L'Illustration, No. 2497, 3 Janvier 1891

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L'Illustration, No. 2497, 3 Janvier 1891L'ILLUSTRATION Prix du Numro: 75 centimes. SAMEDI 3 JANVIER 1891 49e Anne.--N...
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L'ILLUSTRATION Prix du Numro: 75 centimes. SAMEDI 3 JANVIER 1891 49e Anne.--N 2497 OCTAVE FEUILLET. D'aprs la photographie de Nadar. 'ANNE 1801 aura commenc lorsque paratront ces lignes. Oh! elle ne sera pas bien ge. Ne peine. Et dj elle sera de l'histoire, ou plutt elle aura son histoire. J'ai remarqu souvent--ce qui prouve que je ne suis plus tout jeune--oui, j'ai remarqu que les annes nouvelles dbutent par quelque vnement sensation. Est-ce une mort illustre, une naissance espre, une rvolution inattendue? Je n'en sais rien. Mais, pareilles ces souverains qui veulent affirmer leur autorit ds le dbut de leur rgne, les annes encore vagissantes s'affirment, elles aussi, comme elles peuvent. Et dj elle est oublie, terriblement oublie, l'anne 90! Finie, abolie, emporte comme dans une hotte de chiffonniers. 90! Comme c'est loin! C'est hier, mais c'est loin. On ne se proccupe pas du tout, mais du tout, de ce que 90 nous a donn. On ne s'occupe que de ce que nous promet 91. Les derniers jours de l'an pass ont t gays par une aventure assez divertissante, l'aventure du chalet. Il ne s'agit pas de celui d'Adolphe Adam, qu'on ne joue plus gure l'Opra-Comique, mais bien d'un chalet en planches, artistiquement orn, qu'on avait trouv bon d'installer, en plein cur de Paris, devant la faade de l'Opra. Il tait hideux, ce joli chalet dont l'usage ne se pourrait dire, dirait une lady anglaise, et, en l'apercevant, tout Parisien s'criait: --Pourquoi ce chalet? Je n'en vois pas la ncessit! Il a disparu, le chalet, sous le ridicule et sous les protestations des passants. Les Parisiens en taient si outrs, qu'un moment ils avaient voulu l'enlever par la force. Des gardiens de la paix ont d protger contre la rvolte artistique de la foule ce chalet si malencontreux. Quel drle de peuple! On peut l'craser d'impts, le mener la baguette, on ne peut pas lui imposer une baraque en bois dont il ne veut pas. On a jadis parl de la rvolution du mpris. Parisiens de 1890-91, nous avons frl la rvolution du chalet! C'tait, du reste, une ide bien trange de dshonorer la place de l'Opra par cette maisonnette ad usum populi. Nous avons l'art de dsembellir Paris. Nous l'avons orn de statues difformes, d'un Ledru-Rollin bizarre, d'un Shakespeare trange, d'un Louis Blanc gant. Ces statues ne suffisent pas. Voil les chalets maintenant. Celui-ci a disparu. Paix sa mmoire! Mais on n'et pas cru possible une ide d'architecte aussi saugrenue. Le chalet a t emport par un vent de protestation, absolument comme nombre de gens clbres par des congestions pulmonaires. Oh! le rude hiver! et que les fluxions de poitrine sont frquentes! Je plains les pauvres humains et les malheureux qui n'ont ni boas ni pelisses. La bise est aigre, la gele froce, et le ciel a cette couleur grise du papier la mode qu'on appelle papier ciel d'hiver. M. mile Durier a t une des victimes de la temprature. Solide, souriant, aimable, il semblait robuste et jeune encore, quoique sexagnaire, l'ancien btonnier de l'ordre des avocats. Une physionomie ouverte, un accueil toujours agrable. C'tait une figure parisienne plus encore qu'une figure politique. De la rvolution qui avait port au pouvoir tous ses amis, l'ex-secrtaire du gouvernement de la Dfense nationale n'avait rien voulu, que le droit d'exercer plus librement la profession qui lui plaisait. Me Durier tait un avocat cout, autoris, il avait la parole sduisante, et jamais la dent dure. Lorsqu'il attaquait un adversaire, il tchait de le dsaronner, mais il ne le dchirait pas. Il y a des avocats dont on craint le venin. De Me Durier on aimait le sourire. C'est lui qui avait dfendu Chambige, et il l'avait fait sans que M. Grille mme pt s'en irriter. Ce Chambige, tre complexe et inquitant, Me Durier, lorsqu'il en parlait, lui faisait accorder, par des auditeurs curieux, un pardon que lui avait refus le jury. L'avocat tait fort intressant sur ce point. On le sentait convaincu. Nagure il plaidait pour M. Erckmann contre Chatrian, celui-ci ayant accus ou fait accuser son ancien collaborateur de complicit avec les Prussiens, ou quelque chose d'approchant. La plaidoirie de Me Durier ne put tre publie puisqu'il s'agissait d'un procs en diffamation, mais c'tait, me dit-on, une admirable page d'histoire littraire. Elle a t vite lacre par la mort. Chatrian est parti, Durier s'en va: le seul Erckmann reste, fumant sa pipe au-del des Vosges. Cette congestion pulmonaire, dont M. Durier est mort, on peut la prendre en allant faire le tour des baraques; mais ce tour, trs en vogue cette anne, vaut bien qu'on risque tout au moins un rhume. Les baraques brillent de tous leurs feux et elles sont particulirement coquettes. Nous avons les jouets fin de sicle, les questions nouvelles. --Demandez la question Boulanger! Celle-l parat finie, bien que M. Droulde s'apprte la poser encore. Sur le boulevard, entre les doigts des camelots, elle consiste faire passer un bout de laiton d'un cercle en fil de fer tordu de manire donner le profil du gnral. --Voyez la question Carnot! dix centimes! Cette question est beaucoup plus simple. On vous vend pour deux sous un bout de carton--en forme de paralllogramme, pour parler comme M. de Freycinet (de l'Acadmie franaise)--et ce paralllogramme est dcoup de telle sorte qu'en le prsentant la lumire l'ombre des dcoupures projette sur une surface plane, feuille de papier ou paroi de muraille, l'image de M. Carnot, du Carnot sommaire et gomtrique invent, je crois, par Gyp, ce ou cette Gyp qui a un si joli brin de crayon au bout de sa plume. L'Illustration a publi, dans ses amusements scientifiques, plus d'une question pareille la question Carnot qui divertit les badauds sur le boulevard. Le prsident de la Rpublique, en se promenant comme un bon bourgeois parmi la foule--comme un Aroun-al-Raschild dont l'aimable gnral Brugre serait le Giaffar--le prsident a pu en regardant les boutiques (tel le roi Louis-Philippe allait par les rues, avec son parapluie sous le bras) entendre le cri, l'appel des camelots: --Qu'est-ce que a dit? On regarde--et a dit Sadi. M. Carnot a d sourire. En ralit, ces plaisanteries d'un peuple bon enfant sont une des formes de la popularit et M. Carnot est populaire. La popularit ne se dcrte pas. Elle est un peu comme la grce et vient de certains dons, de certains souffles. Elle est aussi comme le charme. Qui le dfinira, le charme? On le subit sans l'analyser. Octave Feuillet avait le charme, Octave Feuillet, un des derniers coups qu'ait ports l'anne dfunte, mais un coup cruel et attristant. Tandis que le conseil municipal projetait de faire dfiler devant M. mile Richard, son prsident, expos l'Htel-de-Ville sur un lit de parade, toute la population de Paris aimant saluer son roi, M. Octave Feuillet, qui n'avait jamais rgn que sur les curs, s'teignait sans que nulle autorit municipale songet lui dcerner de tels honneurs funbres. Ah! c'est quelque chose que d'tre fonctionnaire et de prsider le conseil municipal! Honnte homme, M. mile Richard, journaliste de talent, brave garon, sans nul doute. Mais, dans l'ordre des choses humaines, parmi les gloires du pays, Octave Feuillet occupait un rang auquel nul conseiller municipal ne pourra jamais prtendre. C'tait un matre conteur, un dlicat, un fminin qui a montr plus d'une fois les qualits les plus mles, une sorte de pcheur d'mes. Il y a plus de psychologie, comme nous disons aujourd'hui, dans tel proverbe de Feuillet que dans bien des uvres rnovatrices. Onesta--avez-vous lu Onesta? c'est une nouvelle mise la fin d'un volume qui s'appelle la Petite comtesse--Onesta est un admirable chef-d'uvre, d'un dramatique achev. On va s'apercevoir que M. Octave Feuillet en a crit un certain nombre, de ces uvres verveuses, puissantes, la Musset, qui donnent tort au fameux mot des frres de Concourt: Feuillet, c'est le Musset des familles. Ce ne serait pas dj si mal d'tre le Musset des familles. Mais Octave Feuillet tait mieux que cela. Il tait Feuillet, c'est--dire un matre absolu dont les romans et le thtre procdent par des coups droits terribles aprs des feintes subtiles. Oui, oui, c'est un matre qui disparat. Un matre en l'art de tout dire sans trop appuyer. Il prparait--les journaux l'avaient annonc--un drame pour le Gymnase, un drame tir de son dernier roman, Honneur d'artiste, et qui aurait eu le succs dcisif qu'obtient en ce moment la pice de M. Daudet, cette mle tude de l'hrdit, l'Obstacle. L'obstacle, quelquefois, ce n'est pas seulement la folie, c'est la mort, et la mort a arrach la plume des doigts d'Octave Feuillet. Le romancier souffrait depuis longtemps, mais on le savait nerveux. On se disait qu'il rsisterait la souffrance. Il en avait support de cruelles, en ces dernires annes, et la mort d'un fils lui laissait au cur une blessure que ne cicatrisait pas le mariage et le bonheur du second, le brillant officier dont il tait fier. M. Octave Feuillet tait demeur fidle l'empire, l'impratrice qu'il avait charme autrefois aux ftes de Compigne lorsqu'il crivait pour elle les Portraits de la marquise qu'elle jouait en costume du temps pass. Compigne! Les Tuileries! Toutes ces splendeurs, c'tait, pour Octave Feuillet, le temps heureux. Il tait, la cour, choy sans tre courtisan. Sans doute cherchait-il plaire, mais c'est surtout lui qui sduisait. On l'avait nomm bibliothcaire de Fontainebleau. Une sincure. Mais pourquoi ne donnerait-on pas des postes aux gens de talent quand on en donne tant par faveur, aux intrigants? Lorsque le 4 septembre arriva, M. Jules Simon, ministre de l'Instruction publique du gouvernement rpublicain, crivait Octave Feuillet: --Il y a toujours des livres Fontainebleau et vous tes toujours bibliothcaire! Octave Feuillet rpondit: --Les livres sont toujours l, mais ceux qui me les demandaient n'y sont plus. Je donne ma dmission. On dit volontiers: un homme de Balzac. On pourrait dire: une femme de Feuillet. Mais ce peintre des femmes fut un homme et comme un gentilhomme. Il touche, d'une main lgre, aux crises du cur. Il en a calm plus d'une, de ces crises du mariage. On raconte qu'un jour M. Scribe, aprs la reprsentation de Malvina, reut de la main d'une mre ce petit billet: Merci, monsieur, je vous dois ma fille, votre comdie lui a rendu la raison. --Que de confidences de ce genre, disait M. Vitet M. Feuillet en le recevant l'Acadmie, vous auriez droit recevoir! Si la gratitude des maris crit aussi de tels billets, vous devez en tre accabl! Hlas! ces billets qu'attire la gloire, ils finissent tous par le dernier billet: le billet de faire-part! Rastignac. NOTES ET IMPRESSIONS La taquinerie est la mchancet des bons. Victor Hugo. ** * Le sang d'un homme mort est plus lourd encore sur la conscience qu'un soufflet sur la joue. Comtesse de Bassanville. ** * Les articles du journal sont comme les feuilles d'automne qui, vertes et fraches hier, sont aujourd'hui entasses au pied de l'arbre, sans couleur et sans vie. Edmond Scherer. ** * L'amour est le poison du gnie; les artistes de temprament robuste l'liminent, les faibles en meurent. Jean Carol. ** * Les illusions sont le pain quotidien des malheureux. Ferdinand Fabre. ** * Considre dans son ensemble, l'humanit n'est point sortie de la barbarie primitive. El. Reclus. ** * La tolrance est une vertu que les opprims savent seuls bien dfinir. (Penses d'automne.) A. Tournier. ** * Ce qui amuse l'enfant, c'est le pantin; ce qui intresse l'homme, ce sont les ficelles. (Ibid.) A. Tournier. ** * Sensible et cruel, vaniteux et jaloux, craintif et tmraire, curieux et inappliqu l'enfant est homme par ses contradictions. ** * La vieillesse apporte moins de qualits qu'elle n'emporte de dfauts. Elle est l'ge d'or des vertus ngatives. G.-M. Valtour. OCTAVE FEUILLET ctave Feuillet vient de mourir l'ge de soixante-neuf ans. Il produisait encore; mais il y avait dj quelques annes que l'on n'attendait plus de lui une rvlation nouvelle de son talent. C'est le malheur des artistes qui vieillissent de ne plus piquer la curiosit des gnrations qui poussent. Elles sentent qu'ils ont dj donn le meilleur de leur esprit; que tous les ouvrages qui sortiront de leur plume ne feront que rpter, avec des variations plus ou moins brillantes, ceux qu'ils ont autrefois marqus de traits distinctifs. J'ai vu Mme Sand, en ses dernires annes, pondre chaque trimestre avec une rgularit merveilleuse le roman accoutum; on le lisait encore; on n'en parlait pas. Il n'excitait ni passion ni controverses. Tous les critiques l'annonaient au public avec une sorte de dfrence aimable; plus d'reintements ni de querelle. Un grand apaisement s'tait fait autour de ses uvres et de son nom. J'imagine que pour un crivain de premier ordre ce doit tre l une phase trs pnible traverser; qu'il doit parfois lui prendre des envies de s'crier comme Calchas: Trop de fleurs! trop de fleurs! Ces louanges indiffrentes risquent de l'exasprer plus que n'avaient fait les attaques passionnes subies la glorieuse aurore des dbuts. Mme Sand, elle, planait au-dessus de ces misres. Il ne semble pas que M. Octave Feuillet en ait pris si paisiblement son parti. Il a cherch diverses reprises renouveler sa manire; il n'a cess d'affronter le thtre, le seul endroit o le respect d aux vieilles illustrations ne les prserve pas d'un chec; je suis convaincu que cette nervosit, dont tout le monde parle, n'tait pas seulement congniale; elle tait entretenue, avive, douloureusement avive par ce got, par cet apptit, qui tait chez lui extraordinairement dlicat, de sduire le public, de le possder, de le retenir... Il y avait chez lui de l'instinct de coquetterie. Climne ne songe qu' grouper autour d'elle des empressements et des adorations; imaginez Climne vieillissante; quel chagrin! quel dsespoir! M. Feuillet, qui voyait le public lui chapper et se tourner vers d'autres, a prouv quelque chose de cette mlancolie qui a attrist la fin de quelques grands artistes. Il tait d'une sensibilit prodigieuse: la moindre piqre, la moindre critique, alors mme qu'on la ouatait des compliments les plus aimables, s'enfonait au plus vif de son tre et lui arrachait des tressaillements de douleur. J'en parle, hlas! savamment. Comme il a beaucoup crit pour le thtre et que tout ce qu'il y a donn n'a pas galement russi, j'ai plus d'une fois t oblig de signaler dans ces uvres, toutes pleines de coins charmants, les dfauts que j'avais cru y voir. Il me tenait pour un ennemi, et cet homme d'infiniment de sens et d'esprit demandait ses amis et aux miens quel motif j'avais de le perscuter. Il tait convaincu que je poursuivais en lui le familier des rceptions de Compigne. J'avais beau protester que je ne me souciais point de politique, et que je prfrais une belle uvre signe d'un bonapartiste quelque rogaton servi par un rpublicain, il aimait mieux n'en rien croire. Je n'ai eu que deux fois le plaisir de le voir: il tait venu chez moi me remercier de feuilletons qui l'avaient surpris et charm, car il ne s'y attendait point. C'tait bien l'homme qu'a si joliment peint Alphonse Daudet en deux coups de crayon: long, fin, nerveux, de manires exquises, une proccupation de mondanit sous laquelle on sentait vibrer et palpiter des fibres d'artiste. Il parlait d'un ton pos, avec une douceur lente; le visage et la voix taient chez lui d'une sduction irrsistible. Je lui assurai que je n'tais jamais plus heureux que lorsqu'il me fournissait un prtexte le louer sans restriction; je lui contai navement, et avec cette chaleur que je porte dans tout ce que je dis, mes impressions la lecture de ses premiers romans. Il eut l'air de me croire, et je pense qu'en effet il s'en alla convaincu de ma bonne foi. Mais il tait mfiant; au premier coup d'pingle, il oubliait tout pour ne sentir que l'affreuse douleur de la dchirure. Je ne lui mentais point cependant, en lui disant l'admiration que nous avions sentie pour ses premires uvres. Bien qu' l'cole normale nous fussions passionns, et trs exclusivement passionns pour Balzac et Stendhal, il nous restait encore de quoi goter Feuillet, dont la jeune renomme tait (vers 1850) dans tout l'clat de son premier panouissement. Il me souvient d'un roman de lui, Bellah, qui me parat fort oubli aujourd'hui; il a fait nos dlices. Il y avait l des scnes de gaiet soldatesque, dont je n'ai plus, depuis, retrouv l'quivalent dans aucune des uvres qui ont suivi. Octave Feuillet me paraissait y avoir dploy un sens du comique, qu'il a remis ensuite, le jugeant sans doute peu en harmonie avec l'extrieur de sa personne et le genre de son talent. C'tait l'poque aussi o il avait coup sur coup, dans la Revue des Deux-Mondes, publi avec un succs prodigieux tous ces proverbes qui devaient plus tard tre ports presque tous au thtre: la Crise, le Cheveu blanc, le Pour et le Contre, le Village, la Fe, la Cl d'or. En France o l'on juge tout d'un mot plaisant, on a appel M. Feuillet le petit Musset des familles et l'on crut srieusement avoir dfini, dans cette formule, la manire de M. Octave Feuillet. La vrit, c'est que si, au lieu de s'arrter aux apparences, on avait pntr jusqu'au fond de ces proverbes, si on les avait examins dans leur essence, on se serait aperu que ces prtendues glorifications de la morale bourgeoise taient, au contraire, des plaidoyers en faveur de la passion. Le moraliste disait aux jeunes gens: Aimez, puisque vous avez un cur; et faites des btises, puisque c'est le lot de tout homme, mais faites-les avec votre femme, et arrangez-vous pour qu'elle soit votre matresse. Et il disait ensuite aux jeunes femmes: Vous avez des caprices, rien de plus naturel, de plus avouable, de plus charmant mme; passez-les avec votre mari. Il y a presque toujours dans votre vie une heure de crise o votre imagination s'envole autour d'un idal vaguement entrevu. Vous avez droit possder cet idal; mais ne vous drangez pas, vous l'avez l, sous la main, c'est votre mari. Il ne s'agit que de le regarder avec d'autres yeux, vous raliserez votre rve et resterez vertueuses. C'est la morale du plaisir ajuste aux exigences du mnage. De devoir, il n'en est pas question dans les proverbes d'Octave Feuillet. Je ne lui en fais pas un reproche. Car ce sont des petits chefs-d'uvre. Mais ce qui m'amuse, c'est de voir qu'on les a mis entre les mains des femmes et des jeunes filles, comme des conseillers de vertu. Je ne sais pas d'ouvrages au thtre qui soient mieux faits, au contraire, pour inviter doucement les femmes la passion. Car enfin, si le mari dcidment n'est pas l'idal rv, comme il faut que la crise ait son cours, o croyez-vous qu'elle aboutisse? ** * Ces proverbes tabliront la rputation d'Octave Feuillet; mais le meilleur de sa gloire n'est pas l. Il a crit le chef-d'uvre du roman purement romanesque, et, de ce chef-d'uvre, il a tir une pice qui est galement un des chefs-d'uvre du genre romanesque au thtre: Le Roman d'un jeune homme pauvre. C'est, je crois, de tous les ouvrages du matre, celui qui durera le plus longtemps. Il repose sur une donne qui est aussi vieille que l'humanit et qui ne s'teindra qu'avec elle. Tant qu'il y aura des hommes sur la terre, on prendra du plaisir voir des rois pouser des bergres et par contre on aimera voir un jeune homme par de toutes les qualits du cur, de tous les dons de l'esprit, mais pauvre, inspirer de l'amour une jeune fille aussi noble, aussi spirituelle que lui, mais riche; la refuser prcisment cause de cette fortune, jusqu'au jour o il est vaincu dans sa rsistance, o ces deux tres jeunes et beaux, dignes l'un de l'autre, s'pousent enfin, unis par la toute-puissance de l'amour. Remarquez que c'est le sujet des Fausses confidences, une des plus dlicieuses comdies de Marivaux, un sujet que l'on reprend tous les sicles sous une nouvelle forme. Jamais on ne fera mieux que le Roman d'un jeune homme pauvre. C'est d'une imagination riante et le style est d'une fluidit merveilleuse. Les personnages vivent, bien qu'ils vivent dans le bleu, et ceux mme qui ne jouent qu'un rle pisodique sont d'une charmante fantaisie. Rien de plus dlicieux que cette vieille douairire bretonne qui rve la reconstruction d'une cathdrale gothique. M. Octave Feuillet a bien des fois depuis trait des thses romanesques. Il a crit en ce genre beaucoup d'ouvrages, qui sont pleins d'agrment; aucun ne vaut, ni pour la force de la conception, ni pour la belle ordonnance du rcit, ni pour la grce des pisodes, ni mme pour le charme du style, cette uvre matresse, qui demeurera au jour de la postrit son plus beau titre de gloire. A ct du Roman d'un jeune homme pauvre, on peut placer Dalila. Dalila, c'est le roman de passion. M. Octave Feuillet s'est plu souvent peindre la femme perverse, tourmentant l'homme faible et annihilant l'artiste qui est tomb entre ses mains. Dalila est le chef-d'uvre de ce genre. Le succs en a t norme autrefois; la pice a t plus d'une fois reprise, toujours avec succs; il y a l un rle de princesse, qui est une des conceptions les plus fortes de l'auteur. Elle est de temprament imptueux et violent, facile s'amouracher, plus facile se dprendre, hautaine, impertinente, ddaigneuse, et cravachant avec rage tous ceux qui se trouvent sur le chemin d'une de ses fantaisies et lui barrent la route. C'est une figure inoubliable. M. Octave Feuillet s'est repris plus d'une fois peindre ce caractre, dont la Petite comtesse, une uvre exquise, semble tre la premire bauche. Je ne sais pourquoi le bruit s'tait rpandu que M. Feuillet ne pouvait crire que des romans et des pices l'eau de rose: car la Petite Comtesse et Dalila sont des ouvres de jeunesse. Mais que voulez-vous? on l'avait nomm le Musset des familles, et vous savez la force d'une lgende. Il voulut ragir contre cette lgende, qu'il trouvait avec raison fausse et absurde. C'est alors qu'il entreprit d'crire des ouvrages plus piments de sujet et de forme, et nous devons cet effort M. de Camors, Julia Trcur dans le roman, Mont joie et un Roman parisien dans le drame. Aucun de ces ouvrages n'est aussi complet en son genre que l'tait dans le sien le Roman d'un jeune homme pauvre. Toute la premire partie de M. de Camors est admirable d'nergie sombre; on dirait pour le reste que la main de l'crivain s'est lasse. Les deux premiers actes de Montjoie sont peut-tre ce qu'il a crit de plus achev: c'est une pure merveille. Le drame ensuite tourne court et le dnouement est si piteux, qu' la dernire reprise qui en a t faite la pice n'a pu se maintenir longtemps sur l'affiche. Il y a deux belles scnes dans Un roman parisien, mais l'uvre ne se tient pas, et je ne crois pas qu'elle puisse jamais tre remonte. C'est Julia Trcur qui, de ces quatre ouvrages, donne le mieux la sensation d'une uvre acheve et parfaite; il plane sur tout ce rcit une mystrieuse horreur, et le dnouement en est d'une mlancolie grandiose. Mais le roman me semble manquer de varit; les personnages semblent non des tres vivants, mais des ombres transportes dans le brouillard vers une fatalit inexorable. Il serait inutile de passer en revue les innombrables ouvrages chapps de cette plume fconde. Tous peuvent se rattacher l'un des trois types que nous avons caractriss. Je ne ferai d'exception que pour le Sphinx, parce que M. Octave Feuillet, dans cette pice de forme romanesque, mais trs passionne, avait mis en prsence l'un de l'autre les deux types de femme qu'il a partout reproduits avec des variantes de visage et de costume, et qui taient reprsentes au Thtre-Franais par deux admirables artistes: Mme Croizette et Mme Sarah Bernhardt. Ce fut entre les deux comdiennes un duel auquel tout Paris s'intressa: la palme resta Mme Sarah Bernhardt; mais personne n'a oubli la scne effrayante d'agonie que M. Octave Feuillet avait mnage sa rivale. M. Feuillet n'avait pas, nous dit M. Daudet, le mal du style dont meurent quelques-uns de nos auteurs contemporains. Je ne puis que l'en louer. Il crivait une langue facile, harmonieuse, d'une lgance trs mondaine; mais, sous cette lgance, il cachait beaucoup de force et mme beaucoup de fougue. Il aimait reprsenter des gens du monde qui drobaient sous un masque impassible de mondanit froide ou lgre des passions ardentes et parfois brutales. Eh bien! lui aussi il jetait sur les emportements et les fureurs qu'il avait peindre d'aimables glacis de style qui ont fait illusion sur son temprament d'artiste. C'tait un affin et un nerveux, homme de bonne compagnie et qui voulut partout, toujours et quand mme, rester de bonne compagnie. Ce fut l son originalit propre. Il sentait avec une vivacit singulire; mais il exprimait ses sensations en homme bien lev et rsolu tre bien lev. Aussi y a-t-il un dsaccord dans sa manire quand il aborde les sujets qui font craquer le vernis des biensances. Il est lui-mme, c'est--dire aimable, harmonieux, distingu sans fadeur, quand il nous peint son jeune homme pauvre. Francisque Sarcey. A L'HOTEL-DES-INVALIDES.--La dcoration du 1er janvier THTRE DU GYMNASE.--L'Obstacle, pice en quatre actes, de M. Alphonse Daudet. La scne d'explications entre Didier (M. Duflos) et Madeleine (Mlle Sisos) dans le jardin du clotre des Dames-Bleues (troisime acte). VOYAGE SUR LA PLANTE MARS L se passe en ce moment des choses tout fait extraordinaires sur notre voisine la plante Mars. On s'en occupe un peu partout dans le monde de la science. Un certain nombre de nos lecteurs peuvent s'y intresser. Sans autre prambule, transportons-nous directement sur ce petit monde et dcrivons les phnomnes qui viennent d'tre observs cette anne dans sa gographie. I Depuis quelques annes dj, nous avions t tous assurment fort surpris de voir que les lignes droites qui traversent ses continents et mettent en communication mutuelle toutes ses mers se ddoublent en certaines saisons. Que sont ces tracs rectilignes? Des canaux? On le croit, en gnral, et pourtant comment s'expliquer des cours d'eau se traversant les uns les autres? Il y a l un immense rseau de lignes droites plus ou moins fonces. Seraient-ce des crevasses? Elles changent de largeur. De la vgtation? C'est bien rectiligne. Des Brouillards, des brumes? L'explication est difficile. Mais elle devient plus difficile encore lorsque nous voyons ces lignes nigmatiques se ddoubler en certaines saisons. Aucun phnomne terrestre ne peut nous mettre sur la voie de l'explication. Or voici que cette anne ce ne sont pas seulement les canaux qui ont t vus ddoubls, mais encore des lacs et des mers! Le lac du Soleil, par exemple, est une petite mer intrieure fort remarquable, situe l'intersection du 90e degr de longitude et du 25e degr de latitude australe (voy. fig. 1). Il mesure 17 degrs de longueur sur 14 de largeur, soit 1,020 kilomtres sur 840, c'est--dire que sa superficie est un peu suprieure celle de la France. Sa forme est presque circulaire, souvent allonge de l'ouest l'est. Eh bien, ce lac a t vu cette anne nettement spar en deux parties distinctes, comme par un banc de sable ou par un pont gigantesque (voy. fig. 4). On pourrait penser un instant que c'est peut-tre un nuage qui s'est pos dessus. Mais l'hypothse est insoutenable, parce qu'un nuage ainsi rectiligne, immobile et durable, serait dj un phnomne, ensuite parce que justement de chaque ct de la sparation on voit cette anne une sorte de prolongement du lac, et que le canal qui aboutit cette rgion est galement ddoubl, ainsi qu'un autre petit lac voisin auquel on a donn le nom de lac Tithonius. Il y a plus, ce grand lac du Soleil se montre souvent rattach une mer voisine et des eaux environnantes par trois affluents, dont deux en haut et gauche ont reu les noms d'Ambrosia et de Nectar. Or, cette anne, on n'a vu ni l'un ni l'autre de ces deux affluents, seulement le troisime, et l'on en distingue quatre autres, ce qui change toute la configuration de ce pays! Que l'on en juge, du reste, par les dessins que nous reproduisons ici. Afin que nos lecteurs puissent se rendre compte exactement des changements observs, nous mettons sous leurs yeux les cartes de ces rgions, d'aprs les meilleures observations, celles de M. Schiaparelli, directeur de l'Observatoire de Milan. Voici d'abord (fig. 1) l'tat de 1877. Le lac est circulaire, un affluent le rattache droite, au petit lac du Phnix, et un second affluent, plus large, mais plus ple, le relie en haut la mer australe. L'auteur a examin cette rgion avec un soin tout spcial, parce qu'elle diffrait dj sensiblement des dessins faits par Dawes, Lockyer et Kaiser en 1802 et 1804: le lac tait alors ovale, allong dans le sens est-ouest.. Au contraire, en 1877, il tait parfaitement circulaire, avec le bord lgrement ondul, et quelquefois mme il paraissait plutt allong dans le sens vertical. De plus, en 1802 et 1803, en voyait un large affluent relier gauche le lac l'Ocan voisin. Au lieu de cela, l'observateur milanais vit la place tout fait nette et dcouvrit en 1877 le petit cercle inscrit sous le nom de Fontaine du Nectar. PHNOMNES OBSERVS SUR LA PLANTE MARS Fig. 1.--Le Lac du Soleil en 1877. Fig. 2.--La mme rgion en 1879. Fig. 3.--La mme rgion en 1881. Fig. 4.--La mme rgion en 1890. Mars revient vers la Terre en 1879, et on l'observe de nouveau. Des changements vidents sont constats. L'affluent dont nous venons de parler, qui tait tou ......Buy Now (To Read More)

Product details

Ebook Number: 44696
Author: Various
Release Date: Jan 18, 2014
Format: eBook
Language: French

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