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L'Illustration, No. 3258, 5 Août 1905
LA GAGNANTE DU PREMIER MILLION DE LA LOTERIE DE LA PRESSE Mme Hofer, cantinire au 28e dragons, Sedan, dans l'exercice de ses fonctions, le lendemain du tirage. Photographie de notre envoy spcial, M. Abeniacar COURRIER DE PARIS JOURNAL D'UNE TRANGRE ... Gare de Lyon. Un landau qui passe, grande allure; des agents de police affairs; des passants qui saluent. On entend: C'est lui... L'avez-vous vu? O va-t-il? C'est M. Loubet qui part en vacances. Je le regarde descendre de voiture, souriant, serrer des mains, distribuer de bonnes paroles auxquelles rpondent d'autres sourires. Et je pense la chose exquise, ineffablement douce, que doit tre un mois de repos la campagne, quand on a t pendant onze mois monsieur Loubet! Le hasard et ma curiosit m'ont souvent mise, depuis quelque temps, sur le chemin de M. Loubet. Je l'ai vu recevoir des rois, prsider des revues, inaugurer des salons de peinture, assister des ftes de gymnastique, suivre des courses de chevaux Longchamp, et des concours d'animaux gras au Champ de Mars, et des concours culinaires aux Tuileries; je l'ai rencontr dans des expositions de fleurs, dans des expositions de chiens, dans des expositions de tout; et je pensais souvent: S'amuse-t-il? Or, s'il s'ennuyait, c'tait merveille de voir combien sincrement, en quelque lieu que ce ft, il avait l'air de s'amuser, d'tre pris par l'intrt, grave ou lger, des choses qu'on lui montrait. Je l'observais distance. Il parlait. Et, qu'il s'agt de peinture, d'levage, d'horticulture, d'art militaire, de politique, d'hippisme, de mdecine, de gymnastique ou de charit, j'tais frappe de voir combien ceux qui l'coutaient gotaient son loquence familire, semblaient lui savoir gr d'tre venu leur dire prcisment les paroles qu'il leur disait. M. Loubet, prsent, se repose sous les arbres. Il rve. Il jouit de la volupt de ne rien inaugurer, de ne rien prsider, de ne rien clbrer, de ne rien commmorer. Pour quelques semaines, il a reconquis le droit de ne point sourire galitairement tout le monde; il se sent libre de biller, libre d'aimer ce qu'il aime et de ne pas aimer ce qu'il n'aime pas. Ce sont l ses dbauches... Nos potaches aussi sont heureux. Ceux qui ont bien travaill ont la joie, en ce moment, de trouver leurs noms imprims dans la gazette... Et cela nous fait, en vrit, des journaux trs ennuyeux, o s'alignent des citations de discours de distributions de prix, en caractres minuscules, et des noms, des noms, des noms... Je n'aperois pas l'intrt de cette rclame, faite de petits succs d'enfants, et j'aimerais qu'on habitut les coliers triompher de faon plus modeste, n'avoir pas, ds l'ge de huit ans, la proccupation de la bonne presse. Cela vaudrait mieux pour eux, et pour la presse aussi. Il en est un peu des journalistes comme des comdiens. Nous sommes, l'gard des gens de thtre, anims d'une curiosit folle, purile, un peu maladive; nous n'entendons rien ignorer de leurs propos, de leurs gestes, des plus secrets incidents de leur vie; et, comme si nous avions conscience de ce qu'il y a d'inconvenant et de ridicule dans cette curiosit-l, nous nous vengeons d'elle sur eux-mmes, en leur reprochant de tenir trop de place chez nous et de s'imposer abusivement l'attention de la foule. Nous feignons d'oublier qu'il ne tient qu' nous de ne point tant nous occuper d'eux et que, le plus souvent, il leur serait fort agrable que notre badauderie les laisst en repos. Les journalistes, de mme, ne tirent leur influence que de l'excs de nos vanits. Nous nous plaignons d'tre leur merci; mais les opinions qu'ils expriment, leurs critiques, leurs louanges n'ont que l'importance qu'il nous plat d'y attacher; et, si nous nous montrions moins purilement proccups d'tre bien traits par la presse; si nous savions opposer plus de sincre indiffrence ses ddains, ses facties, ses mauvais gestes, elle aurait tt fait de redevenir la personne discrte que nous lui reprochons tant de ne pas tre... Mais nous n'avons pas ce courage; ses caresses nous tentent et le pouvoir dont elle jouit de nous distribuer un peu de gloire nous la rend sacre. Nous pestons contre ses erreurs, ses injustices et l'normit de sa puissance;--et nous nous tournons vers elle pour lui mendier un brin de rclame en faveur du fils ou du neveu que nous avons ramen du lyce, cette semaine, charg de couronnes. Ecorche-t-elle un nom? Vite, nous la supplions de rectifier; elle rectifie, et nous sommes contents. A qui la faute si, de temps autre, tant de prestige la grise? Aot... septembre... les deux mois de lthargie de Paris. Bruyamment, mon Quartier latin se vide; mes amis se dispersent. Il y a bien encore, a et l, des choses neuves voir, d'amusants ou de beaux spectacles grce auxquels on se rjouira d'avoir quitt Paris aprs les autres et qu'on sera fiers d'avoir got dans une sorte d'intimit, de huis clos parisien... Il y a les salles nouvelles du Petit Palais; il y a l'exposition triomphale de Ziem; il y aura tout l'heure le retour aux Tuileries du pesant et ronflant cortge des vhicules industriels, qui soulevrent, cette semaine, tant de poussire et firent un si beau bruit sur nos routes; et il y a les trangers qui viennent voir Paris au moment o nous l'abandonnons. On les rencontre l'heure de l'apritif, assis aux terrasses des boulevards et, le soir, la Comdie-Franaise, l'Opra, ou, si la chaleur est trop forte, aux cafs-chantants des Champs-Elyses, devant le cinmatographe du Jardin de Paris, autour des tziganes dont ils coutent rveusement les mlodies ou les cake-walks en buvant des choses glaces au bout de longues pailles... Ils sont un spectacle pour nous, ces trangers, et souvent un spectacle instructif. On reoit d'eux des confidences amusantes et trs inattendues. --Te doutais-tu, Sonia, me disait hier un vieux cousin d'Odessa que je promne dans Paris depuis quelques jours, que cette ville-ci est, en vrit, pleine de lacunes et d'incommodits que ses habitants ne souponnent pas? Et mon parent m'numrait, d'un ton doux, ses griefs. Il est accompagn Paris de ses deux filles, et il avait voulu, la veille au soir, les conduire au concert. Son htelier lui apprit que la saison des grands concerts tait close; qu'on ne chantait plus gure Paris, depuis un mois, qu'en plein vent, et qu'au surplus ce n'tait point des oreilles de jeunes filles que cette littrature foraine tait destine. Mon cousin demanda: --Y a-t-il du moins quelque endroit o d'honntes bourgeois puissent s'assembler pour couter un orchestre supportable? On lui rpondit qu'il y avait bien, dans Paris, des cafs o ces auditions se donnaient, mais que de fcheux voisinages y taient craindre. On lui conseillait plutt le bois de Boulogne... Il rsolut de s'y rendre et chercha, dans la rue, une voiture quatre places pour s'y faire conduire. Un agent de police qu'il consultait lui dclara que ce genre de vhicule n'existait point Paris, et cet aveu stupfia mon parent. Alors, l'agent bienveillant, lui signala l'omnibus qui le conduirait le plus commodment vers la destination qu'il indiquait; il y fit monter sa famille et fut surpris d'y devoir payer une somme triple de celle que lui cote ordinairement une course en omnibus dans son pays. Mon cousin se plaint de beaucoup d'autres choses: il lui dplat que nos trottoirs s'encombrent de tant d'dicules dont la vue choque la fois le sentiment des convenances et celui de la beaut; ses yeux sont excds par le dsordre de ces rclames lumineuses intermittentes qui font, la nuit venue, succder sur les faades des maisons de nos boulevards, sans rpit, des tristesses de tnbres des surprises de feu d'artifice et rendent sa chambre d'htel inhabitable. Il y aurait, dit-il, sur les incommodits de ce Paris dont vous tes si fiers, un petit livre bien amusant crire. Mais tout de mme il y vient, depuis trente ans, passer, chaque t, ses vacances... Et c'est l la gloire de Paris. Cette ville pleine de dfauts est ncessaire tout le monde, on ne sait pourquoi; telles ces femmes dont on mdit d'autant plus qu'on les aime davantage... Sonia. SUR LES PLAGES (Voir les gravures des pages 96 et 97.) Aot: la saison des bains de mer, suivant l'expression consacre, bat son plein; l'exode en masse des villes vers les nombreuses stations du littoral s'est accompli, et la vie parisienne elle-mme n'est autre, l'heure actuelle, que la vie des plages la mode. Mais, en dehors de la mode et de ses aimables tyrannies subies par tant de gens empresss lui payer un tribut volontaire; en dehors des casinos, avec leurs spectacles et leurs concerts; des promenades d'apparat, avec leurs lgances, la villgiature maritime offre de multiples agrments, gots surtout des amis du plein air, des sains exercices, du repos rparateur: la pche aux coquillages et aux crevettes, facile et pourtant non dpourvue d'motions; les libres bats des gentils bambins barbotant plaisir dans des lacs minuscules ou construisant de fragiles ouvrages; la lutte vaillante de la charmante baigneuse contre la vague; le farniente somnolent des paresseux, mollement tendus sur un tapis de sable fin, que sais-je encore?... Les malheureux citadins que l'austre devoir ou quelque motif d'ordre conomique retiennent attachs, non pas mme au rivage, mais trs loin du rivage, en sont parfois rduits, par ces jours caniculaires, attendre de leur imagination l'illusoire sensation d'un peu de fracheur et recherchent volontiers des images suggestives, dussent-elles exciter leur lgitime envie. C'est ceux-l, plus particulirement, que nous ddions cette srie de photographies de saison, dont certaines, prises au moyen du cerf-volant--curieux procd expliqu dans L'Illustration du 18 octobre 1902--donnent d'amusants effets de perspective panoramique et de raccourci. NOTRE GRAVURE EN COULEURS UNE NOCE DANS L'ILE DE MARKEN Nous avons reproduit rcemment (n du 8 avril 1905) une aquarelle de Georges Scott reprsentant le Coche d'eau d'Edam Volendam, en Hollande. Nous lui donnons aujourd'hui un pendant, avec Une noce dans l'le de Marken, du mme artiste. Comme Volendam, Marken est bien connu des touristes qui, partant d'Amsterdam, visitent les ctes du Zuiderze. Ces deux villages de pcheurs sont voisins: de Volendam on aperoit nettement l'le de Marken. Mais les costumes et les types des habitants sont tout diffrents. Les femmes de Marken se distinguent d'une faon toute spciale par deux grosses mches de cheveux, non nattes, qui sortent de leur coiffe et leur encadrent le visage. D'un attachement opinitre leur pass, les treize cents habitants de l'le se marient entre eux. Tous ou peu prs sont parents ou allis, et une noce est une fte gnrale pour la population entire. Comment Mme Hofer, cantinire au 28e dragons, est devenue millionnaire, 9 h. 22 du matin, le 1er aot.(Photographie instantane prise dans le grand hall des tirages du Crdit Foncier.)] LE PREMIER MILLION DE LA LOTERIE DE LA PRESSE Le premier tirage de la grande loterie autorise au profit des caisses de retraite des Associations de la Presse fut un des notables vnements de la semaine. Le Crdit Foncier tant l'organisateur de la loterie, l'opration eut lieu l'htel de la rue des Capucines, sige de cet tablissement financier. A neuf heures prcises, on ouvrait au public matinal, dj rassembl dans la cour, les portes du hall situ droite du rez-de-chausse. Une salle assez vaste, bien claire; au fond, une longue table recouverte d'un tapis vert; devant cette table, les roues de la Fortune,--car, pour la circonstance, elle en avait deux, de diamtres ingaux, contenant, l'une 100 numros de srie, l'autre les 15.000 numros dont chacune des sries se compose. Bientt prenaient place au bureau, sous la prsidence de M. Morel, gouverneur du Crdit Foncier: MM. Olagnier, administrateur; Touchard, secrtaire gnral; Leblanc, censeur, et M. Alfred Mzires, de l'Acadmie franaise, snateur, prsident de l'Association des journalistes parisiens. Aprs les formalits et vrifications prliminaires d'usage, des employs de l'administration mirent les roues en mouvement; la tche d'en extraire les tuis tait confie, suivant la tradition, deux jeunes pupilles de l'Assistance publique. Au milieu d'un silence solennel, o l'attention se mlait d'anxit, on entendit proclamer le numro 2.174 (srie 77), gros lot de un million. Ds ce moment, curiosit naturelle et phnomne d'altruisme impulsif, chez les assistants, l'amertume de la dception, vite oublie, faisait place une proccupation unique, obsdante, qui, tout l'heure, au dehors, allait s'emparer des acheteurs de listes et mme des gens n'ayant pas pris de billet: quel tait l'heureux gagnant du gros lot? La Fortune, on ne tarda pas l'apprendre, avait favoris Mme Hofer, cantinire au 28e dragons, en garnison Sedan, laquelle avait pris trois billets--et qui, dj, n'tait pas sans une certaine fortune. Ne Coulanges, en Lorraine, mais leve Paris--o elle va revenir--Mme Hofer, dont nous donnons le portrait, est une accorte brune de trente-huit ans, veuve depuis un an, sans enfants. Devenue millionnaire du jour au lendemain, ce coup du sort ne parat pas lui avoir tourn la tte, qu'elle a solide, et, doue d'un bon coeur, elle projette, tout en vivant dsormais de ses rentes, de faire du bien autour d'elle. Son premier acte de largesse, est-il besoin de le dire, a t de rgaler son rgiment. La salle de la manufacture de Svres.AU PALAIS DES BEAUX-ARTS DE LA VILLE DE PARIS. LES NOUVELLES SALLES DE "SVRES", DE DALOU ET DE ZIEM Le Petit Palais, muse des beaux-arts de la ville de Paris, vient d'ouvrir trois nouvelles salles, consacres respectivement Svres, au sculpteur Dalou et au peintre Ziem. Svres est reprsent par des spcimens typiques de ses principaux produits, nagure admirs l'Exposition de Saint-Louis. Du regrett Dalou, on a runi ce qui restait dans son atelier, sa mort, et qu'il avait lgu l'Orphelinat des arts: quelques morceaux achevs, et surtout quantit de maquettes, prcieux documents attestant avec quelle conscience le noble artiste tchait raliser ses conceptions. 1. Galerie des bustes de Dalou.--2. Bacchanale, haut relief du Fleuriste de la Ville, par Dalou. Quant Ziem, cinquante-six tableaux, soixante-quatorze tudes, quarante et une aquarelles, constituent sa contribution cette exposition permanente, vraiment digne de la faveur du public. LE PEINTRE ZIEM CHEZ LUI Comme on le mentionne d'autre part, le muse de la ville de Paris, au Petit Palais des Champs-Elyses, vient de s'enrichir d'une importante collection d'oeuvres de Ziem; il convient d'ajouter que, cette bonne fortune, il la doit la libralit du matre. De pareils cadeaux sont le plus souvent posthumes; en effet, pour les offrir de son vivant, il faut que le donateur ait pleine conscience de la conscration de sa renomme avant le verdict dfinitif de la postrit. Or, tel est, sans conteste, le cas du peintre des splendeurs lumineuses de Venise. Le peintre Ziem dans son jardin. M par un sentiment de respectueuse curiosit, j'ai ambitionn l'honneur d'tre admis en prsence de ce notoire contemporain. Des gens soi-disant avertis m'avaient object la tmrit de mon dessein: Ziem, assuraient-ils, est un original peu sociable; depuis des annes il mne une existence d'ermite au fond de sa retraite de Montmartre et l'on n'entre pas chez lui comme au proche Moulin de la Galette. Baste! pensai-je, risquons toujours l'aventure! Dans son atelier. Donc, me voici devant le numro 72 de la rue Lepic, tirant timidement le fil de fer qui sert de cordon de sonnette. Certes, la maison est d'aspect peu engageant: un cube massif de briques rouges, aux baroques adjonctions parasitaires, aux troites fentres, la plupart masques d'auvents, une porte de prison. Ouverture pralable d'un judas, pourparlers, entre-billement de l'huis, introduction. Ds l'entre du jardin foisonnant de folles verdures, le pied se heurte un sarcophage de pierre et des fragments de sculpture antique, tandis que la tte s'incline instinctivement sous la menace illusoire d'un norme crocodile empaill pendu au toit. Cela sent dj l'alchimie, la sorcellerie; que sera-ce quand on pntrera dans les tnbres de l'antre mystrieux? Mais un octognaire de belle prestance, d'une verdeur extraordinaire, parat sur le seuil, et la lgende s'vanouit. Le sorcier se contente d'tre un magicien de la palette; le prtendu misanthrope rbarbatif est un homme d'un accueil avenant, prt faire au visiteur, avec une exquise courtoisie, les honneurs de ses deux ateliers, de son capharnam, trange ple-mle d'oripeaux fans, de bibelots prcieux, de bouquins rares, o se complat son recueillement. Causeur disert, le matre parle d'une voix trs douce: un susurrement musical, o revient souvent le mot superbe, qualifiant les ralits pittoresques, sujets de son enthousiasme, et que l'auditeur, lui, applique aux tableaux qu'elles ont inspirs son prestigieux pinceau. Et enfin, souligne d'un geste large vers une esquisse toute nouvelle, une phrase ayant l'loquente concision d'une devise lapidaire: Travailler jusqu'au bout!... Deux heures aprs, je sortais de la sombre maison, foyer de radieuse lumire, emportant la certitude d'avoir approch et entendu non seulement un incomparable virtuose, mais encore un trs grand artiste. Edmond Frank DEUX OEUVRES DE DALOU EXPOSES AU PALAIS DES BEAUX-ARTS DE LA VILLE DE PARIS (PETIT PALAIS) Liseuse. Photographie A. Giraudon. Boulonaise allaitant. Photographie A. Giraudon. (Agrandissement) SUR LES PLAGES Photographies instantanes.--Voir l'article, page 90. LE RAID HIPPIQUE LYON-AIX-LES-BAINS. Un raidillon sur le parcours de la premire tape, de Lyon Lagneu. Le lieutenant de Benoist descendant le col du Crucifix. Le capitaine Deremetz traversant Montalieu. Le passage du gu de l'Ain. Le lieutenant d'Humires dans le gu de l'Ain. Une douche rafrachissante donne au cheval du lieutenant de Gironde par le lieutenant Degorge. Pour la troisime fois, le raid hippique organis par la revue Arme et Marine vient d'tre couru du 26 au 28 juillet. Les prcdentes preuves, Paris-Deauville et Lyon-Vichy, furent disputes sur route; le programme de celle-ci portait que la course s'effectuerait en terrain vari, travers champs et bois, afin de rendre l'exprience plus dmonstrative. Trois tapes: 1 Lyon Lagneu, 55 kilomtres; 2 Lagneu La-Tour-du-Pin, 65 kilomtres; 3 La Tour-du-Pin Lyon, 55 kilomtres. Sur 47 partants, 24 concurrents sont arrivs, le premier ayant accompli le parcours total en 10 heures 32 minutes. Les vainqueurs: les capitaines Champsavin, 1er (28e dragons); Bucaut, 2e (11e chasseurs); Deremetz, 3e (31e dragons). Le saut d'un foss en plein champ par le capitaine Bontemps, les lieutenants Barrire, Bruyas et Lignon. Phot. Paul Boyer.Mme JULIA BARTET, chevalire de la Lgion d'honneur. Mme Bartet, doyenne de la Comdie-Franaise, vient d'tre nomme chevalire de la Lgion d'honneur. L'minente artiste appartient la Maison de Molire depuis vingt-cinq ans; elle y compte peu prs une gale dure de socitariat et, en y accomplissant la plus brillante partie d'une carrire dramatique de plus de trente ans, elle en est devenue incontestablement une des gloires. Si tous ceux qui l'ont admire et applaudie avaient eu trancher par voie de rfrendum la question: Mme Bartet mrite-t-elle la croix? le rsultat du vote n'et pas t douteux, tant donn que la toute-puissance du talent n'est point seulement du ct de la barbe et qu'aujourd'hui, dans les arts comme dans la littrature, la suprme distinction honorifique a cess d'tre un privilge exclusivement masculin. Or, le public n'eut pas voix au chapitre; l'affaire ressortissait au gouvernement et la grande Chancellerie et, pour ces deux hautes autorits, soucieuses du formalisme, la question prjudicielle se posait ainsi: Pouvait-on dcorer Mme Bartet? Pourquoi pas? Il y avait deux prcdents: l'un rcent, celui de Mme Adelina Patti; l'autre datant d'une dizaine d'annes, celui de Mme Marie Laurent. Mais, objectait-on, la clbre cantatrice a, suivant des conventions admises, bnfici de sa qualit d'trangre et la populaire actrice reut le ruban rouge comme fondatrice de l'Orphelinat des arts, tandis que, s'agissant simplement d'une grande comdienne, le cas tait grave. Fort heureusement ces chinoiseries n'ont pas prvalu; on a opt pour la solution la plus juste et la plus lgante. Voil comment Mme Bartet a la fortune, que sa modestie avre n'ambitionnait probablement pas, d'tre la premire artiste femme dcore au seul titre de comdienne et de voir son nom attach une petite rvolution de palais--et de thtre. ROBINSONS MODERNES: LES PASSAGERS DU "CHODOC", NAUFRAGS SUR LA COTE DES SOMALIS, A LA POINTE EXTRME-ORIENTALEDE L'AFRIQUE (CAP GUARDAFUI) 1. Sur la plage: un sauveteur et un groupe de naufrags prs de la pirogue qui les a transbords (au fond, le Chodoc chou).--2. Les prparatifs d'un campement provisoire. 3. La promenade des passagres travers le camp improvis, pendant l'installation des tentes--4. Devant le photographe... en attendant le rapatriement.--.Photographies instantanes communiques par un des naufrags.] En mentionnant (n du 29 juillet) l'chouement, dans les parages du cap Guardafui, du Chodoc, paquebot de la Compagnie des Chargeurs-Runis, venant d'Extrme-Orient, nous avons dit le concours prcieux, sinon dsintress, apport par les indignes de la cte au sauvetage des passagers. Dbarqus sur le rivage, les naufrags, au nombre d'environ six cents, durent, bon gr mal gr, rester l jusqu'au dnouement problmatique de leur fcheuse aventure. Ils installrent donc un campement dont les intressants documents photographiques reproduits ici montrent l'aspect, d'autant plus pittoresque et curieux que l'on comptait cent cinquante femmes et enfants parmi les htes accidentels des Somalis. Ceux-ci, d'ailleurs, profitant d'une rare aubaine, ne pratiqurent nullement l'hospitalit l'cossaise: non contents de vendre aux voyageurs jusqu' l'eau potable, ils ne se firent pas faute de les allger de leurs bagages. Aussi, pendant un jour et demi d'attente, les victimes de cette robinsonnade force, les yeux anxieusement fixs vers l'horizon, multiplirent-elles les signaux de dtresse. On juge avec quelle joie elles salurent l'apparition du bateau sauveur, le vapeur russe Smolensk, quel empressement elles quittrent une plage n'ayant rien des commodits ni des agrments des plages mondaines dsignes d'autre part. EN RUSSIE: LA LUTTE POUR LA CONSTITUTION (Voir l'article, page 101). Prince Dolgoroukof. Comte Heyden. LE CONGRS DE MOSCOU (19-21 juillet).--Une des sances de l'assemble gnrale des reprsentants des zemstvos, prside par le comte Heyden, chez le prince Paul Dolgoroukof. APRS LE CONGRS (22 juillet).--Sance supplmentaire chez M. Novosiltsef pour la formation d'un parti constitutionnaliste-dmocratique.--Photographies Smirnoff.] DOCUMENTS et INFORMATIONS Le concours des poids lourds. Exposition des vhicules automobiles industriels dans le jardin des Tuileries (au premier plan: des fourgons militaires). L'Automobile-Club de France a eu l'excellente et trs louable ide d'organiser, du 28 juillet au 8 aot, un concours de vhicules automobiles industriels et de fourgons militaires. Voici assurment une manifestation sportive toute nouvelle dans son genre. Il ne s'agit plus, cette fois, de procurer des sensations indites des sportsmen fortuns, amoureux de vitesse, ni de consacrer nouveau la renomme de professionnels dont, en leur temps, nous avons apprci les exploits. Les poids lourds ne disputeront point aux vhicules lgers la coupe Gordon-Bennett. Ils ont des ambitions plus modestes... et moins dangereuses. En leur faisant parcourir des pays agricoles et industriels, leurs constructeurs veulent surtout affirmer la supriorit incontestable de ces moyens de transport en commun sur tous les autres modes par traction animale. De cette trs intressante et trs utile exprience, dont l'ide premire appartient M. de Dion, il rsultera, nous n'en doutons pas, un mouvement favorable l'extension de notre industrie automobile en France et l'tranger. Un des omnibus automobiles destins la ville de Londres. Un projecteur lectrique de campagne install sur un camion automobile. Cinquante-cinq vhicules de tous ordres, et dont plusieurs sont extrmement ingnieux, ont pris part au concours. Un pont dans la Sane. Un pont tomb dans la Sane, pendant son lancement, Gureins (Ain). Phot. comm. par M. Duquaire Un de ces accidents que les progrs de la construction mtallique rendent de plus en plus rares vient de se produire Gureins, dans l'Ain. Un pont mixte, destin la fois au passage des voitures et des pitons, entre Gureins et Belleville, et l'tablissement d'une ligne projete entre Beaujeu et Chtillon-sur-Chalaronne, a plong par une de ses extrmits dans la Sane. Aprs l'achvement des soutiens de maonnerie, on avait voulu, selon l'usage, faire glisser de pile pile, jusque sur l'autre rive, la partie du tablier du pont qui devait y trouver sa place dfinitive. Pour attnuer la trop grande porte vide du pont avant qu'il atteignt les piles, on l'avait muni d'un avant-bec de texture plus lgre, qui viendrait reposer d'abord sur les galets du soutien et servir de conducteur la trave. L'opration commena dans ces conditions. Mais peine le bec se fut-il appuy sur la premire pile qu'il se rompit, au cours d'un violent orage. Le pont, priv de son soutien, plongea du nez dans la Sane une profondeur de 4 mtres. Il faudra, dit-on, plus de six mois pour rparer l'accident. Le prix du bl depuis cent ans. M. Bla Foelder, professeur l'universit de Budapest, vient de publier une tude sur le prix de l'hectolitre de bl, depuis le commencement du dix-neuvime sicle, pour la France, l'Angleterre, la Prusse, l'Italie, la Belgique et l'Autriche-Hongrie; et M. Levasseur, notre minent conomiste, a eu l'heureuse ide de traduire ces chiffres en un graphique qu'il a prsent la Socit de statistique. Sur ce graphique, on distingue trois priodes bien tranches: de 1800 1850, il y a un grand cart d'une courbe l'autre; le prix est constamment plus lev en Angleterre, surtout de 1801 1812, pendant les guerres de l'Empire. En Hongrie, le prix est trs bas et descend jusqu' 3 francs l'hectolitre en 1826. Dans la seconde moiti du dernier sicle, la vapeur diminue les frais de transport et le tlgraphe facilite les relations; le commerce s'organise et l'on voit ces courbes se rapprocher les unes des autres jusqu'en 1870. Mais, en 1870, la relation change. La courbe de l'Angleterre descend au-dessous de celle de la France et de nouveaux carts apparaissent, qui rsultent vraisemblablement des droits de douane. La France et l'Italie deviennent les pays o le prix moyen de l'hectolitre de bl est le plus lev. L'Angleterre, la Belgique et la Prusse deviennent les pays d'importation o il est le plus bas. Il est bas aussi, naturellement, dans les, pays d'exportation, comme la Hongrie et surtout les tats-Unis. A QUEL AGE LE CERVEAU DE L'HOMME PERD-IL SA VALEUR? La presse jaune des tats-Unis a men grand bruit, ces temps derniers, propos d'une confrence qui a t faite par un mdecin anglais, M. Osier, et au cours de laquelle ce dernier aurait dclar tout simplement qu'aprs soixante ans le cerveau humain est sans valeur et que tout sexagnaire devrait tre doucement limin au moyen du chloroforme. M. Osier n'a rien dit de pareil. Ce qu'il a dit, c'est que le meilleur de l'oeuvre intellectuelle des hommes qui travaillent du cerveau se fait avant quarante ans, et qu'aprs soixante ans, leur production devient trs infrieure. Goethe avait dj dit qu'on n'acquiert plus d'ides nouvelles aprs quarante ans. Mais Macaulay a fait observer que, si de belles oeuvres ont t faites avant quarante ans, les plus grandes et les plus belles sont dues des cerveaux de plus de quarante ans. L'affirmation de M. Osier est trs discutable. Peut-tre est-elle exacte pour certains genres de travaux intellectuels, et trs inexacte pour d'autres. Aussi Macaulay tait-il d'avis que les 19 vingtimes des meilleurs livres sont l'oeuvre d'hommes ayant plus de quarante ans. Et certainement, si l'on y rflchit, on pensera, comme lui, que le cerveau n'est pas du tout condamn donner, aprs quarante ans, des oeuvres infrieures celles qu'il produisait avant cet ge. Prgrinations d'paves. Dans toute mer o il y a de la navigation, il y a des paves aussi, des navires qu'il a fallu abandonner, mais qui, avant de se briser et de couler, peuvent encore faire de longs voyages, ballotts par le vent et les courants. Dans l'Atlantique, il y en a bon nombre: ce sont surtout des vaisseaux en bois, chargs de bois. Les vaisseaux en fer coulent vite; ceux en bois peuvent flotter longtemps encore. On connat les exploits de certains de ces derniers: le service de la navigation aux tats-Unis se fait sans cesse renseigner sur les paves qui ont t rencontres et, par la comparaison des observations, il tablit la route et la dure de la course de l'pave Une de celles-ci, l'Alma-Cummings, un schooner, a couru l'Atlantique pendant 587 jours et fait un trajet de 8.000 kilomtres. Cette barque avait pris un chargement de bois Port-Royal pour Boston, en 1895, au mois de janvier; en fvrier, elle fut assaillie par un blizzard qui est juste titre rest fameux. Ses mts se brisrent et, pendant quelques jours, l'quipage fut en grand pril. La tempte s'tant calme, les hommes purent tre recueillis par un vape ......Buy Now (To Read More)
Ebook Number: 35814
Author: Various
Release Date: Apr 10, 2011
Format: eBook
Language: French
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