L'Illustration, No. 3256, 22 Juillet 1905

L'Illustration, No. 3256, 22 Juillet 1905 LE "FARFADET" DANS LE BASSIN DE SIDI-ABDALLAH La recherche des corps...
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LE "FARFADET" DANS LE BASSIN DE SIDI-ABDALLAH La recherche des corps des victimes, d'aprs un croquis pris dans la nuit du 15 au 16 juillet. Voir l'article, page 68. COURRIER DE PARIS Journal d'une trangre Ce drame du Farfadet n'aura pas t pour nous qu'un affreux cauchemar de deux semaines: il laissera, ce me semble, dans l'esprit des braves gens qui rflchissent, le souvenir d'une trs douloureuse leon... Vraiment notre science a d'tranges lacunes et nous sommes un peu trop fiers, peut-tre, des victoires qu'elle nous aide remporter, et l, sur la vie. Elle a ralis, cette pauvre science, des tours de force dont la vue nous stupfie; et c'est piti de voir clater tout coup son impuissance en face de problmes dont il semblait que la solution ne dt tre qu'un jeu pour elle... Nous avons fait de la vapeur et de l'lectricit nos esclaves, trouv des remdes gniaux aux maux humains; nous avons invent le tlphone, le cinmatographe et la tlgraphie sans fil; nous saurons demain, peut-tre, diriger un arostat dans la tempte; nous photographions l'invisible; nous creusons sous les montagnes des tunnels de dix lieues et nous nous entre-tuons, sans nous voir, quinze kilomtres de distance. Tout cela est beau. Mais qu'une embarcation, large comme un bateau de pche et o quinze hommes peine peuvent tenir, glisse au fond de l'eau, dans un peu de boue, et voil notre gnie dsarm. La mer est calme comme un lac; cinq cents mtres du bateau disparu, un arsenal offre aux naufrags le secours d'un outillage formidable; on s'empresse, on met en oeuvre toutes les comptences, tous les courages; et, pendant ce temps, quatorze cratures humaines, qu'on ne peut sauver, agonisent, meurent de faim, de soif, d'asphyxie. Il faut travailler huit jours pour amener fleur d'eau cette coquille de noix. Huit jours... A peu prs, je crois, le temps qu'on met aujourd'hui pour aller du Havre Chicago!... ... A l'occasion du 14 Juillet, quelques anciens soldats viennent d'tre dcors de la mdaille militaire. J'ai lu dans les journaux la liste de leurs noms. Ils sont quatorze. La plupart d'entre eux sont des combattants de 1870 qui ont attendu pendant trente-cinq ans que le gouvernement daignt s'intresser eux, reconnatre leurs services et les rcompenser. Encore ceux-l n'ont-ils pas trop sujet de se plaindre; ce sont les favoriss, sur qui la Rpublique avait l'oeil. A ct de ces chanards, j'en rencontre deux, en effet--nomms Caseneuve et Marchand--qui, simples soldats, furent retraits pour blessures reues au sige de Sbastopol, en juillet 1855. Ce sont aujourd'hui de pauvres vieux. Depuis cinquante ans, silencieusement, ils guettaient la rcompense espre; elle n'arrivait pas vite; ces troupiers n'avaient sans doute ni snateurs ni dputs dans leurs familles. Caseneuve et Marchand donnent un bel exemple de patience la jeunesse. Ils sont la preuve que tout arrive, mme les choses qu'on a fini de dsirer. Mais comment ces aventures comiques sont-elles possibles? L'tat n'ignorait ni l'existence ni les titres de Caseneuve et de Marchand, puisque, depuis un demi-sicle, il les pensionnait. Qu'attendait-il, au juste, pour ajouter son aumne la gloire d'un petit bout de ruban? On m'a racont que l'ancienne chanteuse Scriwaneck, ayant appris que sa photographie avait t trouve, en 1870, dans la poche d'un soldat mortellement bless, s'tait crie: Pauvre enfant... Si j'avais su! A l'gard des deux mutils de Sbastopol, la grande Chancellerie ne pouvait invoquer ce genre d'excuse. Il y a cinquante ans qu'elle savait... Une baraque la fte de Montmartre. Mieux qu'une baraque: un vrai thtre, tout fleuri de lampes lectriques. C'est fte. Il est onze heures du matin et l'on distribue aux petits forains leurs prix de l'anne, car les petits forains ont une cole (dmontable) et deux institutrices, aussi nomades qu'eux-mmes, qui les accompagnent dans leurs dplacements. Je passais l. Cette illumination, en plein jour, d'une baraque de foire et le bruit de l'orchestre invisible m'intriguaient. J'ai demand voir. Le plus obligeamment du monde, un colosse en habit noir et cravat de blanc m'a conduite dans la salle et fait asseoir prs d'une table o s'empilaient des livres rouges tranches dores et des couronnes en papier peint. Derrire cette table, des messieurs mine grave et trs bien mis taient assembls. Mon voisin me les nomma: c'taient un dompteur clbre, un athlte, un tenancier de mange de chevaux de bois, le directeur du thtre o se donnait la crmonie et quelques autres patrons du lieu. Les mamans, souriantes, avaient revtu leurs plus fraches toilettes (quelques-unes me semblrent presque lgantes) et la tenue de ces coliers et de ces colires--petites robes et complets de bonne coupe, coiffures coquettes, petites mains gantes de fil blanc--donnait une impression d'aisance heureuse, de confort. Des personnages officiels prsidaient la fte: un conseiller municipal, un inspecteur d'acadmie. Ils parlrent. Les trompes des automobiles, le trot des chevaux sur l'asphalte et surtout le roulement ininterrompu des tramways de Trocadro-la-Villette dchanaient autour de nous une cacophonie, un vacarme de tonnerre et de ferraille remue contre quoi les quatre cloisons de toile peinte de la baraque dfendaient mal nos oreilles. Aussi entendait-on peu les orateurs. Je compris cependant qu'ils exhortaient ces enfants l'accomplissement de leurs devoirs sociaux et rendaient hommage l'utilit des professions artistiques o se distinguaient leurs parents. On les acclama. Des vers de M. Franois Coppe furent dits; je ne sais quelle romance de Beethoven fut chante par un violon; on distribua des livrets de caisse d'pargne aux laurats les plus brillants; la Marseillaise fut joue. Les forains eux-mmes deviennent des rguliers, et le saltimbanque, en s'enrichissant, s'embourgeoise. Sur le boulevard, entre deux roulottes toutes neuves dont les portes d'entre se faisaient face, une jeune femme, d'excellente mine, apprtait le djeuner. Dans l'une des voitures, les fourneaux bien astiqus o fumait un odorant fricot; le couvert dress sur une nappe blanche; dans l'autre, un mobilier presque cossu de petit salon bourgeois; un piano, des vases pleins de fleurs et, tout au fond, le lit de cuivre de la chambre coucher tendue de cretonne claire. Je demandai la jeune femme: Combien cela cote-t-il, une roulotte? Elle eut un sourire modeste: --Je ne sais pas, me dit-elle, je suis la bonne. Un clou chasse l'autre... et l'tranger continue de dfiler dans Paris. A peine l'Angleterre, aprs l'Amrique, a-t-elle pli bagage, que la Perse survient et s'installe. Nasr-ed-Din, le souverain d'hier tait, me dit-on, un fervent ami des Franais; Mouzaffer-ed-Din est galement leur ami, ses fils le seront; ses petits-fils aussi. Etranges amis, dont l'me nous demeure obstinment mystrieuse et close... Qui sont ces gens? Notre civilisation les attire, et cependant ils ont peur d'elle. Ils boivent nos eaux minrales et notre cuisine leur semble louche. On m'a cont qu'il y a seize ans Nasr-ed-Din consentit venir djeuner au premier tage de la tour Eiffel; mais qu' la vue de l'ascenseur qui devait le mener au sommet, il fut pris d'une peur folle et s'enfuit pied, suivi de son escorte ahurie, jusqu' la voiture qui l'attendait l'entre du Champ de Mars. A la vitesse de six lieues l'heure Mouzaffer-ed-Din consent voyager en chemin de fer; au del, il s'effare, perd la tte, menace de tirer la sonnette d'alarme. On le dit brave homme: mais ce brave homme entend ne nous rien laisser connatre de ses affaires et, l-dessus, ses ministres demeurent aussi ferms que lui. Ils ont raison. Nous sommes encore trs loigns de l'me persane, ainsi que le prouve cette anecdote: Le chah de Perse tait accompagn, Paris, l'an dernier, d'un ministre nomm Mahmoud Khan qui ne figure point cette anne dans sa suite. --Qu'est devenu Mahmoud Khan? demandait hier un journaliste de mes amis l'un des fonctionnaires de l'entourage de Sa Majest. --Il est mort, monsieur. --Le pauvre homme! Il tait jeune, pourtant, et semblait jouir d'une sant admirable. --Admirable, en effet. --Il a t malade longtemps? --Non, monsieur. Il n'a pas t malade du tout. Il est mort d'une faon subite. --Comment cela? Le fonctionnaire, d'un air embarrass: --Il n'tait pas sympathique au grand vizir. Sonia. M. VILLAVERDE M. Villaverde, qui nagure encore, au moment du voyage d'Alphonse XIII en France, occupait la prsidence du conseil des ministres d'Espagne, est mort, le 15 juillet, l'ge de cinquante-cinq ans, succombant une congestion crbrale. Avocat rput, aprs avoir commenc sa carrire publique comme sous-secrtaire au ministre des Finances, il tait devenu prfet de Madrid. Il eut, ensuite, les portefeuilles de la Justice et de l'Intrieur; puis il fonda, avec M. Silvela, la fraction des conservateurs indpendants, distincte du vieux parti catholique. Trs comptent en matire financire, il avait pris pour la premire fois le portefeuille des Finances au lendemain de la guerre qui aboutit la perte de Cuba. On le retrouvait au mme poste en 1903 et enfin au mois de janvier 1905, poque o il succdait au gnral Azcarraga, en qualit de prsident du conseil. Le mois dernier, il quittait le pouvoir, renvers par une coalition de libraux et de conservateurs. M. Villaverde avait donn des gages de sympathie pour la France. Ses compatriotes lui savaient gr d'avoir appliqu ses aptitudes spciales la rforme des abus et au relvement du crdit national; aussi sa mort a-t-elle t vivement ressentie en Espagne. Nous publions ci-aprs la suite de l'enqute illustre de notre collaborateur Gustave Babin sur l'extraordinaire aventure du "Kniaz-Potemkine"; nous reprendrons, la semaine prochaine, la publication de l'intressant rcit du "Voyage en Norvge", crit pour L'Illustration par M. Brieux. La premire apparition du Kniaz-Potemkine devant Constantza...--Phot. Besanon. LA VRITABLE AVENTURE DU "KNIAZ-POTEMKINE" Constantza, 12 juillet. Voici le thtre o s'est droul le dernier acte d'un drame qui passionna les deux mondes et qui pouvait plus mal finir: Constantza, aujourd'hui encore une toute petite ville maritime, qu'aperoivent de la portire de leur sleeping les voyageurs de l'Orient-Express en route vers Constantinople; demain, quand les travaux formidables qu'on y excute vont tre achevs, un beau grand port, pourvu d'un matriel moderne, et rival d'Odessa peut-tre. Cette ville est souriante, gentillette, au bord d'une vraie mer d'Orient, d'un bleu tendre, ride peine et tout inonde d'clatante lumire. Dans les rues, quelques matelots, blancs et nets comme s'ils sortaient de leur coffre, avec de grands cols bleus, coquettement empess et, et l, des officiers, trs lgants sous une tunique gris-tourterelle fort seyante, et aimables, empresss... comme de vrais marins franais. Car Constantza est le port militaire de la Roumanie et, l'abri de ses jetes, sont mouills le croiseur Elisabeta, la longue flamme de guerre pendant inerte son mt, et les deux torpilleurs Zmeul et Naluca,--toute la flotte roumaine, que d'aucuns avaient espr voir s'augmenter d'une unit assez inattendue, le Prince-Potemkine-de-Tauride. Constantza, on se le rappelle, fut le premier port que visita le Potemkine son dpart d'Odessa. Il venait y demander des vivres qu'on eut le regret de devoir lui refuser. On le fit dans des formes adoucies, car le Roumain est accueillant, charitable et peut-tre, au fond, pas anim d'une sympathie outre pour la Russie. C'est Constantza qu'il est revenu achever son inglorieuse odysse. D'ailleurs, nombre d'entre ceux qui montaient le Potemkine taient des Roumains,--des Roumains de cette Bessarabie que la Russie s'arrogea et vers laquelle la Roumanie entire jette encore des yeux chargs de regrets. Aussi se sont-ils aussitt sentis chez eux, sur cette terre. C'est l'un d'eux, prcisment que j'interrogeais, tout l'heure, par l'intermdiaire obligeant de M. le lieutenant de vaisseau Gavrilesco Feodor Pogarneatz tait sergent-major de signaux. Exactement, il commandait les tambours du Potemkine, et ce fut lui, on peut le dire, qui donna les trois coups, au commencement du drame. Les marins rvolts sur le pont du Kniaz-Potemkine.--Photographie prise par M. A. Forst dans le port de Thodosie le 5 juillet. Feodor Pogarneatz. Le rcit que j'ai recueilli de sa bouche me parat intressant reproduire parce qu'il enterre dfinitivement la lgende du Potemkine, telle du moins que nous la concevions. Tout d'abord, le matelot dont la mort dchana cette rbellion ne s'appelait pas Omeltchouk. Il se nommait Vakoulemtchouk, mais son camarade ignore son prnom. Je l'ai recueilli Odessa: Grgor. Le Potemkine, qui n'avait pas encore effectu ses essais d'artillerie, tait parti le 12-25 juin de Sbastopol pour Tendra, prs d'Odessa, o il allait y procder. Le 13, on tait Tendra d'o l'on envoyait Odessa, pour y faire des vivres, un torpilleur. Tout tait parfaitement tranquille sur le Potemkine, en apparence du moins, car depuis longtemps un comit fonctionnait bord--comme d'ailleurs, sur tous les navires de la mer Noire et dans toutes les casernes de la marine Sbastopol--comit dont le sergent lectricien Athanase Matuschenko (un second matre, dirions-nous en France) tait l'me et qui prparait un coup de sa faon. Mais on tait nullement press d'agir. Mieux, mme, on n'tait pas prt. On avait choisi une autre heure, plus tardive. Dans la nuit du 13 au 14, le torpilleur envoy aux vivres rejoignait le Potemkine Tendra. Au lever, les matelots, en montant sur le pont, virent la viande qu'il rapportait, suspendue des crochets, au grand air. Elle dgageait une telle puanteur qu'on avait d laisser l, en plein air, tout ce qu'on n'utilisait pas pour le djeuner. Il y eut, au gaillard d'avant, des rflexions, des murmures. On se concerta... A l'heure de la soupe, bien peu de matelots descendirent. Le commandant Golickof fut avis de l'incident. Il le prit assez mal. La viande fut soumise par lui l'examen du docteur Smirnof, mdecin en chef du navire, qui, bien sr de ne pas dplaire l'autorit, donna tort aux matelots. Alors, le commandant donna l'ordre de runir sur le pont tout l'quipage. Une batterie des tambours de Pogarneatz retentit. Les matelots s'alignrent en silence l'arrire. Tous les officiers de service et le mdecin taient prsents. --Il parat, dit le commandant Golickof, que certains d'entre vous ne sont pas contents de la nourriture du bord et protestent. Tant pis pour eux. La viande est excellente et le docteur l'affirme. Mais, comme je veux connatre les mauvaises ttes, que ceux qui veulent bien manger passent ici,--et il dsignait l'espace libre sur le pont, derrire lui. --Que les autres restent l,--devant lui. Tout l'quipage, peu prs, dfila devant le commandant, sans murmures, et vint se ranger o il avait dit. Demeur en face d'une trentaine d'hommes qui hsitaient, il arrta le dfil et fit sonner la garde: dix-huit marins en armes arrivrent et entourrent les mcontents. Le commandant avait perdu tout sang-froid: il commanda de fusiller sur l'heure les mutins. La garde obit au commandement de charger les armes, mais ne fit plus un mouvement au cri de: Feu! L'tat-major et l'quipage du "Kniaz-Potemkine" avant le drams. Le torpilleur 267. C'est alors qu'indign de cette dfection le second du bord, le capitaine Ghelerovski, arrachant l'un des marins son fusil, mit en joue le sous-officier qui commandait le peloton. La balle partit, manqua le but, s'gara. Elle alla frapper Vakoulemtchouk, perdu dans le tas des trente. Travers de part en part, la hauteur du rein, le matelot eut l'nergie de descendre dans la batterie pour y prendre son fusil; il fut le premier qui fit ce geste de rbellion, bientt imit, comme on le verra. Sans que j'aie pu faire prciser ce qui se passa ensuite, on le repcha, un moment aprs, de la mer o il tait tomb, ou s'tait jet, ou avait t prcipit. On le transporta l'infirmerie. Le signal du carnage tait donn. Les hommes, ceux d'abord qui taient demeurs ou avaient t laisss part, puis tous, aussi bien ceux qui voulaient manger que les autres, s'taient rus vers les rteliers d'armes. Le capitaine Ghelerovski (debout). Le commandant Golickof avait fui avec son tat-major. Seul le second, Ghelerovski, demeurait sur le pont: ce fut lui la premire victime. Puis vint l'officier chef de l'artillerie, le capitaine Nioupakoof. Le mdecin en chef, le docteur Smirnof, se suicida d'un coup de bistouri, ou de sabre, au bas-ventre. On fusilla l'enseigne Livintsof et le lieutenant de vaisseau qui dirigeait bord le service lectrique, M. Thone. Enfin on rejoignit dans la chambre de l'amiral le commandant Golickof qui s'tait terr l, avec l'enseigne Alexeief, tous deux enferms double tour. Le commandant suppliait en pleurant ses enfants de l'pargner. Ses prires ne pouvaient tre entendues!... Une bande qui remontait, cette sanglante besogne acheve, avisa, l'entre du carr, le pope Parmen, aumnier du bord, effar, fuyant. Un des matelots, d'un coup de crosse, lui broya demi le visage contre la cloison de fer. C'tait Matuschenko. Un officier, qui s'tait jet la mer pour chapper la fusillade, fut tu par un feu de salve. Le massacre s'arrta ces sept victimes. On avait supprim tous ceux qu'on hassait, de qui on avait eu se plaindre. On jeta les cadavres la mer, sans une bndiction. Les autres officiers demeuraient comme otages. On allait en rendre neuf Odessa, ne gardant bord, de vive force, que ceux qui taient ncessaires la marche du navire. On ne songea mme pas faire disparatre les traces du drame, rparer, ft-ce sommairement, les dgts, le dsordre, qui demeuraient. Quand le Potemkine fut rendu la Roumanie, me disait le capitaine Gavrilesco, on retrouva toutes les cabines des malheureux officiers dans un tat lamentable, glaces brises, meubles ventrs ou dmolis demi. On ramassa mme, quelque part, un dbris sanglant, un doigt tranch d'un coup de sabre une main qui suppliait peut-tre. Et le rgne de Matuschenko commena. Il fut peu brillant. Tous ceux qui, Constantza, ont approch Matuschenko demeurent comme hants du souvenir de cette inquitante figure de brute, aux pommettes saillantes de Kalmouk, aux yeux haineux, au front obscur, stupide, fourmillant d'ides froces. Devant Odessa, aucun des rvolts ne voulait consentir tirer sur la ville. Cette crainte de nuire des innocents, de causer des morts inutiles, on la verra de nouveau se manifester devant Thodosie, bien que, l, on et t attaqus, qu'on ait eu des blesss et des morts. Les deux coups de canon tirs blanc sur Odessa leur semblaient suffisants pour affoler les autorits de la ville et assurer la libert ceux de leurs camarades envoys aux obsques de Vakoulemtchouk. Matuschenko s'enttait, imbcile, farouche, vouloir faire charger les pices obus. --Mais quoi bon? lui demandait-on. --Pour trenner les canons! Quant l'un de ses principaux adjudants, Nikishkine, c'tait un hallucin qui croyait voir de temps autre le Christ lui apparatre! La nuit rouge d'Odessa dut tre douce l'me de cette dangereuse bte qu'tait Matuschenko. Elle lui apporta, en outre, un rconfort moral, une aide que, peut-tre, il n'avait pas prvue. Dans la soire, la lueur fauve de l'incendie, une barque amena vers le Potemkine deux jeunes gens, deux tudiants, qui pouvaient bien fuir les flammes, et qui aussi venaient--qui sait?--de propos dlibr rejoindre les rvolts pour les diriger et s'en servir. L'un se serait appel Ivanof; on ne connaissait l'autre que sous son prnom: Cyrille. Ce furent les deux seuls civils qu'il y eut jamais bord. Les marins du Potemkine supposrent que Matuschenko avait pu s'aboucher avec les rvolutionnaires d'Odessa dans la journe. Mais, dans ce cas, ne seraient-ils venus plus nombreux, apportant une organisation prpare, un plan? Ce qui frappe, dans tout cela, c'est au contraire le dsarroi, le dcousu de l'action. La rbellion du Potemkine est un fait. L'incendie, les troubles d'Odessa, d'autres faits, survenus la faveur du premier, mais fortuitement, comme avait clat la sdition des marins. Ceci fut peut-tre le signal de cela, mais les deux actions n'avaient pas t combines. Pogarneatz me l'a rpt plusieurs reprises: on prparait lentement une rvolte de toute l'escadre de la mer Noire. Des comits mystrieux fonctionnaient sur chaque bateau et devaient se concerter sur le moment, l'heure. La mort de Vakoulemtchouk brusqua le mouvement pour un des navires. On sait que les autres ne suivirent pas, ou suivirent mal, comme le Georges. On n'tait pas prt. Cyrille et Ivanof apportrent aux rvolts un concours un peu intelligent qui leur faisait grandement dfaut. A peine arrivs bord, ils se rpandirent en discours vhments, suppliant les matelots de prter leur concours la ville contre le despotisme, contre le tsarisme. Ils ne furent pas entendus, et les canons du Potemkine demeurrent muets cette nuit-l. On se borna fouiller le port avec les projecteurs lectriques, suivre les progrs de l'incendie, faciliter, ainsi, la besogne des ptroleurs. Le lendemain, on s'organisa pour naviguer. Comme commandant, on lut l'enseigne Alexeief, qui tait doux et bon et avait les sympathies unanimes du bord; je ne dis pas qu'il les rendt, surtout ce moment o on le chargeait, son corps dfendant, de cette lourde responsabilit. Le second fut un matre, Mourzach. Deux officiers mcaniciens dirigrent le service de l'norme machinerie. L'un, Kovalescenko, tait, d'ailleurs, de tout coeur avec les rvolts. L'enseigne de vaisseau Alexeief et les autres officiers du Potemkine que les mutins pargnrent mais obligrent diriger le cuirass.--Photographie prise aprs leur dbarquement Constantza. Enfin, un comit de vingt membres fut constitu et investi de l'autorit suprme: on fut comme en rpublique, une rpublique o fonctionnait le referendum, o l'on consultait parfois le corps lectoral, sans suivre, d'ailleurs, ses avis, quand ils dplaisaient. A preuve que, ds le premier sjour du Potemkine dans les eaux de Constantza, cinq cents des matelots taient d'avis de se rendre, de dbarquer, d'arrter net l'odysse. Et vous savez le reste! Chose inoue, invraisemblable, le vrai matre du bord, le matre absolu et, selon la formule usuelle, le matre aprs Dieu du cuirass, ce fut Matuschenko. Cyrille et Ivanof, qui sigeaient au comit excutif, ne purent jamais dompter ce fauve. Il dominait par la terreur. Il allait et venait par les coursives sur le pont, dans les batteries; toujours furieux, frntique, le revolver au poing, sans cesse menaant. Tous tremblaient le voir apparatre. Matuschenko. Photographie prise au dbarquement Constantza. Plus d'un dut regretter le tendre second, Ghelerovski, l'homme au fusil! Seul de tout ce troupeau, Matuschenko avait une volont. Elle se heurta cependant, se brisa contre l'inertie des sept cent cinquante pauvres diables, pas mchants, prisonniers avec lui sur ce navire en dsarroi. Quand, Odessa, le Potemkine--auquel bientt se joignit le Georges--se trouva en prsence de l'escadre de l'amiral Krieger, les rvolts se dfendirent de tirer contre leurs camarades, attendant les premiers obus, sans se douter que, de leur ct, les frres encore soumis, mais peine, refusaient galement de les attaquer. Pareillement, on ne voulut jamais consentir suivre l'ide de Matuschenko, qui tait de dbarquer de force en Russie. Seul, devant lui, chacun de ces hommes frissonnait dans l'attente d'une balle; runis pour une dcision prendre, ils rsistaient de toutes leurs forces ses lubies de dment. Depuis le dbut, un torpilleur, le 267, s'tait attach la fortune du Potemkine. A moiti de bon coeur, seulement. On avait pris son commandant bord, et on le dbarqua Odessa avec les huit officiers du Potemkine qu'on avait pargns et dont on n'avait pas besoin pour la conduite du navire. En mme temps, on plaait sur le petit bateau cinq des plus purs du Potemkine, pour mater, au besoin, son quipage. Le 267 suivit donc sous la menace des canons du cuirass. Vous avez appris avec quel empressement il rebroussa chemin vers Sbastopol ds qu'il fut libre de le faire, le Potemkine une fois amarr dans le port de Constantza! Matelots du Potemkine et officiers roumains Constantza. La vie sur le Potemkine fut une vie d'enfer, me disait Pogarneatz. Ds le soir du premier jour, on n'avait plus de pain. Ce fut la premire chose qu'on demanda Constantza. On vcut de biscuits, de conserves. On souffrit presque de faim, parfois. Dans cette norme ville flottante, dans ce monstrueux engin, la plupart, sans doute, des hommes ignoraient ce qui se passait, ce qu'on faisait, o l'on allait. Ils s'abandonnaient, rsigns. Et c'taient des querelles sans fin, entre une poigne d'nergumnes et l'immense majorit de l'quipage, repentant, inquiet des suites de cette quipe, anxieux de l'avenir; des rixes, des scnes atroces auxquelles mettait fin, son revolver toujours braqu, le frntique Matuschenko. L'aventure de Thodosie acheva de dgriser les plus endurcis des rebelles. On put se procurer, dans ce port, des vivres le jour o l'on y arriva; mais, quand, le lendemain, on revint pour prendre le charbon promis, qui tait devenu indispensable, les cosaques du quai accueillirent la chaloupe coups de fusil, turent sept hommes, dont Ivanof, et en blessrent trois, actuellement soigns Constantza. Ce fut bout de ressources, les soutes surtout compltement vides, qu'on aborda Constantza, malgr Matuschenko, malgr Cyrille, qui voulaient faire sauter le navire. On y arriva le samedi 8, vers une heure du matin. Au jour, on entamait des pourparlers pour la reddition du navire au gouvernement roumain. A trois heures, le pavillon rouge tait amen et le pavillon roumain, bleu, jaune et rouge, le remplaait la pomme du mt, tandis que les rebelles dbarquaient, un quipage roumain prenait possession du cuirass, dont le commandement tait confi au capitaine de vaisseau Torgulesco, avec le capitaine Ciudin comme second. Un pope reoit, bord du Potemkine, le nouveau serment de fidlit au tsar des cinquante repentants.Voir la page suivante. Mais l'intrt n'tait plus l: il tait sur le quai o arrivaient, par fournes, les marins russes. Quel enthousiasme! quel dlire! Je me demande si les marins de l'amiral Avellane, aux jours des premires tendresses, furent accueillis, chez nous, comme le furent ici ces innocents pirates. On se les arrachait. Chacun eut son Russe. Et, comme je l'ai dit, la plupart, originaires de Bessarabie, parlant parfaitement le roumain, on s'entendit aisment. On les dvalisa d'ailleurs de tout ce qu'ils possdaient de susceptible de constituer un souvenir: boutons d'uniforme, brets, rubans rays orange et noir au nom du Kniaz-Potemkine-Tauritchessky. Des gens pratiques ont amass des stocks qu'ils coulent. Un ruban de bret valait, au cours du jour,15 francs, hier! Les plus endiabls, songeant aux bals masqus futurs, voulurent acqurir une tenue complte et habillrent de neuf, au magasin voisin, quelques matelots. Le marin russe sera beaucoup port, la saison prochaine, en Roumanie. Et, quant aux beuveries, je vous laisse penser ce qu'elles furent, non pas du ct des hospitaliers Roumains, race essentiellement sobre, mais de la part de leurs htes, un peu rationns les jours prcdents. Les 750 hommes furent reus comme des hommes libres et laisss mme de partir l o bon leur semblerait et comme ils le voudraient. La plupart demandrent tre employs aux travaux des champs; trs sagement, les autorits les rpartirent par groupes de 50 100 dans diverses villes d'o l'on aurait la facilit de les diriger vers les proprits, pour la moisson. A Constantza: les rvolts du Kniaz-Potemkine emportant leur paquetage.--Phot. Besanon. Le gouvernement du roi Charles, qui venait de rendre au gouvernement du tsar un service incontestable et qui n'est peut-tre pas sr, l'heure qu'il est, de pouvoir jusqu'au bout s'en fliciter--car, enfin, la mise en libert des rebelles peut donner lieu quelques observations assez justes--le gouvernement du roi Charles avait annonc tlgraphiquement Saint-Ptersbourg la grande nouvelle. Dans l'aprs-midi mme du dimanche, une escadrille russe, compose des croiseurs Tchesm, battant pavillon de l'amiral Pisarewsky, du Sinope et de quelques torpilleurs, venait chercher le Potemkine qu'elle poursuivait depuis plusieurs jours et qu'elle trouvait enfin dsarm. On laisse entendre qu'elle mit, l'accomplissement de sa mission, peu de formes. Elle reprit son bien, son d, sans se confondre trop en remerciements. A deux heures aprs midi, la crmonie tait termine. Quelques marins du Potemkine, la vue du pavillon de Saint-Andr flottant de nouveau sur leur bateau, sentirent leur coeur se fondre de repentir; une cinquantaine retournrent bord, o un pope reut leur nouveau serment de fidlit au tsar. Aprs quoi, on les mit fond de cale--ainsi d'ailleurs que les officiers et sous-officiers eux-mmes, gards de force par les insurgs sur le navire pour le conduire. D'aucuns assurent qu'on procda quelques excutions sommaires. Mais c'est mal connatre les Russes que de les croire capables d'un pareil manquement aux rgles de la courtoisie internationale. Enfin, l'quipage que l'amiral Pisarewsky mit sur le Potemkine y trouva tout en tat. Les ......Buy Now (To Read More)

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Ebook Number: 35798
Author: Various
Release Date: Apr 8, 2011
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