L'Illustration, No. 3255, 15 Juillet 1905

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L'Illustration, No. 3255, 15 Juillet 1905Ce numro contient quatre pages supplmentaires surles Ftes franco-anglaises de Brest. LE...
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L'Illustration, No. 3255, 15 Juillet 1905

Ce numro contient quatre pages supplmentaires surles Ftes franco-anglaises de Brest. LE "FARFADET" AU FOND DU LAC DE BIZERTE Les scaphandriers passant des chanes et des cbles sous la coque du sous-marin pour tenter de sauver les douze hommes emprisonns dans ce cercueil d'acier. (Voir l'article et les photographies, page 45) Les grandes actualits de cette semaine (Ftes franco-anglaises de Brest, Catastrophe du Farfadet, Rvolte et reddition du Kniaz-Potemkine) remplissent tout ce numro, augment pourtant de quatre pages supplmentaires. Nous sommes ainsi obligs de renvoyer la semaine prochaine la suite de l'amusant rcit de Voyage en Norvge qu'a crit pour L'Illustration M. Brieux, le clbre auteur dramatique. COURRIER DE PARIS JOURNAL D'UNE TRANGRE Chattanooga, Brooklyn, Galveston... Je revois ces noms, imprims en lettres d'or, au turban des calottes noires; et la vision me hante de ces grands garons aux faces rases, tout de noir vtus, avec leurs jambires kaki, leurs cartouchires, leurs gourdes en toile blanche et portant, au bout du fusil, la baonnette courte, trapue comme un poignard. Il y a de cela huit jours dj. Ils descendaient l'avenue des Champs-Elyses, lentement, autour d'un catafalque attel de six chevaux, joyeusement pavois et sur lequel s'amoncelaient des gerbes d'orchides et de roses. Ils promenaient sur la ville et sur les gens des yeux surpris. Nous tions leur spectacle; ils taient le ntre. Et, le soir mme, ils s'en allaient. Maintenant, ils naviguent et, depuis six jours, bercs dans leurs couchettes de cordes, ils rvent de Paris. Je ne les plains pas. Ils auront pass sur l'eau quinze jours et deux nuits en chemin de fer pour vivre une demi-journe dans Paris; mais, cette demi-journe-l, n'a-t-elle pas suffi leur faire goter l'essentiel des joies que Paris destine de grands enfants, venus de trs loin et ignorants de tout? Ce n'est point la vue de nos soixante-dix glises qui et pu les amuser beaucoup, ni celle de nos monuments; ni la visite de nos bibliothques et de nos muses; et dans nos thtres mme, je ne vois pas de spectacle qui et russi tenir veills longtemps ces enfants un peu barbares. Ils n'ont eu sous les yeux que des tableaux faciles, dont il est impossible qu'ils n'aient pas, du premier coup, compris la beaut; et mme ils n'ont pu se rassasier de cette beaut-l (ce qui est excellent), tant ils en ont joui vite... Ils ont vu de beaux uniformes; une belle caserne o deux repas savoureux leur ont t servis; ils ont march sans fatigue, dans un dcor d'apothose, le long de la plus belle avenue du monde; ils ont vu de jolies femmes leur sourire et cent mille hommes les acclamer et ils s'en sont alls (suprme chance) avant d'avoir eu le temps de lasser nos enthousiasmes. Ils sont partis--ans leur intrt et dans le ntre--comme on devrait toujours partir: un peu trop tt. Ainsi ils emportent en eux quelque chose de mieux que la satisfaction d'avoir vu Paris et de le connatre; ils emportent la vision confuse, instantane et comme ferique de sa grce. Cela suffit; et, pour des mes frustes, c'est bien la faon de voyager la meilleure. On m'a cont qu'il y a cinq ans un grand fabricant de savon de Manchester eut la fantaisie de montrer l'Exposition aux 2.000 ouvriers de ses usines. Fantaisie gnreuse, et surtout habile; ce sont l de beaux gestes, dont la notorit d'une marque bnficie... Un bateau spcial conduisait les touristes en France; deux trains spciaux les amenaient, de bon matin, au Champ de Mars. On leur y servit 4.000 oeufs la coque, des viandes froides, des confitures et du th; puis des tapissires les promenrent travers la Ville. A deux heures, retour au Trocadro, et lunch. Il leur restait voir l'Exposition, mais que leur importaient ces choses srieuses? Ils taient tus de fatigue; ils taient monts la tour Eiffel et avaient respir l'air de Paris; cela suffisait leur joie. Et, pendant tout l'aprs-midi de ce jour-l, on vit sur les bancs des jardins, sur le gazon des pelouses, dans les coins de toutes les galeries, des hommes et des femmes tendus, et dormant poings ferms: c'tait le personnel de la maison L... brothers and Co, de Manchester, qui visitait l'Exposition. A sept heures du soir, ils reprenaient le train la gare du Champ de Mars, chargs de paquets,--de bibelots bon march, de souvenirs de 1900 achets tous les kiosques;--ils dclaraient, me dit un Parisien qui surveilla leur embarquement, que cette journe tait la meilleure qu'ils eussent vcue... Les marins anglais qui nous rendent visite cette semaine ne goteront pas ces joies sommaires et profondes. C'est Brest qu'ils clbreront le 14 Juillet, et la faveur de voir Paris en fte n'a t accorde qu' leurs officiers. Accueil enthousiaste... L'entente cordiale n'est pas, ce que je vois, un vain mot, et voil les Parisiens devenus anglophiles, rsolument. Mon libraire lui-mme--que j'ai entendu plusieurs reprises s'exprimer en termes vifs sur la perfidie d'Albion--a fleuri sa devanture de deux petits trophes de drapeaux o se mlent les couleurs franaises et britanniques. Mais mon libraire est un philosophe qui sait, mme dans l'enthousiasme, rester lucide et ne s'abuse point sur la prcarit des sentiments humains. Il me disait tout l'heure: --Voyez pourtant, madame, combien on diffame ce peuple-ci, en affirmant qu'il n'est pas commode gouverner. Existe-t-il au monde, je vous le demande, de plus mallables mes que les ntres? Quelques diplomates s'assemblent, bavardent, rdigent de petites notes qu'une douzaine de journalistes commentent leur fantaisie; et suivant ce qu'on imprime--ou suivant ce que nous croyons que les choses qu'on imprime signifient--nous voil partis pour l'amour ou pour la haine. Moi-mme, qui suis un homme tranquille et ne lis qu'un journal par jour, je me suis senti secou, depuis quarante ans--chaque fois que j'ai voulu m'intresser aux choses de la politique trangre--par des sentiments dont vous ne souponnez pas la diversit et l'incohrence. J'ai tour tour bni et maudit tous les peuples autour de moi: l'Allemand, l'Espagnol, l'Autrichien, l'Italien, l'Anglais, le Russe... A l'gard de certains, j'ai su quelquefois de quoi ma mfiance ou mon antipathie taient faites. J'avais des griefs prcis. Mais, en gnral, vous l'avouerai-je? c'est plus simplement la faon des moutons de Panurge que mon coeur a march. Ainsi, je dtestais l'Angleterre depuis un temps infini; je ne sais pas exactement pourquoi et je ne serais pas moins embarrass de vous prciser les raisons de la sympathie violente et parfaitement sincre qu'elle m'inspire aujourd'hui. J'obis une consigne, voil tout; je suis un courant; j'abandonne mes nerfs la volont du journal que je lis, et je sens trs bien qu'il ne dpend que du gnie ou de la btise de ceux qui me gouvernent de me faire crier Vive ou A bas n'importe quoi. Tout cela n'est pas trs brillant. Ce qui me console, c'est de penser que, sur ces questions, il n'y a pas un Anglais, un Italien, un Russe, un Allemand dont la sensibilit ne soit expose aux mmes accidents que la mienne. La science a perfectionn nos armures; mais ce sont toujours des coeurs de gosses qui battent dessous. Il y a un homme Paris qui, depuis quelques jours, m'inspire une compassion trs profonde. Il s'appelle M. Dubief; il est ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et des Tlgraphes, et aura, en cette qualit, distribuer prochainement des croix aux Franais qui, l'an dernier, se signalrent l'Exposition de Saint-Louis. Or, M. Dubief nous fait savoir, par une note insre hier dans les journaux, qu'il ne disposera que de 200 croix, et que 2,000 personnes les lui demandent. M. le ministre, ds que la Chambre aura termin ses travaux, compte donc emporter ces 2.000 dossiers la campagne et les examiner lui-mme, un par un. C'est cela qu'il consacrera ses vacances. Il est beau de consacrer ses vacances, quand on est ministre, une tche dont on sait que le rsultat le plus sr sera de dsesprer ou de mettre de trs mauvaise humeur 1.800 personnes au moins sur 2.000. Voil de l'abngation. Il est vrai que, dans la Lgion d'honneur comme chez Phillis, on dsespre alors qu'on espre toujours, et que ceux qui montreront le poing M. Dubief tout l'heure auront oubli leur rancune dans six mois et, s'il est encore ministre, recommenceront de lui sourire. Car la Lgion d'honneur, en dpit de ses dtracteurs, n'a rien perdu de son prestige d'autrefois. On a multipli autour de l'Ordre d'autres ordres, invent des rubans violets, verts, jaunes ou bleus l'usage de ceux chez qui le ruban rouge se faisait trop attendre; on a essay de consoler, force d'accessits, ceux qui n'arrivaient point dcrocher le prix rv. Peine perdue. Rien de tout cela ne compte et il n'y a, pour les Franais, qu'une faon d'tre dcor... C'est, je crois, Philippe Gille qui, jadis, s'tait fait composer une rosette o se juxtaposaient harmonieusement les couleurs des dcorations diverses (franaises ou trangres) dont il tait nanti. On le nomma enfin chevalier de la Lgion d'honneur. --Eh bien, lui dit un ami, cela vous en fait une de plus? --Non, dit Gille. Cela m'en fait onze de moins. Sonia. NOTES ET IMPRESSIONS Qu'est-ce qu'une constitution? L'habit d'un peuple fait sur mesure. John Bodley. ** * L'histoire est aux peuples ce que la mmoire est aux individus, la condition de la personnalit. Flicien Challaye. ** * Il arrive un ge o l'on peut encore se faire des ennemis, faire encore des ingrats, mais o l'on ne se fait plus d'amis. Jules Claretie. ** * La franchise n'oblige pas dire tout ce qu'on pense, mais penser tout ce qu'on dit. Marie Adville. ** * Il est immoral de se laisser duper. E. Ptavel-Olliff. ** * En littrature, le secret pour n'tre pas banal est d'tre vrai. Em. Faguet. ** * Toujours entre deux dangers: une puissance tablie est une tyrannie en germe; un droit proclam, une rvolte en perspective. ** * L'idal de l'amiti est de jouir de la supriorit de son ami sans que notre vanit en revendique une part. G.-M. Valtour. Canot vapeur du Kniaz-Potemkine remorquant un navire charbonnier captur pour rapprovisionner les soutes du cuirass. LA REVOLTE DU "KNIAZ-POTEMKINE" ET LES MEUTES D'ODESSA] Effet du premier obus lanc par le Kniaz-Potemkine, le 29 juin, sur une maison de la rue Niejinskaa. Six jours aprs le tir du Kniaz-Potemkine: la brche de la maison de la rue Niejinskaa est rpare. L'Illustration, qui a publi la semaine dernire la seule photographie authentique du Kniaz-Potemkine, met cette semaine sous les yeux de ses lecteurs le dossier photographique complet de cette extraordinaire aventure qui a ensanglant Odessa, rpandu la terreur dans tous les ports de la mer Noire et la stupfaction dans le monde entier. Cet ensemble de documents a t runi Odessa et Constantza par notre envoy spcial, M. Gustave Babin, avec l'aide de nos divers correspondants-photographes dans la Russie du Sud et en Roumanie. L'envoi de notre collaborateur tait accompagn de la lettre suivante: Odessa, 23 juin au 6 juillet. Je ne tremblerai plus quand on nous menacera de l'tat de sige. Je n'aurai plus nulle angoisse en abordant les remparts d'une ville momentanment humilie sous ce rgime d'exception. A Odessa, du moins, il est mieux que supportable. Incarn sous les traits du gnral Karangosof, il apparat, mme, aimable. Je sais bien qu'il y a quelques jours seulement--quelques nuits surtout--ce fut autrement terrifiant. Pour le moment, c'est charmant. Brche d'entre dans la faade Brche de sortie dans la muraille postrieure. Maison du faubourg Bougaefka, Odessa, traverse par le second obus du "Kniaz-Potemkine", le 29 juin. Le Kniaz-Potemkine mouill prsdu phare. Et d'abord, la frontire, je n'ai point reconnu notre Sainte Russie. La douane comme la gendarmerie de Voloschik furent, pour notre train, la courtoisie mme. Un blond et charmant lieutenant faisait l fonctions de censeur littraire. Comme un fait exprs, il y avait dans ce convoi deux ou trois tudiants et autant, je crois, d'hommes de lettres, avec des malles bourres de bouquins. On les apportait par piles sur une table et, d'un index point du tout nerveux, le lieutenant les feuilletait, y laissait tomber un oeil calme jusqu' l'indiffrence et les rejetait les uns sur les autres avec un trs visible et lgant ddain pour la parole imprime. Et, si je n'avais rencontr au buffet. plore, devant son caf, une pauvre cigale montmartroise qui, exile dans un caf-concert d'Odessa, avait pris la fuite aux premires balles, par le premier train, en oubliant son passe-port, et qu'on retenait l jusqu' ce que cette pice administrative arrivt, en vrit, j'aurais cru entrer tout bonnement en Allemagne. Oui, mais il y avait, 513 verstes de l, Odessa fumant, Odessa oppresse par l'tat de sige et sous la menace des canons du Prince-Potemkine-Taurique. On en prouvait dj comme un vague serrement de coeur. Le Georgi-Pobiedonostzef ensabl dans le port, aprs sa soumission. A la dernire station, les soldats sont camps sous des tentes blanches, trs basses; les uns jouent, d'autres font la lessive. Plus prs, aux larges portes des usines, d'autres soldats veillent, en tenue d't, vestes et casquettes blanches, l'arme au poing, contre l'intrusion possible d'meutiers et de grvistes. Et l'motion se corse un peu. Cependant, voici Odessa, une belle et spacieuse gare, toute neuve, toute blanche, des rues interminables, coupes et recoupes en querre, et dont les lointaines extrmits se noient, confuses, dans la blonde vapeur d'un jour d't timide. Les gens vont, viennent, point presss; des femmes lgantes passent, balanant de claires ombrelles; les izvostchik filent rapides sur le pav qui rverbre une temprature de fonderie en pleine chauffe. Nulle apparence de trouble et de proccupation. Mais il faudrait causer avec Le gnral Karangosof, gouverneur d'Odessa.Phot. A. Gornstein. l'un de ces passants placides pour avoir dans quelles affres ils viennent de vivre. Ce n'est que les jours suivants, aprs bien des conversations, aprs, surtout, une excursion travers les quais ravags du port, parmi les ruines de l'incendie, les traces videntes du pillage, de l'orgie sans nom, sur les mles o le pied crase des balles par milliers, c'est alors seulement que nous aurons la vision confuse, mais effroyable, du drame inou dont le souvenir hante encore comme un cauchemar les cervelles les moins impressionnables... Vous devez connatre aussi bien que nous, dsormais, toutes les pripties de la sanglante tragdie. Qui sait? mieux que nous, peut-tre, car il demeure encore dans toute cette aventure, pour les gens d'ici, quelque chose de mystrieux. Aussi, je n'ose entreprendre encore de vous expliquer l'inexplicable: l'apparition de la flotte de la mer Noire devant Odessa pour capturer le Kniaz-Potemkine rvolt, la mutinerie du Georgi-Pobiedonostzef, la retraite de l'amiral Krieger, son retour aprs le dpart du Potemkine et la soumission du Pobiedonostzef, etc., etc. De tout cela, on ne sait ici que ce que l'on a aperu, ou cru apercevoir, des fentres ayant vue sur la mer. Chacun interprtant sa faon, suivant la porte de sa lorgnette et l'excellence de ses yeux, toutes ces manoeuvres, s'est form sa petite version bien lui et qui n'a que quelques points de ressemblance avec la version du voisin. Quand on a convers seulement avec dix personnes et recueilli leurs dix avis autoriss, on est perdu, gar, ahuri. Mais, dfaut du drame qui s'est droul sur la mer et que j'espre bien tre mme de vous conter un peu plus tard, vous connatrez du moins le drame qui a eu la ville d'Odessa pour thtre. Les troupes sur la place de la Cathdrale. L'escadre de la mer Noire devant Odessa,le 5 juillet. Depuis des semaines, Odessa tait trouble par des grves trop justifies, parat-il, au dire mme des gens les plus modrs. Pourtant, aucun dsordre grave ne s'tait manifest. Le lundi 26 juin, les premires collisions se produisaient entre les ouvriers et la troupe. Le lendemain, l'effervescence s'accroissait encore. Ce fut sur ces entrefaites que, le mercredi, le Kniaz-Potemkine amena et dbarqua sur le nouveau mle le corps du matelot Omeltchouk. A la nuit tombante commenait le pillage du port; bientt aprs, l'incendie. Amas de bouteilles, ttes blanches et ttes rouges, sur les quais du port. Photographie qui passe, Odessa, pour tre celle du Kniaz-Potemkine bombardant la ville, et qui reprsente, en ralit, un navire du type Georgi-Pobiedonostzef, tirant des salves pendant une visite officielle. Au crpuscule, une populace innommable se ruait vers la mer, forait les entrepts, enfonait les bureaux, ventrait les coffres-forts, volait, razziait, de l'alcool d'abord, tout ce qu'elle trouvait d'alcool. Une orgie indescriptible commenait tandis que les pillards pratiques organisaient par la ville, avec le butin ainsi conquis, un fructueux petit commerce. Dans la soire, on avait, pour 10 kopecks, une bouteille d'excellent madre ou de porto de derrire les fagots. Le vodki coulait partout, il faut avoir vu, sur le port, les amoncellements de ces petites bouteilles claires de la rgie des alcools--les ttes blanches et les ttes rouges, comme les appelle le peuple, d'aprs la couleur de leur cachet--pour s'imaginer ce que purent tre ces saturnales. A la nuit close, lanc du Potemkine, un vrai signal d'exercice, que certains yeux devaient guetter au ciel, jaillit parmi les toiles. Et, d'un seul coup, comme un cinquime acte d'opra, le brasier s'alluma. Au nouveau mle, o avait repos tout le jour le cadavre d'Omeltchouk, une forte odeur de ptrole flotta dans l'air: les prcautions taient prises d'avance et, entre deux rasades de vodki, les sinistres travailleurs abattus dans l'aprs-midi sur le port avaient bien employ leur temps. Renouvelant les exploits des soeurs de France, des femmes allaient, couraient, portant de lourds bidons: Odessa eut, tout comme jadis Paris, des ptroleuses! L'incendie, dans ces conditions, se dveloppa en un clin d'oil. Un des projecteurs lectriques du Potemkine promenait dans la nuit limpide son blme faisceau, se posait un moment sur un point, o la flamme rouge aussitt s'allumait, comme au contact de cette froide et puissante lumire; la lueur lectrique traait alors sur l'horizon un ou deux cercles, s'parpillait un moment sur le ciel pur, glissait sur la mer calme et s'arrtait encore sur un btiment, un dock, un bureau, qui flambait son tour. Le viaduc de bois de la ligne des quais, qui s'embrasa, formait en avant du tout comme une digue de feu. Vue de la place du Sobor (cathdrale d'Odessa), occupe par la troupe, pendant l'tat de sige.--Des ouvriers couvreurs travaillent, malgr les vnements, sur les toits de l'glise.--Phot. Byelozerkovsek. Plan d'Odessa et carte de la mer Noire avec l'itinraire du Kniaz-Potemkine. Le Kniaz-Potemkine-Tauritchesski Constantza. Par bonheur pour le reste de la ville, il n'y avait pas un souffle d'air. Les flammes montaient droites, comme dans un tre, et les flammches planaient longtemps avant de redescendre, lentes comme les tincelles d'un bouquet d'artifice dans une fte d't. Sur les bassins, o l'on avait jet des barils vides, on rpandit du ptrole. Les navires, leur tour, s'embrasrent en crpitant! Des cris de joie, des chants d'ivrognes--couvrant peut-tre des hurlements--traversaient le ronflement sourd de l'incendie. Et qui dira quels drames dignes de l'enfer durent se drouler dans cette fournaise! Combien des buveurs de l'aprs-midi, surpris dans le premier sommeil, demi tus dj par l'alcool, furent surpris par l'incendie et dvors! Combien s'taient endormis stupides, sur le pav tide et ne se rveillrent pas! Agence de la Compagnie maritime Rossiiskaa aprs l'meute. Wagons brls sur lesquels sont tombs les rails de la voie arienne. Vue gnrale du port prise du haut du grand escalier au moment o les docks du nouveau mle commenaient flamber. (Au milieu du bassin de droite: le cuirass Georges-Pobiedonostzef, qui s'est mutin, puis soumis.) De gauche droite: les vapeurs Platon, Serge (coul et dont on ne voit que les chemines) et Catherine. Dbarcadres des lignes de Nicolaief et de Kherson et leurs hangars finissant de brler. Tronon de la voie ferre arienne qui servait amener le bl dans les bateaux-transports. Hangars de la Compagnie des chemins de fer incendis et laissant des tas de sel dcouvert. LE PILLAGE ET L'INCENDIE DU PORT D'ODESSA(Photographies G. Babin, D. Pouditchef, J. Belozerkovsky, etc.) Une des constructions en briques sur lesquelles passait la voie terre desservant les quais et les mles. Le pont du vapeur Pierre, de la Compagnie Rossiiskaa, aprs l'incendie allum par les meutiers. Aspect d'un entrept saccag et incendi. Les pompiers combattant le feu dans un magasin des chemins de fer du port. LE PILLAGE ET L'INCENDIE DU PORT D'ODESSA (Photographies C. Babin. D. Pouditchef, J. Belozerkovsky, etc.) (Agrandissement)LE CORPS DU MATELOT OMELTCHOUK EXPOS,LE 28 JUIN, SUR LE NOUVEAU MOLE D'ODESSAD'aprs des photographies et un croquis d'une rigoureuse prcision communiqus notre envoy spcial.] On dansait, dit-on, cette heure-l, sur le Potemkine!... Pourtant, il allait y avoir la rpression, la terrifiante, la ncessaire rpression. Elle mit le comble l'abomination. Pour se bien rendre compte de ce qui se passa, il faut connatre un peu la topographie des lieux. Du boulevard Nicolas, belle esplanade qui rappelle le cours d'Ajot, Brest, on domine tout le port, enserr par une ceinture de pentes rapides ou de murailles pic et o l'on n'accde que par un bel escalier monumental, partant du pied de la statue du duc de Richelieu --gouverneur de la ville pendant l'migration et depuis ministre de Louis XVIII--par un ou deux autres escaliers moins importants et par un petit nombre de rues assez raides. Rien n'est donc plus facile bloquer que cette enceinte, cette sorte de fosse oblongue. On la bloqua. Toutes les issues en furent barres par des troupes. Et la fusillade commena vers une heure du matin. Un coffre-fort retrouv dans les dcombres des bureaux de la Compagnie Rossiiskaa. Non pas, dit-on, tout de suite sur les fauteurs d'meute. Au premier commandement, beaucoup de fusils partirent en l'air. Mais les assigs ripostrent, et ce fut effroyable. Les soldats, comme on dit, dfendirent leur peau. Et avec quelle frnsie! Ce qu'il a pu tre tir de balles est inimaginable. Il est des endroits, aujourd'hui encore, sur les mles et les quais, o on les ramasse poignes. Quiconque tentait de fuir tait reu par des feux de salve. Les cosaques, les farouches cosaques, furent leur tour de la partie. Et on les avait munis de mitrailleuses qui crachaient la mort sans discontinuer avec un bruit de rouet. De temps autre, des charges, bride abattue, avec les terribles nagakas cinglant la vole, repoussaient les fuyards vers le brasier ardent ou poursuivaient ceux qui semblaient sur le point de s'chapper. Ce fut atroce. Ceux qui, de loin, ont pu entr'apercevoir ces scnes dantesques, frmissent encore en vous les racontant et il est tels dtails que la plume se refuserait crire. Cela gala en horreur les massacres les plus tristement fameux. Et qui saura jamais combien de personnes prirent cette nuit-l! La flamme dut supprimer bien des cadavres. Quant aux gens du Potemkine, ils ne firent rien pour essayer de dfendre leurs amis. Que pouvaient-ils? Ils gardaient leur poudre pour le lendemain--et encore, il faut bien leur rendre cette justice, ne la gaspillrent-ils pas. Ici, on ne sait pas exactement ce qui s'est pass ce second jour. Quand l'quipage rebelle eut obtenu l'autorisation de donner Omeltchouk une autre spulture que celle des marins--escomptant peut-tre quelque mouvement--un groupe de matelots descendit terre pour conduire le camarade sa dernire demeure. Mais il fut bien spcifi que, si on les inquitait, si on portait la main sur un seul d'entre eux, si, enfin, ils n'taient pas de retour bord une certaine heure, le navire bombarderait la ville. Les funrailles se droulrent sans incident. Toutefois, elles se prolongrent, et les marins demeurs sur le navire s'impatientrent. Ils le firent connatre vers 7 heures 1/2, par un premier coup de canon tir blanc, puis par un second. Et, comme on ne leur rpondait par aucun signal, ils lancrent deux obus, l'un dirig sur le Sobor, sur la cathdrale aux toits d'azur violent, l'autre sur le dpt des poudres, au faubourg Bougaefka. Tous deux, assez bien points, cependant, manqurent le but prcis. Le premier dmolit, 100 mtres du Sobor, la corniche d'une maison de la rue Niejinskaa et vint s'abmer sur le pav devant la maison du consul gnral d'Italie; l'autre traversa de part en part, sans clater, le dernier tage d'un immeuble de Bougaefka. C'taient vraisemblablement, en juger par le peu d'importance des dgts qu'ils ont fait, deux obus d'exercice peu chargs. Bien vite, on envoya du port au cuirass le signal que les matelots rentraient bord. La nuit qui suivit fut plus impressionnante presque que celle de la veille. Ce fut la nuit noire. Sur cette ville sans lumire, car le gouverneur avait fait couper les fils lectriques, une terreur indicible plana. Tandis que la plupart des habitants demeuraient tapis chez eux, improvisaient des dortoirs dans les caves, n'osaient faire un pas dehors, dans l'obscurit, tremblaient au moindre bruit, d'autres, perdus, fuyaient vers la gare. Quelles scnes il y aurait dcrire, shakespeariennes et o le burlesque se heurtait chaque instant au tragique! Des malins achetaient par lots des billets aux guichets, prenant tout, sans s'occuper de la destination, moins du prix. D'aucuns ralisrent, cette nuit-l et le lendemain, de superbes bnfices. On cite un quidam, habitu des sleeping-cars les plus capitonns, qui donna 1.000 roubles d'un simple billet de seconde classe qui n'en avait pas cot cinq! De ces affols soudoyrent prix d'or les employs de la gare et des trains pour pouvoir monter sans billet dans le convoi en partance, s'arrtrent une ou deux stations... et rentrrent le lendemain Odessa par le premier train. En deux jours, 30.000 personnes quittrent ainsi la ville! On commence peine se remettre de cette alerte, et qui sait quelles inquitudes hantent encore, la nuit venue, ce bourgeois qui s'en va, pas compts, ses affaires, ce commerant qui rvasse au seuil de sa boutique? Tant que le diable de Potemkine ne sera pas arrt, captur, mouill son coffre, Sbastopol, on tremblera encore. Cependant, les troupes de renfort ont t retires d'ici ou peu prs. Le campement tabli prs du Sobor se dpeuple de jour en jour. On dblaye le port; des trains entiers de dcombres partent d'heure en heure. Une arme de pauvres diables cherchent leur vie au milieu de ces dtritus sans forme, o se mlent les matires les plus diverses. Tout naturellement ma premire proccupation professionnelle fut d'aller un peu voir de ce ct. Vous pensez si l'on chercha m'en dissuader. A s'aventurer seulement avec un kodak en bandoulire, on risquait sa tte!... Pure exagration de Mridionaux. Nanti d'une autorisation que me dlivra le capitaine Viasmitinof, aide de camp du nouveau gouverneur, le gnral Karangosof (tous deux d'une parfaite urbanit), j'ai pu parcourir tout loisir les dcombres amoncels, les btiments ruins. Au premier plan, ds qu'on arrive sur le port par l'escalier monumental, il faut traverser les ruines du viaduc qui portait la ligne ferre. Les ruines!... Cela se rduit sur cinq cents mtres, des piles de maonnerie espaces d'o retombent les rails affaisss comme des rubans, car toute la construction en bois a disparu. La petite gare est encore debout et dresse assez crnement, ciel ouvert, ses murs calcins. Mais, au loin, de longues rames de wagons brls et dont demeurent seulement les btis de mtal encombrent la voie infrieure sur le quai. De la maison qui abritait les bureaux de la direction du port, il ne reste que les murailles. Tout prs, en face, c'est le nouveau mle, sparant le port au Charbon du Nouveau Port. La partie centrale, sur toute la longueur, en tait occupe par des hangars appartenant soit la Compagnie Rossia (ou Rossiiskaa), soit la Compagnie Koshkim. Mais gondols, ventrs par places, leurs cloisons et leurs toitures de tle tordues, boursouffles, ils sont dmolir en entier et, ds qu'on aura noy les dcombres qui fument encore, on va s'y employer. A gauche du mle, deux navires consums talent leurs coques cailles, rouilles dj, souilles de longues coules de coaltar ou de pourriture, tous leurs ponts dtruits, leurs fines et jolies membrures toutes dformes: quai, le Piotr (le Pierre) de la Compagnie Rossia, dont le pavillon flotte encore, souill de fume, mais pargn par la flamme; ct, l'trave terre, l'Iekaterina (la Catherine), et, prs d'elle, sabord sans doute et coul, le Serguief. Vous pouvez aller de bassin en bassin, ce sera tout le long la mme dsolation, les mmes ruines et vous venez d'avoir un rsum du spectacle qui va se renouveler sur un kilomtre et demi peut-tre de longueur: toitures croules, murs de briques chancelants, coques vides, rouges et lpreuses d'avoir t lches par la flamme. Et puis des tas informes de dbris, goudrons fondus, caisses brles, cafs demi calcins, sucres gluants, noirs, dgageant d'acres odeurs, amas d'o montent de nausabondes vapeurs. Et, de-ci de-l, des amoncellements invraisemblables de bout ......Buy Now (To Read More)

Product details

Ebook Number: 35482
Author: Various
Release Date: Mar 4, 2011
Format: eBook
Language: French

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