks sans poissons o la barmaid dfaille sous le fallacieux prtexte que je n'ai pas ras ma barbe aux relents douteux d'un gin que son odorat devine d'un bar du Massachussets Au trente-troisime tage sous l'il fixe des fentres arrte Mon cur est dans le ciel et manque de vertu Mais les ascenseurs se suivent et ne se ressemblent pas Le groom ngre sourit tout bas pour ne pas salir ses dents blanches Ha si j'avais mon revolver pour interrompre la musique de la chanson polyphonique des cent machines crire Dans l'tat de Michigan justement quatre-vingt-trois jours aprs la mort de quelqu'un trois joyeux garons de velours dansrent entre eux un quadrille avec le dfunt comme font avec les filles les gens de la vieille Europe dans les quartiers mal fams Heureusement que leurs lvres ignoraient les mots mchants car tous les trois taient vierges comme on ne l'est pas longtemps CHAMBRE GARNIE A l'Htel de l'Univers et de l'Aveyron le Mtropolitain passe par la fentre La fille aux-yeux-de-sol m'y rejoindra peut-tre Mon cur que lui dirons-nous quand nous la verrons Compte les fleurs ma chre compte les fleurs du mur Mon cur est en jachres Attention L'escalier est peu sr Que n'es-tu la vachre qui mne les amants en Msopotamie CHARLOT MYSTIQUE L'ascenseur descendait toujours perdre haleine et l'escalier montait toujours Cette dame n'entend pas les discours elle est postiche Moi qui dj songeais lui parler d'amour Oh le commis si comique avec sa moustache et ses sourcils artificiels Il a cri quand je les ai tirs trange Qu'ai-je vu Cette noble trangre Monsieur je ne suis pas une femme lgre Hou la laide Par bonheur nous avons des valises en peau de porc toute preuve Celle-ci Vingt dollars Elle en contient mille C'est toujours le mme systme Pas de mesure ni de logique mauvais thme FUGUE Une joie clate en trois temps mesur de la lyre Une joie clate au bois que je ne saurais pas dire Tournez ttes Tournez rires pour l'amour de qui pour l'amour de quoi pour l'amour de moi ACROBATE Bras en sang Gai comme les sainfoins L'hyperbole retombe Les mains Les oiseaux sont des nombres L'algbre est dans les arbres C'est Rousseau qui peignit sur la porte du ciel cette musique vocalises Cent A Cent pour la vie Qui tatoue Je fais la roue sur les remparts POUR DEMAIN * Vous que le printemps opra Miracles ponctuez ma stance Mon esprit pris du dpart dans un rayon soudain se perd perptu par la cadence La Seine au soleil d'avril danse comme Ccile au premier bal ou plutt roule des ppites vers les ponts de pierre ou les cri Charme sr La ville est le val Les quais gais comme en carnaval vont au devant de la lumire Ellevisite les palais surgis selon ses jeux ou lois Moi je l'honore ma manire La seule cole buissonnire et non Silne m'enseigna cette ivresse couleur de lvres et les roses du jour aux vitres comme des filles d'Opra *Appartient M. Paul Valry. MADAME TUSSAUD Cris muets Taffetas noirs Redingotes Crimes Tous les mannequins ont le mme regard gris Mais ce lord a dans dans un bouge Paris Il a des dents d'or et des favoris sales Le Strand me suit de brouillard jaune dans les salles Les plastrons se marquant aux plia poussireux ces gentlemen se ngligrent Trop heureux d'assassiner une demi-mondaine Aux Indes ces officiers firent des fredaines Ils ont quitt leur morgue pour un mariage morganatique On peut s'amuser en voyage Si l'on ne salit pas ses escarpins vernis l'tranger les meurtres restent impunis Je tuerais volontiers cette reine d'cosse Qui regarde la France en rcitant des vers Mais je troublerais le ngoce SECOUSSE BROUF Fuite jamais de l'amertume Les prs magnifiques volants peints de frais tournent champs qui chancellent Le point mort Ma tte tinte et tant de crcelles Mon cur est en morceaux le paysage en miettes Hop l'Univers verse Qui chavire L'autre ou moi L'autre moi La naissance cette solitude Je donne un nom meilleur aux merveilles du jour J'invente nouveau le vent tape-joue le vent tapageur Le monde bas je le btis plus beau Sept soleils de couleur griffent la campagne Au bout de mes cils tremble un prisme de larmes dsormais Gouttes d'Eau On lit au poteau du chemin vicinal ROUTE INTERDITE AUX TERRASSIERS Aot 1918. CLAIRAGE A PERTE DE VUE Je tiens ce nuage or et mauve au bout d'un jonc l'ombrelle ou l'oiselle ou la fleur La chevelure descend des cendres du soleil se dcolore entre mes doigts Le jour est gorge-de-pigeon Vite un miroir Particip-je ce mirage Si le parasol change en paradis le sol jouons l'ange la msange au passereau Mais elles qui vaincraient les grles et l'orage mes ailes oublieront les bras et les travaux Plus lger que l'argent de l'air o je me love je file au ras des rets et m'vade du rve La Nature se plie et sait ce que je vaux COUPLET DE L'AMANT D'OPRA L'amour tendre literie dont mon cur est l'dredon trouble Si mollement mes membres lgrement mes lvres obliquement mes yeux pour de faux ciels que la chair et le linge ont une mme odeur pour mon ardeur PARTI-PRIS Je danse au milieu des miracles Mille soleils peints sur le sol Mille amis Mille yeux ou monocles m'illuminent de leurs regards Pleurs du ptrole sur la route Sang perdu depuis les hangars Je saute ainsi d'un jour l'autre rond polychrome et plus joli qu'un paillasson de tir ou l'tre quand la flamme est couleur du vent Vie paisible automobile et le joyeux pril de courir au devant Je brlerai du feu des phares VIE DE JEAN-BAPTISTE A*** Une ombre au milieu du soleil dort soleil d'or Jean-Bart dans l'avenue aux catalpas Mais patience En ce temps je n'tais pas n Le train repart Rosa la rose et ce got d'encre mon enfance Calculez Cos. en fonction de tg /2 Ma jeunesse Apro qu' peine ont aperu les glaces d'un caf lasses de tant de mouches Jeunesse et je n'ai pas bais toutes les bouches Le premier arriv au fond du corridor 12345678910MORT Une ombre au milieu du soleil dort c'est l'il LE DLIRE DU FANTASSIN L'enfant fantme fend de l'homme entre les piliers de pierre: 2 R, son tour de tte. (La tour monte, attention au ciel) Comme il mue, avec sa voix de rogomme il effraye tort ou raison l'orfraie empaille Qu'on ne voit pas cause de la chaleur cause de la couleur cause de la douleur Jamais la boule en buis ne pourra retomber Sur te bout de bois blanc du bilboquet STATUE Volupt Djeuner de soleil Je me meurs Salive Sommeil Sonnez Matines Masque chloroforme Amour je roule de tout mon long AbmeAu fond La descente de lit n'est pas morte Elle bouge en chantant trs bas Panthre Panthre Mon corps n'en finitplus sous les rides des draps Un homme la mer Encre A la drive LA BELLE ITALIENNE Pablo Picasso. L'Azur et ses voiles Les bras de sant Crmes estivales Sa grande beaut Mais qu'elle en impose A qui veut l'aimer (Parler de la mer Autrement qu'en prose) La plus idiote Avec son il rond Luit intelligente Auprs de ce front O chre adore Au soleil de plomb Ton regard d'aplomb Et ta chair dore Quand on te dcrit Toutes les chevilles Comme des salives Montent l'esprit Dans ta chevelure Reflet du pass Tu gardes l'allure Du papier glac Qu'amnent tes lvres Les mots maux et fivres Mais la voix dit Non Sur un ton de lave PICE A GRAND SPECTACLE L'ami sans cur ou le thtre Adieu Celui qui est trop gai c'est--dire trop rouge pour vivre loin du feu des rampes De la salle ficelles pendantes Des coulisses on ne voit qu'un nuage dor machine-volante Le Rgisseur croyait l'amour d'Andr Lestroiscoups L'oiseaus'envole On avait oubli de planter le dcor Tintamarre Le pantin verse des larmes de bois Pour Prendre Cong LOUIS ARAGON *Il revient saluer. PERSONNE PLE Malheureux comme les pierres triste au possible l'homme maigre le pupitre musique aurait voulu prir Quel froid Le vent me perce l'endroit des feuilles des oreilles mortes Seul comment battre la semelle Sur quel pied danser toute la semaine Le silence n'en plus finir Pour tromper l'hiver jamais un mot tendre L'ombre de l'me de l'ami L'criture Rien que l'adresse Mon sang ne ferait qu'un tour Les sons se perdent dans l'espace comme des doigts gels Plus rien qu'un patin abandonn sur la glace Le quidam On voit le jour au travers SANS MOT DIRE Soir de tilleul t On parle bas aux portes Tout le monde coute mes pas les coups de mon cur sur l'asphalte Ma douleur ne vous regarde pas illre de la nuit Nudit Le chemin qui mne la mer me conduit au fond de moi-mme A deux doigts de ma perte Polypiers de la souffrance Algues Coraux Mes seuls amis Dans l'ombre on ne saurait voir l'objet de mes plaintes Une trop noire perfidie L'INTRIGUE (Air connu] Cette racine est souveraine GURIT TOUTE AFFECTION PIERRE FENDRE Jours d'hivers Copeaux Mon ami les yeux rouges Suit l'enterrement Glace Je suis jaloux du mort Les gens tombent comme des mouches On me dit tout bas que j'ai tort Soleil bleu Lvres gerces Peur Je parcours les rues sans penser mal avec l'image du pote et l'ombre du trappeur On m'offre des ftes des oranges Mes dents Frissons Fivre Ide fixe Tous les braseros la foire la ferraille Il ne me reste plus qu' mourir de froid en public LEVER Pierre Reverdy. Extnu de nuit Rompu par le sommeil Comment ouvrir les yeux Rveil-matin Le corps fuit dans les draps mystrieux du rve Toute la fatigue du monde Le regret du roman de l'ombre Le songe o je mordais Pastque interrompue Mille raisons de faire le sourd La pendule annonce le jour d'une voix blanche Deuil d'enfant paresser encore Lycen j'avais le dimanche comme un ballon dans les deux mains Le jour du cirque et des amis Les amis Des pommes des pches sous leurs casquettes genre anglais Mollets nus et nos lavalires Au printemps On voit des lavoirs sur la Seine des baleines couleur de nue L'hiver On souffle en l'air Bue A qui en fera le plus Pivoine de Mars Camarades Vos cache-nez volent au vent par lgance. L'ge ingrat sortes de mascarades Drles de voix hors des faux-cols On rit trop fort pour tre gais Je me sens gauche rouge Craintes Mes manches courtes Toutes les femmes sont trop peintes et portent des jupons trop propres CHAMBRES GARNIES Quand y va-t-on HTEL MEUBL Boutonn jusqu'au menton J'essaierai la mi-careme Aux vacances de Pques on balance encore Les jours semblent longs et si ples Il vaut mieux attendre l't les grandes chaleurs la paille des granges le pr libre et large au bout de l'anne scolaire la campagne en marge du temps les costumes de toile clairs On me donnerait dix-sept ans Avec mon canotier mon aurole Elle tombe et roule sur le plancher des stations balnaires Le sable qu'on boit dans la brise Eau-de-vie paillettes d'or La saison me grise Mais surtout Ce qui va droit au cur Ce qui parle La mer La perfidie amcre des mares Les cheveux longs du flot Les algues s'enroulent au bras du nageur Parfois la vague Musique du sol et de l'eau me soulve comme une plume En haut L'cume danse le soleil Alors l'moi me prend par la taille Descente pic Jusqu' l'orteil un frisson court Oiseau des les Le dsir me perd par les membres Tout retourne son lment Mensonge Ici le dormeur fait gmir le sommier Les cartes brouilles Les cartes d'images Dans le Hall de la galerie des Machines les mains fardes pour l'amour les mannequins passent d'un air prtentieux comme pendant un steeple-chase Les pianos de l'olian Company assurent le succs de la fte Les mendiants apportent tout leur or pour assister au spectacle On a dpens sans compter et personne ne songe plus au lendemain Personne except l'ibis lumineux suspendu par erreur au plafond en guise de lustre La lumire tombe d'aplomb sur les paupires Dans la chambre nue dessein DEBOUT L'ombre recule et le dissin du papier sur les murs se met grimacer des visages bourgeois La vie le repas froid commence Le plus durles pieds sur les planches et la glace renvoie une figure longue Un miracle d'ponge et de bleu de lessive La cuvette et le jour Ellipse qu'on ferme d'une main malhabile Les objets de toilette Je ne sais plus leur noms trop tendres mes lvres Le pot eau si lourd La houppe charmante Le prestige inou de l'alcool de menthe Le souffle odorant de l'amour Le miroir ce matin me rsume le monde Pice bauche Le regard monte et suit le geste des bras qui s'achve en linge en piti Mon portrait me fixe et dit Songe sans en mourir au gagne-pain au travail tout le long du jour L'habitude Le pli pris L'habit gris Servitude Une fois par hasard regarde le soleil en face Fais crouler les murs les devoirs Que sais-tu si j'envie tre libre et sans place simple reflet peint sur le verre Donc cris A l'tude Faux Latude Et souris que les chles les yeux morts les fards ples et les corps n'appartiennent qu'aux riches Le tapis dchire par endroits Le plafond trop voisin Que la vie est troite Tout de mme j'en ai assez Sortira-t-onJe suis bout Casser cet univers sur le genou ploy Bois sec dont on ferait des flammes singulires Ah taper sur la table midi que le vin se renverse qu'il submerge les hommes la mchoire carre marteaux pilons Alors se lveront les poneys les jeunes gens en bande par la main par les villes en promenade pour chanter bride abattue gorge dploye comme un drapeau la beaut la seule vertu qui tende encore ses mains pures CASINO DES LUMIRES CRUES Un soir des plages la mode on joue un air Qui fait prendre aux petits chevaux un train d'enfer Et la fille se pme et murmure Weber Moi je prononce Wbre et regarde la mer PROGRAMME Au rendez-vous des assassins Le sang et la peinture frache Odeur du froid On tue au dessert Les bougies n'agiront pas assez Nous aurons videmment besoin de nos petits outils Le chef se masque Velours des abstractions Monsieur va sans doute au bal de l'Opra Tous les crimes se passent La Muette Et ctera Ils ne voient que l'argent gagner Opossum Ma bande runit les plus grands noms de France Bouquets de fleurs Abus de confiance J'entrane Paris dans mon dshonneur Course Coup de Bourse La perspective rjouit le cur des complices Machine infernale au sein d'un coquelicot Ils ne s'enrichiront plus longtemps C'est leur tour toile en journal des carreaux casss Je connais les points faibles des vilebrequins mes camarades On arrive ses fins par la dlation sans yeux Le poison Bire mousseuse Ou la trahison Celui-ci Pture du cheval de bois Je le livre la police Les autres se frottent les mains Vous ne perdez rien pour attendre Il y aura des sinistres sur mer cette nuit Des attentats Des proccupations Sur les descentes de lit la mort coule en lacs rouges Encore deux amis avant d'arriver mon frre Il me regarde en souriant et je lui montre aussi les dents Lequel tranglera l'autre La main dans la main Tirerons-nous au sort le nom de la victime L'agression noeud coulant Celui qui parlait trpasse Le meurtrier se relve et dit Suicide Fin du monde Enroulement des drapeaux coquillages Le flot ne rend pas ses vaisseaux Secrets de goudron Torches Fruit perc de treus Sifflet de plomb Je rends le massacre inutile et renie le pass vert et blanc pour le plaisir Je mets au concoure l'anarchie dans toutes les librairies et gares ......Buy Now (To Read More)

Product details

Ebook Number: 55733
Author: Aragon, 1897-1982
Release Date: Oct 12, 2017
Format: eBook
Language: French

Contributors

Illustrator: Picasso, Pablo, 1881-1973