L'Illustration, No. 0018, 1 Juillet 1843

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L'Illustration, No. 0018, 1 Juillet 1843 N 18. Vol. I.--SAMEDI 1er Juillet 1843. Bureaux, rue de Seine,...
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L'Illustration, No. 0018, 1 Juillet 1843

N 18. Vol. I.--SAMEDI 1er Juillet 1843. Bureaux, rue de Seine, 33. Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an, 30 fr. Prix de chaque N, 75 c.--La collection mensuelle br., 3 fr. 75. Ab. pour les Dp.--3 mois, 9 fr.--6 mois, 17 fr.--Un an, 32 fr. pour l'tranger, -- 10 -- 20 -- 40 SOMMAIRE. Mmoires de lady Sale. Portrait de lady Sale et Vue de l'intrieur de la prison Caboul.--L't Parisien. Dparts pour la campagne (2 gravures); Vues des bains de mer (4 gravures).--Courrier de Paris. Le crieur de Sraphin.--La Chambre des Pairs. L'histoire et ta Philosophie; Portraits de lord Lyndhurst, prsident de la Chambre des Lords et de M. le chancelier Pasquier, prsident de la Chambre des Pairs; plan et Vue intrieure de la Chambre des Pairs.--Les Deux Marquises, comdie (1er acte). --Voyages en Zigzag; 11 gravures.--Bulletin bibliographique, --Annonces. --Modes; 1 gravure. --Inauguration d'une nouvelle glise Luthrienne Paris; 1 gravure.--Amusements des sciences.--Rbus. Mmoires de lady Sale. Le 6 janvier 1842, une arme anglaise, forte de 4,500 soldats et d'environ 12,000 valets de camp, hommes, femmes et enfants, abandonnait aux Affghans rvolts le camp o elle avait soutenu hors des murs de Caboul un sige de plus de deux mois. Sept jours aprs, un mdecin, le docteur Brydon, arrivait couvert de blessures et puis de fatigue Jellalabad, et annonait ses compatriotes pouvants qu'il avait seul survcu au massacre de cette arme, dans les terribles dfils qui sparent Caboul de Jellalabad. Lady Sale. Cette nouvelle tait malheureusement trop vraie. Cependant le docteur Brydon se trompait; l'arme avait pri, mais il n'tait pas la seule victime chappe la mort. Quelques femmes, des enfants, un petit nombre d'officiers dtenus comme prisonniers et comme otages devaient, huit mois plus tard, tre rendus leurs familles plores, et donner l'Angleterre et l'Europe des dtails plus exacts, plus complets et plus prcis sur ce grand dsastre. Parmi ces prisonniers et ces otages se trouvait la femme du gnral Sale, qui commandait la premire brigade. Son mari l'avait quitte le 19 octobre 1941, peu de temps avant que les Affghans s'insurgeassent Caboul contre l'Angleterre et son instrument, le Shah Shoojah, et elle ne le rejoignit que le 20 septembre 1942, lorsque les Anglais reprirent partout l'offensive. Pendant cette anne de rparation, elle tint soigneusement note, jour par jour, heure par heure, non-seulement de tout ce qui lui arrivait, mais de tout ce qu'elle entendait dire d'intressant. C'est ce curieux journal publi textuellement Londres tel qu'il fut crit[1], que nous empruntons les dtails qui suivent sur les tristes vnements dont lady Sale fut le tmoin, et dans lesquels elle a dploy tant de courage et de patriotisme. [Note 1: A Journal of the Disasters in Affghanistan, 1841-1843; by lady Sale. 2 vol. in 18.--Paris, 1843. Beaudry. Avec cartes, 6 fr] Lady Sale dans la prison de Caboul. Le 11 octobre 1841, le gnral Sale partit de Caboul la tte du dtachement qu'il commandait pour aller soumettre les Nigerowiens rvolts.--Le 2 novembre au matin, un violente insurrection clata tout coup Caboul.--Il serait inutile de raconter ici des faits dj connus, sans aucun doute, de tous nos lecteurs; le massacre du colonel Burnes, les rapides progrs des insurgs, la tte desquels s'tait mis Akbar-Khan, le fils de Dosi-Mohammed, dpossd jadis par l'Angleterre de son royaume, au profit du Shah Shoojah, la retraite force des troupes anglaises dans leurs cantonnements, les fautes commises par leurs gnraux, le sige qu'ils soutinrent pendant soixante-sept jours, la famine qui les contraignit demander une capitulation humiliante, l'assassinat de sir W. Macnaghten par Akbar-Khan dans une entrevue, et enfin la dcision prise par les chefs de l'arme de tenter la retraite. Le jeudi 6 janvier 1842, l'arme anglaise quitta ses retranchements. Le froid tait trs-vif, le ciel pur, et trente centimtres de neige couvraient la terre. Le premier jour on ne fit que cinq milles. A quatre heures du soir on s'arrta pour camper, mais il n'y avait qu'un petit nombre de tentes.--Il fallait balayer la neige et se coucher sur la terre gele. En outre, on manquait compltement de provisions. Plusieurs centaines d'hommes et de femmes moururent de faim et de froid pendant cette terrible nuit qui semblait prsager les dsastres bien plus affreux encore des jours suivants. La veille de son dpart, lady Sale ayant envoy un ami les livres qu'elle ne pouvait emporter, ouvrit au hasard les pomes de Campbell, et ses yeux tombrent sur le message suivant: Peu, peu se spareront o un grand nombre se sont runis. La neige sera leur linceul, et chaque touffe de gazon qu'ils fouleront sous leurs pieds deviendra le tombeau d'un soldat. Je ne suis pas superstitieuse, crivait-elle le 6 au soir; toutefois, ces vers ne peuvent sortir de ma mmoire. Dieu veuille que mes craintes ne se ralisent pas! Le 7, vers huit heures du matin, l'avant-garde reprit sa marche; mais mesure que l'arme approchait du dfil du Khoord-Caboul, les Affghans, qui s'taient engags protger sa retraite, se montraient plus nombreux et plus insolents. Des engagements sanglants eurent lieu de distance en distance entre les Anglais et leurs sauvages ennemis. On passa, l'entre du dfil, une nuit encore plus terrible que la premire. Le 8 au matin, la terre tait couverte de cadavres: les cipayes brlaient leurs vtements pour se rchauffer; les soldats anglais, mourants de froid et de faim, avaient peine la force de porter leurs armes et de se traner. Le dsordre le plus pouvantable rgnait parmi cette multitude gele et affame. Chacun en fuyant abandonnait sur la route une partie des objets de prix qu'il avait emports. Cependant le feu des Affghans, suspendu pendant la nuit, avait recommenc ds le lever du soleil, et Akbar-Khan fit prvenir le gnral Elphinstone que, s'il lui remettait comme otages le major Pottinger et les capitaines Mackensie et Lawrence, il protgerait efficacement contre toute attaque l'arme anglaise pendant le passage redout du Khoord-Caboul. Ses propositions furent acceptes; les trois officiers se livrrent au Sirdar (gnral), et, aprs une courte halte, l'avant-garde entra dans le dfil. Mais laissons lady Sale raconter elle-mme le premier pisode important de cette dsastreuse retraite. Sturt, mon gendre, ma fille, M. Mein et moi nous marchions en avant, et M. Mein nous montrait du doigt les lieux o la premire brigade avait t attaque, et o lui. Sale, et d'autres avaient t blesss. A peine avions-nous fait un demi-mille, que nous essuymes une violente dcharge de mousqueterie. Les chefs accompagnaient l'avant-garde cheval, et ils nous engagrent ne pas nous loigner d'eux. Ils ordonnrent leurs soldats de crier aux Ghazis, posts sur les hauteurs, de ne pas tirer; ceux-ci obirent, mais les Ghazis ne les coutrent pas. Ces chefs couraient assurment les mmes dangers que nous; mais je suis convaincue que la plupart d'entre eux se fussent sacrifis volontiers pour dbarrasser leur patrie des conqurants anglais. Aprs avoir essuy plusieurs dcharges, nous trouvmes le cheval du major Thain qui avait t tu d'un coup de feu dans le dos. Nous nous croyions en sret, et le pauvre Sturt rebroussa chemin (sans doute pour chercher Thain); son cheval fut tu sous lui d'un coup de feu, et, avant qu'il et pu se relever, il reut lui-mme une blessure mortelle dans le bas-ventre.--Deux soldats l'emmenrent avec beaucoup de peine au camp de Khoord-Caboul sur un poney. Le poney que montait mistress Sturt fut bless l'oreille et au cou. Une seule balle m'atteignit et se logea dans mon bras; trois autres traversrent ma pelisse sur mon paule sans me toucher. Les Ghazis qui nous tirrent ces coups de fusil nous dominaient d'une trs-petite hauteur, et nous ne leur chappmes qu'en lanant nos chevaux au galop sur une route o dans toute autre circonstance nous les aurions prudemment maintenus au petit pas. La blessure de lady Sale tait lgre, mais son gendre mourut le surlendemain. 5,000 hommes avaient pri ce jour-l dans le dfil. A la nuit, il ne restait plus que quatre tentes ... Tous ceux qui survivaient durent se coucher sur la neige; la plupart taient blesss et ne purent se procurer aucune nourriture. Combien s'endormirent, puises de fatigue et de besoin, qui ne se rveillrent pas! Le 9, Akbar-Khan offrit, pour viter de nouveaux malheurs, de prendre sous sa sauvegarde immdiate les femmes et les enfants, s'engageant les reconduira lui-mme jusqu' Jellalabad. On accepta ses propositions, et, le quatrime jour de la retraite, lady Sale et sa fille, veuve alors, se sparrent des dbris de cette arme qui, bien qu'elle eut encore livr pour otages le gnral Elphinstone, le brigadier Shelton et le capitaine Johnson, devait tre massacre trois jours aprs Jugdaluk et Gundamuk. Seul le docteur Brydon parvint s'chapper. Le Sirdar conduisit d'abord ses prisonniers Tzeen, Jugdaluk, puis Tighree, ville forte situe dans la riche valle de Lughman. Mais il ne tint pas mieux ses dernires promesses qu'il n'avait tenu les autres.--Au lieu de les renvoyer Jellalabad, il les fit partir pour Buddedabad, grande forteresse nouvellement construites l'extrmit suprieure de la valle. Ils y restrent jusqu'au 10 avril, enferms dans cinq pices diffrentes. Parmi les compagnons de captivit de lady Sale taient mistress Trevor, ses sept enfants et sa femme de chambre europenne, mistress Smith, le lieutenant Walter, sa femme et son enfant, et mistress Sturt.--Akbar-Khan lui permit d'crire son mari, qui lui fit aussi parvenir ses lettres. Ici le journal de la pauvre prisonnire perd beaucoup de son intrt; elle ne peut plus que raconter les petites misres de la captivit, ou commenter les nouvelles qui dpassent de temps autre les portes de sa prison. Quelquefois cependant, un vnement extraordinaire vient encore troubler son existence monotone. Nous lisons ce qui suit la date du 19 fvrier 1843: Je venais de monter sur la terrasse de la maison pour y chercher les vtements que j'y avais tendus au soleil, lorsqu'un pouvantable tremblement de terre eut lieu.--Pendant plusieurs secondes je vacillai sur mes jambes; mais, sentant que la terrasse allait s'enfoncer sous moi, je parvins heureusement gagner l'escalier. A peine eus-je descendu quelques marches, la terrasse et le toit qui recouvrait l'escalier s'enfoncrent avec un horrible fracas, sans qu'aucun dbris m'et atteinte.--Toutes mes penses s'taient portes sur mistress Sturt; mais je ne voyais autour de moi qu'un affreux monceau de dcombres.--J'avais perdu presque entirement l'esprit, quand j'entendis tout coup des cris de joie: Lady Sale, venez ici, nous sommes tous sauvs. Je m'lanai aussitt du ct d'o me venaient ces cris, et je trouvai tous mes compagnons de captivit runis sains et saufs dans la cour.--Personne n'tait bless.--Aucun animal n'avait mme t tu; le chat favori de lady Macnaghten, qui ne l'avait pas quitte depuis Caboul, fut enseveli sous les dcombres, et on le retira sain et sauf. Le 11 avril, lady Sale et ses compagnons partirent de la forteresse de Buddedabad, et ils furent dirigs sur Zanduh, o on les logea trente-quatre dans une chambre qui avait cinq mtres de long sur quatre mtres de large.--Mistress Walter tant accouche d'une petite fille, elle demanda et obtint une chambre spare pour elle, M. et mistress Eyre et leurs enfants. Ce qui rduisit notre nombre vingt-un, dit lady Sale. Le 25, le gnral Elphinstone mourut. Akbar-Khan envoya ses restes Jellalabad. Mais les Ghilzyes attaqurent en route l'escorte qui les accompagnait, dpouillrent le cadavre de son linceul et le lapidrent. Cependant les Anglais avaient repris partout l'offensive, et leurs vainqueurs, dsunis par des dissensions intestines, se disputaient Caboul le pouvoir suprme. Lady Sale crivit, assure-t-on, son mari pour l'encourager rsister jusqu' la dernire extrmit et prfrer la mort au dshonneur. Son journal contient, la date du 10 mai, un passage qui lui fait autant d'honneur que cette lettre: Les habitants de Caboul sont ruins par la stagnation complte des affaires; ils se rangeront probablement de notre ct ds une nous nous monterons en force.--Le temps est venu de frapper le grand coup; mais je crains qu'on hsite encore parce qu'une poigne de prisonniers est au pouvoir d'Akbar.--Que sont nos vies, si ou les met en balance avec l'honneur de notre pays? Non que je dsire vivement avoir la gorge coupe; au contraire, j'espre vivre assez longtemps pour voir les armes anglaises triompher encore une fois dans l'Affghanistan ... Le 16 du mme mois, lady Sale clbra l'anniversaire de son mariage en dnant avec les femmes de la famille de Mohammed-Shah-Khan. Ce fut, dit-elle, une corve fort ennuyeuse. Deux femmes esclaves nous servaient d'interprtes. Ces dames avaient en gnral une disposition trs-prononce l'embonpoint, des traits grossiers et des membres pais. Elles taient vtues d'une manire commune avec des toffes fort ordinaires--L'pouse favorite, qui avait la plus belle toilette, portait une robe de soie de Caboul d'une qualit infrieure, recouverte par derrire, sans doute par conomie, d'un tablier de perse. Cette robe ressemblait nos vtements de nuit et tait orne et l de pices de monnaie d'or et d'argent ou de morceaux des mmes mtaux dcoups de diverses manires. Elles portent leurs cheveux tresss en innombrables petites nattes pendantes; ces nattes ne se font qu'une fois par semaine, aprs le bain, et on les consolide en les enduisant de gomme. Les femmes qui ne sont pas maries portent leurs cheveux en bandeaux, qu'elles laissent retomber sur leur front jusqu' leurs sourcils, ce qui leur donne une physionomie trs-peu aimable. Les jeunes filles gardent leurs sourcils tels que la nature les a faits; mais ds qu'elles se marient elles en arrachent avec soin les poils du milieu, et se peignent l'arc des sourcils beaucoup plus grand qu'il ne devrait l'tre. Les femmes de Caboul font un usage immodr des couleurs rouge et blanche. Elles se peignent non-seulement les ongles, comme dans l'Indoustan, mais toute la main jusqu'au poignet, comme si elles l'avaient teinte de sang. Quelque temps aprs mon arrive on tendit devant nous, sur les numdas (tapis), un linge sale, et on nous servit des plats de pillau (riz et viande) et d'autres mets peu apptissants. Ceux qui, invits de pareils repas, n'ont pas apport leur cuiller mangent avec leurs doigts, mode affghane laquelle je ne me suis pas accoutume. Nous buvions de l'eau frache dans une thire. Le 28 mai, il fallut quitter Zanduh pour se rendre Caboul, car deux chefs avaient, dit-on, offert aux Anglais de lever 2,000 hommes et de dlivrer les prisonniers.--Lady Sale fut enferme dans le fort d'Ali-Mohammed, situ trois milles de la ville, prs de la rivire Loghur. On lui assigna d'abord pour logement une espce d'curie ouverte; mais les femmes d'Ali-Mohammed ayant t renvoyes dans un autre fort, elle occupa leur appartement. Jamais sa captivit n'avait t aussi douce. Du fond de sa retraite, elle entendait presque chaque jour les coups de feu que se tiraient continuellement les divers partis qui, malgr rapproche des Anglais, continuaient se disputer l'autorit suprme Caboul. Toutefois, si elle commenait tre mieux traite, lady Sale conservait toujours d'assez vives inquitudes: les bruits les plus sinistres circulaient dans le fort. Ses alarmes augmentrent lorsqu'elle se vit oblige, le 25 aot, de s'loigner une fois encore de Caboul et de gagner Bamean, o elle arriva le 3 septembre.--On refusa de nous admettre dans le fort, dit-elle, et nous dressmes nos tentes au-dessous de la forteresse et de la ville, qui furent dtruites par Gengis-Khan; mais les soldats taient tellement ennuys de garder notre camp, qu'on nous enferma dans un horrible fort demi ruin. Jamais nous n'avions t aussi mal loges.--Toutefois le jour de la dlivrance approchait: l'arme du gnral Pollock continuait sa marcha triomphale sur Caboul. Il devenait chaque jour plus vident que les Anglais allaient bientt tirer une vengeance clatante de leurs dfaites passes; les soldats qui gardaient les prisonniers se montraient dj disposs trahir leur matre et entrer en arrangement, Le 11 septembre, dit lady Sale, le capitaine Lawrence vint nous demander si nous consentions ce qu'une confrence et lieu dans la chambre que nous habitions, comme tant la chambre la plus isole du fort. Sur notre rponse affirmative, Saleh-Mahommed-Khan, le Synd-Morteza-Khan, le major Pottinger, les capitaines Lawrence, Johnson, Mackensie et Webbs se runirent, et notre lit, tendu en plusieurs parties sur le sol, forma un divan. L, tout fut rgl dans l'espace d'une heure.--les officiers prsents signrent un trait par lequel nous promettions de donner Saleh-Mahommed-Khan 20,000 roupies comptant, et de lui faire une pension mensuelle de 2,000 roupies. Il tenait pour sacre, ainsi que les autres contractants la parole des cinq officiers anglais; seulement il insista pour que l'engagement crit ft pris au nom du Christ, comme tant alors tout fait obligatoire. Les signatures apposes, il nous dclara qu'il avait reu l'ordre de nous conduire plus loin ( Khooloom). Nous devions partir cette nuit, et Akbar lui avait ordonn, assure-t-il, de massacrer tous les prisonniers qui ne seraient pas en tat de supporter la fatigue du voyage. 12. Saleh-Mahommed-Khan a arbor l'tendard de la rvolte sur les murs du fort.--C'est un drapeau blanc, avec un bord rouge et une frange verte. 13. J'cris Sale aujourd'hui; je lui dis que nous tiendrons jusqu' ce que nous recevions des secours, dussions-nous tre obligs de manger les rats et les souris dont le fort est rempli. 14. Cette nuit, nous avons t rveills en sursaut par les tambours qui battaient aux champs; ce qui, dans notre yaghi (rebelle) position, tait un peu extraordinaire.--Il parat qu'un corps de cavaliers de l'arme d'Akbar venait de se montrer autour des ruines. Saleh-Mahommed a envoy quelques-uns de ses hommes en claireurs, et les ennemis ont disparu. 15. Une lettre nous apprend qu'une insurrection a clat Caboul. Akbar est en fuite. Les troupes anglaises de Nott et de Pollock sont Maidan et Bhooukbak. Un dtachement marche notre secours. Il est dcid que nous nous mettrons nous-mmes en route demain matin. 16. Nous sommes partis ce matin pour Killatopchee par une belle matine. Ce ciel sans nuage ne nous annonce-t-il pas un avenir plus heureux? Nous avons toujours quelques inquitudes; nous craignons qu'Akbar n'ait t prvenu de nos projets, et tous les hommes que nous rencontrons nous semblent les avant-courriers des troupes charges de s'emparer de nous. Une heure aprs notre dpart, nous avons eu une chaude alerte. Nous nous reposions un instant l'ombre de gros blocs de rochers, lorsque Saleh-Mahommed-Khan s'approcha de nous, et parlant en persan au capitaine Lawrence lui dit qu'il tait parvenu se procurer quelques mousquets et un peu de poudre (les officiers anglais avaient t dsarm: depuis longtemps dj), et qu'il le priait de demander ses hommes s'ils voulaient s'armer. Le capitaine Lawrence leur adressa, en effet, cette proposition; mais aucun d'eux ne l'accepta. Alors, je ne pus m'empcher de m'crier: Vous feriez mieux de m'offrir un mousquet, et je me mettrai la tte de notre troupe. Sept jours aprs ce dernier exploit, c'est--dire le 21 septembre, lady Sale arrivait avec ses compagnons de captivit Caboul, o elle retrouvait l'arme anglaise victorieuse. La veille, elle avait t rejointe par le gnral Sale, qui la sauva d'un danger imminent. Il est impossible, dit-elle, d'exprimer les sentiments que j'prouvai l'approche de mon poux. Ce bonheur, si longtemps retard, que nous ne n'esprions plus, nous causa, ma fille et moi, une motion douloureuse, et nous ne pmes pas d'abord nous soulager par des larmes... Cependant, quand nous emes atteint les premiers postes, quand les soldats nous eurent manifest, chacun sa manire, la joie qu'ils avaient de revoir la femme et la fille de leur gnral, j'essayai de les remercier, mais je ne pus parler, et je pleurai abondamment. A notre arrive au camp, le capitaine Backhouse nous fit faire un salut royal avec son artillerie de montagne, et tous les officiers de l'arme vinrent nous fliciter de notre heureuse dlivrance. Pour complter cette analyse rapide du journal de lady Sale, il ne nous reste plus maintenant qu' traduire un dernier passage, dans lequel l'hroque prisonnire rsume elle-mme les privations de tout genre qu'elle eut subir pendant sa captivit: On dit que la vengeance d'une femme est terrible: rien ne pourra jamais satisfaire la mienne contr Akbar, le sultan Jan et Mohammed-Shah-Khan. Toutefois, je dois le dclarer, aprs qu'Akbar eut fait ce qu'il avait jur de faire pour servir ses projets politiques, c'est--dire aprs avoir extermin notre arme, en ne laissant s'chapper qu'un seul homme qui pt raconter ce dsastre; aprs s'tre empar de certaines familles, il nous a bien traites tout le temps que nous avons t ses prisonnires, c'est--dire il a respect notre honneur. Nous tions mal loges, il est vrai; mais les femmes de ce pays taient-elles mieux loges que nous? ne couchent-elles pas aussi sur la terre? Ont-elles des chaises et des lits? On nous donna toujours les provisions dont nous avions besoin, de la viande, du riz, de la farine, du beurre et de l'huile, et on nous permit de faire nous-mmes notre cuisine. On nous fora souvent voyager par la chaleur, le froid ou la pluie; mais les Affghans ont-ils plus de mnagements pour leurs propres femmes? D'ailleurs, n'tions-nous pas prisonnires? Quand nos vtements s'usrent, on nous fit cadeau de toile grossire et de drap commun pour nous couvrir. Pouvions-nous exiger de belles toffes? Si la vermine nous dvorait, elle n'avait pas plus de respect pour nos vainqueurs. Je ne crains pas de le rpter, nous avons toujours t aussi bien traites que des captives pouvaient l'tre dans un pareil pays; mais, tout en rendant Akbar-Khan la justice qui lui est due, je n'oublierai jamais cependant le mal qu'il a fait l'Angleterre. S'il eut taill en pices notre arme en rase campagne ou dans les dfils, quelque stratagme qu'il et employ pour la surprendre, il ft devenu le Guillaume Tell de l'Affghanistan, car il et dlivr sa patrie d'un joug odieux impos par les kaffirs (infidles); mais il assassina un plnipotentiaire, il traita avec ses ennemis, et il les trahit; il fit massacrer sous ses yeux des milliers d'hommes et de femmes, mourants de faim et de froid, qu'il avait promis de nourrir et de dfendre ... son nom sera vou a un opprobre ternel. L't du Parisien. La saison des fleurs est enfin arrive; le mois de Mai, qui est devenu boudeur et capricieux, a retard son apparition, et s'est montr sous le nom un mois de Juin. Juin s'est tranquillement affubl des habits de Mai, et s'il y a perdu l'or de ses moisons, il y a gagn les guirlandes de frais boutons de roses peine clos et les couronnes de bluets mls aux coquelicots des bls: et qui pourrait s'en plaindre? A l'homme blas, comme aux coeurs qui sentent leurs premiers battements, les fleurs ne parlent-elles pas un langage qu'il aime: l'un, les souvenirs d'un amour pass, le premier bouquet donn par la femme qu'il a aime; l'autre, l'esprance, l'avenir avec toutes ses joies, la rvlation d'un bonheur futur, idal, et presque toujours, hlas! plus grand que la ralit. Une anne s'est ajoute toutes celles que compte dj Paris, ce vieillard dont la vie est si agite et souvent si triste, ce vieillard qui n'a pas de coeur, et qui voit avec indiffrence les haillons de la misre la porte des ftes splendides de la richesse. Une anne pour Paris est l'intervalle qui spare la chute des feuilles des premiers fruits de l't; et dans ces six mois il a vcu, il a appel lui toutes les joies, toutes les splendeurs; il a attir dans ses murs l'aristocratie de tous les peuples; et quand il l'a rassasie de bals, de spectacles, il prend son repos de tous les ans. Adieu donc toutes les ftes de l'hiver et vive la campagne! Voici que commence le dpart, et que cette troupe d'oiseaux, qui n'attendait que le soleil, s'envole tire-d'aile. O allez-vous, joyeux voyageurs, douces et lgantes voyageuses? Vers quelles contres vous emporte la fantaisie? A quelle fontaine merveilleuse allez-vous rparer vos forces perdues dans les bals de l'hiver? Dans quel fleuve allez-vous tremper vos membres dlicats pour y trouver l'oubli du pass, de ce pass brillant, mais si sduisant que vous souhaitez en faire l'avenir? Oh! partez, partez bien vite; car, pour vous, Paris n'est plus, il est mort, et ne renatra qu'avec les frimas; mais du moins que, de loin, les chos nous envoient le bruit de vos plaisirs d't, de vos joies au grand air, sous les grands arbres de vos parcs, au bord de la mer ou au sommet des montagnes! Tout est donc fini cette anne pour nous autres, pauvres citadins, qui, dans le cercle monotone de nos occupations, ne savons plus distinguer les saisons. Il nous faut assister au dpart de tous, petits et grands, amis et indiffrents; mais, non, il n'y a mme pas d'indiffrents quand l'heure du dpart a sonn. Qui de nous n'a pas suivi d'un oeil de regret la voiture qui emporte l'heureux voyageur, en enviant son sort, en maudissant le sien? Qui n'a pas subi ce supplice de Tantale, ces dsirs infinis qui s'accroissent par l'impuissance? voir partir et rester; sentir de loin les fraches manations de l'glantier qui borde les routes, et se retrouver prs des arbres rabougris des quais; avoir des ailes l'imagination et tre de plomb dans la ralit! Le Parisien, quelque classe qu'il appartienne, quelque tage qu'il ait nich son domicile et ses affections, quelle que soit la cote de sa contribution personnelle et mobilire, a des gots de locomotion singuliers: c'est pour lui qu'a t fait le mythe du Juif errant, qui marche depuis des sicles et marchera des sicles encore. Tout lui est bon, pourvu qu'il se remue: l'asphalte des boulevards ou la rue intrieure des fortifications; tout spectacle lui convient; une excution capitale ou une course en sac dans les rjouissances publiques, pourvu qu'il change de lieu; seulement la lgende dit que le Juif errant avait toujours cinq sous dans sa poche; pour le Juif errant du dix-neuvime sicle, cinq sous ne suffisent plus; c'est trente centimes qu'il lui faut, le prix d'un Omnibus ou d'une entre au thtre de Bobino. Le Parisien n'est, tout prendre, qu'un Bohmien endimanch ou civilis; il s'efforce en vain de cacher son origine; sous le fard dont il veut la couvrir, ou voit toujours poindre le sang des Zingari, et les efforts qu'il fait sont aussi inutiles que ceux de la malheureuse femme de Barbe-Bleue pour effacer les traces de sang de la clef fatale. Avance et marche donc, puisque tel est ton lot sur la terre; va! ne mens pas ton origine; et puisque voil les beaux jours, prends ton bton de voyage et ton bonnet de nuit; Avance et marche! Mais au got de locomotion que nous venons de signaler dans le Bohmien-Parisien, s'en joint un attire que nous partageons de grand coeur, c'est celui des fleurs: il lui en faut tout prix; n'et-il au cinquime tage qu'une troite lucarne, il va y entasser un parterre tout entier, et dans le mme pot vous verrez l'oeillet, la pense, un petit rosier, de gigantesques coboea; et tous les matins, quand le soleil vient caresser son rveil d'un rayon bienfaisant, il trouve, avant de pntrer dans la mansarde, un formidable rempart de fleurs et de feuilles; aussi avec quelle sollicitude il soigne leur chre famille! comme il connat leur nom, leur naissance! comme il sait avec douceur redresser les dviations de la tige, mettre le bon accord entre toutes! et chaque fleur reconnaissante lui envoie son parfum matinal et de tous les jours. Pour satisfaire ce double got de locomotion et de jardinage qui le distingue si minemment, ds que le soleil se fait sentir plus chaud, le Parisien prouve le besoin d'un horizon plus vaste, il lui faut un jardin de dix pieds carrs. Un pot de fleurs, c'est bon pour le printemps; mais, l't, il lui faut la pleine terre, les alles bordes de buis, la clmatite et le chvrefeuille, et le banc de bois ombrag de pois de senteur et de liserons aux mille couleurs. Aussi coutez tous les tages, quelles aspirations unanimes! quels dsirs infinis! On a femme, enfants, et peine de quoi les nourrir, n'importe; on est forc d'tre Paris toute la journe pour ses affaires; eh bien! la nuit on ira dormir en libert. Enfin le branle-bas gnral a commenc; cette heure attendue avec tant d'impatience a sonn, et tous, petits et grands, font leurs prparatifs de dpart. Pas un ne reste inactif dans cette grande ruche o rien ne manque, ni la reine, ni le miel, ni les travailleuses, ni les frelons. De toutes les rues, vers toutes les barrires, voyez s'avancer ces hordes d'migrants: ils ont fait de tendres adieux ceux qui, moins heureux qu'eux, forment la partie non flottante de la population. Ils sont tristes de les quitter, mais cette douce tristesse, empreinte sur leur physionomie est tempre par un rayon de joie; car enfin ils vont respirer pleine poitrine l'air pur de la banlieue, y compris la Villette et Montfaucon. Maintenant examinons les moyens de transport que, dans son imagination, le Parisien a trouvs pour dmnager lui et les siens, la batterie de cuisine et le lit nuptial. Ces moyens varient avec les distances; voici venir d'abord la voiture bras, trane par un vigoureux Auvergnat, qui sue sang et eau, pour gagner trois quatre francs, prix dbattu. Quel pandmonium sur cette charrette qu'accompagne, avec tant de sollicitude, la lgitime propritaire: trop heureux l'Auvergnat, si sur les matelas on n'a pas tendu les poupons! D'autres ne dpassent pas l'intervalle compris entre le mur d'octroi et le mur d'enceinte: ils ont choisi un site agrable, bien ar, avec de beaux arbres et un loyer pas cher, Vaugirard, par exemple; et quand la famille est installe, que l'heureux locataire de cette villa a explor dans tous les sens les environs, qu'il en connat le fort et le faible, il invite ses amis venir le dimanche partager son bonheur champtre, et il leur crit ceci: Mon cher ami, voici dj quatre jours que j'habite la compagne, et tu ne saurais croire quel point je me sens calme et repos. On comprend de suite tout le bonheur de cette vie des champs, qui a toujours t le rve de mes jeunes annes; et puis ne plus tre Paris, vivre ses portes, sans le voir, sans l'entendre! Viens donc me visiter; j'ai dcouvert une dlicieuse promenade, c'est une avenue d'arbres superbes, borde d'un ct par le mur d'un parc, de l'autre, par la magnifique plaine de Grenelle, o l'on ne voit plus de fusills mort. On dit que cette avenue conduit un charmant village qu'on nomme Issy; mais je n'ai pu encore aller jusque-l, parce que la dernire pluie l'a rendue impraticable. Je compte sur loi; les Parisiennes t'amneront jusqu' ma porte. Ceux qui transportent leurs dieux lares hors du mur d'enceinte, prennent des vhicules plus perfectionns: ceux-l il faut la tapissire ouverte tous les vents, et dont la cargaison occupe une extrmit, pendant que les bienheureux campagnards sont assis par devant. Aux autres, c'est le noble coucou qui sert de voiture de dmnagement. Pauvre coucou! si mconnu l'heure o nous parlons, battu en brche par toutes les nouvelles inventions, et qui rsiste encore sur les quatre jambes osseuses, noueuses et arc-boutes d'une maigre haridelle couronne (suivant l'expression d'Alphonse Karr ......Buy Now (To Read More)

Product details

Ebook Number: 37417
Author: Various
Release Date: Sep 13, 2011
Format: eBook
Language: French

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