L'Illustration, No. 3649, 1 Février 1913

L'Illustration, No. 3649, 1 Février 1913Ce numro se compose de vingt-quatre pages au lieu de seize et...
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L'Illustration, No. 3649, 1 Février 1913

Ce numro se compose de vingt-quatre pages au lieu de seize et comprend deux supplments: 1 L'Illustration Thtrale contenant Kismet, d'Edward Knoblauch (texte franais de Jules Lematre); 2 Le 2e fascicule des Souvenirs d'Algrie (Rcits de chasse et de guerre), du gnral Bruneau. Lieut.-Colonel Tyrrell. Enver Bey G. Rmond.LENDEMAIN DE COUP D'TAT: ENVER BEY AU SELAMLIKLe chef des Jeunes-Turcs, qui la veille a arrach la dmission du cabinet aprs une tragique bagarre, s'entretient paisiblement avec l'attach militaire anglais et le correspondant de L'Illustration.--Voir l'article, pages 80 et 81. Les prochains numros de L'Illustration contiendront: La Femme seule, de M. Brieux; La Prise de Berg-op-Zoom, de M. Sacha Guitry; Les Flambeaux, de M. Henry Bataille; Alsace, de MM. Gaston Leroux et Lucien Camille; L'Homme qui assassina, de M. Pierre Frondaie, d'aprs le roman de M. Claude Farrre; L'Habit vert, de MM. Robert de Flers et G.-A. de Caillavet; Les Eclaireuses, de M. Maurice Donnay. COURRIER DE PARIS JOYAUX Quelle trange impression je ressens lorsqu'il m'arrive de recevoir un de ces catalogues de bijoux fabuleux,--qui font rver les femmes en les plongeant dans de grands silences de convoitises! Je suis sr que vous avez prouv le mme malaise, la mme mlancolie, le mme dsenchantement que moi quand vous ouvriez, comme un ouvrage sans substance et qu'on ne lit pas, le volume richement trait, qui contient si peu de texte et dans lequel ne sont imprimes d'autres penses que celles de l'envie, de la coquetterie brlante et de l'amer regret? Voici les planches o sont reprsents au naturel, en portrait, comme des personnes, les diamants et les brillants, les perles et les pierres de couleur. Images d'une infinie tristesse! La perfection, le soin voulu avec lesquels on les a pousses en augmentent la froideur, l'inutile opulence. On peut compter chaque perle, chaque pierre, les retourner de l'oeil. Enfiles par ordre de taille, choisies avec angoisse, rigoureusement mesures, elles s'alignent, chapelets profanes, sur lesquels n'a jamais gliss, venant du coeur aux lvres et des lvres aux doigts, la plus fugitive prire. Ces colliers apparaissent vritablement ce qu'ils sont, des chanes, plus solides en dpit du mince fil qui les constitue que si elles taient faites d'anneaux de fer. Et plus lourdes, mieux rives que toutes, ces chanes-l garrottent davantage les volontaires captives qui en ont imprudemment contract la trop grande habitude. Les prisonnires du joyau ne sont dlivres que par la mort, qui les dpouille en les remettant nu comme l'entre des geles de la vie. En effet, les bijoux que l'on voit tals dans l'crin des catalogues ne parlent pas d'autre chose. Ils disent qu'en ayant appartenu tant d'paules, tant de bras, tant de cols gracieux et dont la jeunesse se targuait de ne pas prir, ils n'ont jamais t personne, qu'ils ne sont pas l'objet d'une possession exclusive et durable. Plus que tous les autres biens ils ne sont que prts, lous pour quelques saisons, et quand ils changent de corps ils sont dnus de souvenirs, ils perdent, plus que n'importe quoi, la mmoire, apparente ou cache, de leurs anciennes et successives matresses. Ils ne dgagent pas le moindre regret. Une charpe, un mouchoir, le gant d'une dfunte, talent plus de sentiment. Les bijoux ont la beaut du ddain et de l'ingratitude. Ce sont les paons de la parure. Ils ne gardent rien, n'emportent rien, ne transmettent rien des fivres et des frissons qu'ils ont si souvent provoqus. Confidents de la chair qu'ils amusent et flattent, gostes et faux amis, ils glissent et passent sur les peaux, sans trouble et sans moi, comme si c'tait toujours la mme, et sans laisser plus de trace que l'eau qui roule sur le dos des cygnes. Ils n'ont ni esprit, ni coeur, ni me. Ils ne sont que des cailloux, d'un ordre moins naturel et plus relev que ceux du chemin, des verroteries de civiliss que la femme, longtemps aprs les petites pierres rondes du torrent et du ruisseau, et les coquillages de la grve, et les dents du carnassier, suspend son cou et met ses poignets pour se plaire, se complter et donner de soi une impression plus vivement ornementale. Les bijoux, photographis dans leur immobilit, dans leur sec et particulier repos, tmoignent d'une dsolante indiffrence, d'un manque total de tendresse. A les contempler, si parfaitement dtachs, il parat incroyable que l'on ait pu s'attacher eux, qu'ils aient t capables de fournir de la joie, du plaisir, un agrment rapide. On leur en veut de leur ternelle et trop facile complaisance. Ils ne cdent en effet jamais la plus digne, mais au plus offrant... Leur platitude est coeurante. On est certain de les avoir ds qu'on peut y mettre le prix. Aussi restent-ils, malgr leur factice noblesse, entachs de vnalit. Ils sont pays trop cher, de toutes les faons, mme et surtout par la plupart de celles qui les obtiennent pour rien, comptant pour rien ce qui est plus que tout. Dans une espce de prostitution du charme de leurs feux, de leurs clairs et de leur orient, ils vont, de femme en femme, sans mme les connatre, sans se soucier de ce qui leur est arriv d'heureux ou de contraire, sans savoir leurs noms, leur ge, leur histoire, leur sourire ou leurs pleurs, trangers de leur personne, moins familiers de l'tre vivant, de l'animal humain qu'ils ont destin de harnacher que ne l'est du boeuf le joug de bois plaintif, et de l'ne la bride racornie, et du cheval le collier gluant et chaud. Les ardeurs mouvementes du sang, la contraction fine et douce du muscle, et tous les frissonnements de l'piderme fminin soulvent bien les joyaux, comme un flot qui porte une barque... Mais, tandis que la barque au moins garde ses flancs amoureux et battus le ruissellement des baisers qu'y posent tout instant la lvre et la langue de l'onde, les bijoux, muets, sans rponse, et les colliers pesants, stupides, repoussant le contact et chassant la caresse, ont l'air de se rtracter, et de se figer exprs dans une hostile inertie. Ils renvoient la chaleur au lieu de la capter et ils sont l, poss sur le satin blanc des poitrines, sur le velours palpitant des paules, tels que des emblmes orgueilleux et glacs donnant l'ide d'tre les plaques, les cordons, les croix et les chamarres d'un Ordre spcial et recherch qui serait celui du vain clat et de l'Insensibilit. Ils suent le grand ennui des soires, du bal, du monde, des loges d'opra, des interminables sances lumineuses qu'est la vie d'actif puisement d'une femme la mode, et jamais ils ne peuvent conqurir un aspect simple et dtendu. Cela leur est interdit. Ils n'ont pas le droit de quitter leur morgue et leur emphase de joyaux, de princires parures, leur caractre de magnificence royale, leur tyrannie asiatique. Ah! qu'il doit tre dur certains jours, une de ces Cloptre ou de ces Jzabel marbres de soucis, saccages de passions, dvastes d'esprance et ne pouvant plus agrafer les annes qui leur chappent de toutes parts, qu'il doit leur tre dur, certains soirs, de planter sur leur tte droite et si lasse, ou dans leurs cheveux cent fois dteints, le diadme de Nessus aux mille feux, les aigrettes persanes, la flche crevant l'abcs nacr d'une perle ou le croissant de Diane, qui tremblera sur son invisible tige! Et les bijoux, rayonnants et impersonnels, allumant leurs mmes flammes sur ces bchers humains, poursuivent leur carrire de parure et d'ostentation. Quand je vois au front d'une duchesse un de ces feriques bandeaux qui forcent les yeux blouis se dtourner comme s'ils s'inclinaient, je ne peux empcher ma pense, plus prompte que tout, de sauter dessus. Elle prend cette couronne, la retire avec brusquerie de la savante coiffure, la jette sur une table et m'en retrace aussitt la longue et inconcevable histoire. En une minute, les pierres sont enleves, arraches comme des dents que l'instrument prcis et rude ferait sauter de l'alvole d'argent, de la gencive d'or, et chacun de ces brillants disperss, chacune de ces perles libres, s'en va, par son chemin, se replacer dans la paume des marchands, d'o elle est partie dans le monde, au creux de laquelle, avant de parvenir jusqu'aux doigts artistes des grands joailliers, elle a d'abord t choisie par la pince, quand elle se trouvait retenue au sillon d'un pli de chair dans cette premire main la fois grasse et crochue. Je m'imagine ensuite les cafs puants o ces grains infconds, qui reprsentent tant de pain, ont t apports dans les sacs de cuir, montrs avec prcaution, de tout prs, en dpliant le papier qui les contenait ainsi qu'une poudre merveilleuse, et pess, examins la loupe, changs, monts et dmonts sans cesse, allant partout, servant tour tour un bracelet, un collier, passant d'une bague une boucle d'oreilles, d'une broche de corsage au fermoir d'un rticule... accomplissant ainsi d'innombrables voyages, connaissant les hauts et les bas de maintes destines, et vendus souvent en cachette, et donns, et vols aussi, et inspirant le crime, et le faisant commettre, et recl, enfouis dans la terre, jets dans le fleuve, l'gout... pour disparatre... car, en dpit de leur magnifique apparence de scurit, les joyaux, comme le reste, ont au bout du compte une fin. Quand ils ont t pendant beaucoup d'annes, de mortes en mortes, et qu'ils sont fatigus de briller, qu'ils n'en peuvent plus de parer une chair si vite fltrie, il faut bien eux aussi qu'ils renoncent et meurent... O et comment? Ils n'en savent rien l-dessus, pas plus que l'homme et que la femme. D'ailleurs je suis mal renseign moi-mme sur leur dure possible. Quelle est la limite dernire et naturelle de leur existence? Combien vit une perle? Jusqu' quel point un diamant peut-il tre centenaire? Un rubis a-t-il sa pourpre ternellement cheville au corps? Le saphir et la turquoise possdent-ils un magique bleu qui ne passera qu'avec le ciel? Et la verte meraude a-t-elle partie lie avec la verte mer dont elle est une goutte? Peu importe. Naufrage, incendie, tremblement de terre, cyclone, ruption, anantissement fatal, les joyaux meurent et mourront, feront aussi leurs miettes. Rien n'chappe la poussire. Le Rgent diamant prira comme a pri l'autre dont il a pris le nom. O sont les bijoux d'Isabeau de Bavire, et de Marie Stuart, et de Gabrielle? Et ceux de Marie-Antoinette et de la Dubarry? Et ceux...? On n'en finirait jamais! O seront, dans seulement trois cents annes, ceux de toutes les Madame X... dont la vente a t faite... au comptant... Henri Lavedan. (Reproduction et traduction rserves.) LES ANGOISSES ET LES CONVULSIONS DE CONSTANTINOPLE LE GRAND DIVAN VIEUX-TURC DU 22 JANVIER ET LE COUP D'TAT JEUNE-TURC DU 23 Le soir du 22 janvier, notre envoy spcial Georges Rmond, rest Constantinople dans l'attente des vnements (car il s'tait jusque-l refus personnellement croire que la paix se ferait Londres), nous adressait une intressante correspondance relative la runion du Grand Divan, qui venait d'autoriser le ministre Kiamil pacha cder Andrinople aux allis balkaniques. Le lendemain mme allait se produire le coup de force militaire que notre collaborateur, dans toutes ses prcdentes lettres prives, n'avait jamais cess de considrer comme possible. Et, le 24, il nous crivait: Je ne prvoyais certes plus cela avant-hier. L'impression qui se dgageait du spectacle du Grand Divan, du dcor matriel et moral au milieu duquel il s'tait droul tait bien telle que je vous l'ai dcrite. Je n'ai rien changer ce rcit, qui, si vous le publiez intgralement, formera, avec la relation des faits ultrieurs, un contraste saisissant: les lecteurs de L'Illustration y trouveront un fidle reflet des contradictions o se dbat l'Empire Ottoman, et le tmoignage le plus probant des angoisses et des convulsions de Constantinople. LE GRAND DIVAN Constantinople, 22 janvier 1913. Je sors du Grand Divan, convoqu titre consultatif par le gouvernement soucieux, au moment de dcider de la paix ou de la guerre et de rpondre la note collective des puissances, d'tre assur de l'assentiment et de l'appui des personnages les plus illustres de la nation. Une mme assemble avait t runie en 1827, lors de la guerre de l'indpendance grecque, une autre en 1877, au temps de la guerre russo-turque. Toutes deux avaient dcid la continuation de la guerre outrance, jusqu'au dernier vaisseau, jusqu'au dernier canon. C'est la paix qui sort de celle-ci. ... A 11 heures 1/2, je me rends au palais imprial de Dolma Bagtch, en compagnie de Jean Servien, du Petit Marseillais. Aux alentours pas un curieux. A Paris, dans une occasion semblable, cent mille personnes s'craseraient dans les rues avoisinantes: elles n'en apprendraient rien de plus, ni plus vite; mais, enfin, elles contempleraient de leurs yeux l'endroit o se passe quelque chose qui intresse la vie de leur pays, elles manifesteraient d'un commun accord, ou en sens divers, par leurs murmures, leurs discussions, leur agitation mme, l'existence d'une opinion publique, d'un peuple qui veut vivre et se sent vivre. Ici, rien. J'ai constat pareille indiffrence Hademkeui, la nuit de l'armistice; deux journalistes franais s'taient, seuls, drangs pour assister au retour de Nazim pacha; et, le lendemain, le long de la route jusqu' Constantinople, pas un paysan, pas un soldat, ne les interrogea sur la paix ou la guerre. Qu'importait, aprs tout? qu'importe encore aujourd'hui? Et tant de silence et tant d'apathie ont pour nous autres je ne sais quoi d'impressionnant, lorsque nous nous penchons pour couter en vain les palpitations du coeur de ce peuple et de cette ville. Quelques patrouilles circulent d'un pas lourd et se dandinent pesamment. Des policiers pied et cheval barrent les portes du palais; des cavaliers sont masss dans la caserne voisine. On fait quelques difficults pour nous laisser passer; un officier de paix, assez insolent, veut nous chasser, et, sur notre refus de partir, dclare que les Europens sont plus barbares que les Turcs, quoi qu'ils prtendent. Nous ne bougeons; je lui dis de nous faire arrter, s'il lui plat ainsi, et la petite altercation continue quelque temps en langage turc et dans cet ineffable sabir levantin ou plus exactement prote, en usage ici, jusqu' ce qu'intervienne un haut fonctionnaire de police, fort courtois, qui nous assigne une place. A midi moins le quart, des landaus, des voitures de place, quelques automobiles, se succdent, amenant les notables; la grande porte s'ouvre pour laisser entrer l'quipage du prince hritier Youssouf Jzeddine et du grand vizir. A midi et demi, tout mouvement a cess. Nous revenons 2 heures. Mme silence aux abords du palais. Les seuls curieux sont toujours quelques journalistes franais, Paul Erio, du Journal, Cuinet, du Matin, Mothu, de l'Havas, Genve, du Stamboul, et des journalistes locaux. Cette fois on nous laisse, sur notre demande, pntrer dans les jardins, puis, dans le grand salon du rez-de-chausse qui prcde l'escalier d'honneur, lequel donne accs au salon des ambassadeurs, ainsi nomm parce que le sultan Aziz y accordait ses audiences aux ambassadeurs trangers, et dans lequel se tient aujourd'hui le Grand Divan. On nous fait quelques communications: Mahmoud Chefket pacha, Hakki pacha, l'ancien grand vizir, le prince Sabaheddine bey, l'ancien cheik ul islam Moussa Kiasim effendi, l'ex-commandant de l'arme de l'Est, Abdullah pacha, se sont excuss. Les princes assistent la runion d'un salon voisin. Le sultan est demeur dans ses appartements, mais on le tient constamment au courant des dbats. Dans la salle de runion, les notables se sont groups par professions, militaires, ulmas, snateurs, fonctionnaires civils. A 1 heure 1/2, le grand vizir a proclam l'ouverture de l'assemble; il a fait lire une traduction de la note collective des puissances, suivie de quelques explications. Puis Nazim pacha, ministre de la Guerre, a dclar que l'arme tait prte faire son devoir. Abdurrhaman bey, ministre des Finances, a expos la situation financire de l'empire et conclu la ncessit de la paix; au nom de Noradounghian effendi, ministre des Affaires trangres, indispos, Sad bey a donn lecture de l'expos crit par celui-ci, concluant galement la paix. Nous n'avons point accs la salle des dlibrations. Je parcours les salons du rez-de-chausse: meubles dors, rideaux, baldaquins l'europenne, pour ne pas dire pis, glaces prismatiques, lampadaires en cristal, vases de Svres, quelques tableaux, parmi lesquels je distingue une petite toile de Fromentin, un coin du Bosphore, d'un beau ton chaud de coucher de soleil d't, d'une pte ambre la manire de Decamps, et qui me retient seule au milieu d'un certain nombre d'oeuvres galement banales. Une galerie donne sur la mer et l'incomparable paysage des ctes d'Asie. Devant nous, les cuirasss des puissances. On nous offre le caf dans de jolies petites tasses dores; je pense qu'autrefois, aprs avoir bu, l'tiquette tait de mettre tasse et soucoupe dans sa poche; j'en ai quelque envie, mais je n'ose. On nous offre galement des cigarettes normes, si longues qu'elles n'en finissent plus, et toutes dores. Les beaux tapis, cet accueil dlicat, ces cafs, ces cigarettes, les huissiers et les domestiques muets qui glissent sans faire de bruit, le grand silence, me rappellent, en dpit du dcor mdiocre de ce palais, o je ne sais quel architecte, Armnien sans doute, a macaroniquement entreml les formes les plus molles et les plus dcadentes du style hindou, de l'architecture antique, et de la Renaissance ou du baroque italien, que ce peuple-ci a possd un art merveilleux, sans doute emprunt l'ancienne Byzance, mais pourtant original, qu'il a eu des demeures o la vie, diffrente de la ntre, tait d'une douceur incomparable, et nuance de finesses dont le souvenir grise encore nos imaginations d'Occidentaux. Tout cela disparat. Il est 4 heures. Un ulma longue barbe blanche, envelopp dans une pelisse noire, passe devant nous. Il s'approche de la fentre qui fait face l'Orient; des lueurs projetes par le soleil couchant y tranent avant que s'y lve la nuit. Il prie, indiffrent notre prsence, se prosternant, se relevant, levant les mains, ou les tenant autour des oreilles, ou les passant sur la face, s'agenouillant de nouveau, vieux corps assoupli cette gymnastique sublime. L'occasion, la circonstance, ne lui en font pas hter ou saccader un geste; qu'importent, pense-t-il sans doute, auprs de la grandeur de Dieu et des promesses faites ses croyants, ces accidents passagers de la vie d'un peuple qui l'empire du monde est malgr tout assur par un dcret divin? Il sort du Grand Divan. Tout est termin, nous dit-on. Aprs quelques discours patriotiques de divers personnages, l'assemble s'en remet au gouvernement et cde sur tous les points(1). Nous quittons le palais et attendons dans les jardins la sortie des notables. Le temps, beau durant la journe, s'est couvert de nuages menaants et il commence de pleuvoir. Note 1: On m'apprend la dernire minute trois incidents curieux de la sance: Les deux vieux adversaires irrductibles, Sad pacha et Kiamil pacha, se sont serr la main, rconcilis, et ont longuement tenu conversation. Le reprsentant du ministre des Affaires trangres a fait remarquer, la suite de l'expos de la situation extrieure, que la Turquie avait rpondre non seulement la note des puissances, mais une note particulire de la Russie, menaant de prendre son compte les intrts des allis. Enfin, lorsque tous les discours furent prononcs, on demanda s'il fallait voter. Mais un ulma se leva et dit: Nous risquerions, en agissant ainsi, de montrer que nous sommes en dsaccord dans une circonstance si grave; bornons-nous, aller tous baiser la main du grand vizir, Il en fut ainsi fait. Aprs le Grand Divan: le vieux Sad pacha sortant du palais de Dolma Bagtch. Un petit vieux tout bris parat au haut de l'escalier; il marche en tremblant, un domestique le soutient, et, lentement, le conduit sa voiture. C'est Kutchuk Sad pacha (le petit Sad pacha), l'ancien grand vizir. Izzet pacha, celui qui s'est illustr au Ymen, descend ensuite, large, la tte puissante, massif comme un bloc; puis de vieux gnraux, des fonctionnaires en stambouline, des ulmas. Pas un mot, pas une conversation, pas un geste qui trahisse colre ou dsespoir; les visages sont graves, imprgns de tristesse; il me semble retrouver quelque chose de cette expression poignante que j'ai vue sur les figures des soldats vaincus de Loule-Bourgas et de Viza, identique sur tous, et qui est celle de la dfaite accepte. Acceptation ncessaire, inluctable sans doute. Ils en portent le poids avec un tel air de noblesse, ces prtres, ces vieux soldats uss dans toutes les guerres, ces hauts dignitaires de l'empire, qu'on se sent pntr d'une motion profonde. Nous nous tenons tous dcouverts sur leur passage. Les derniers, au sommet de l'escalier, apparaissent deux ulmas. Ils ont le turban vert impeccablement roul, l'ample pelisse noire, de longues barbes et des visages trs anciens. Ils s'arrtent sur l'une des marches; l'un sort de sa poche une belle tabatire et la prsente l'autre; celui-ci se sert lentement, remercie, et tous deux hument le tabac parfum, puis continuent, lentement toujours, comme ils ont fait tout le reste, descendre le grand escalier. Ce vieillard cass, si proche du tombeau, dont un domestique soutenait les pas, ce prtre qui priait, prostern vers l'Orient, parmi l'ameublement europen de ce salon prtentieux, ces deux ulmas qui semblaient dater du quinzime sicle et prenaient d'un si beau geste leur prise de tabac parfum sur les marches du palais; mais surtout le dcor matriel et moral d'un tel spectacle, l'acharnement d'une partie de l'Europe hostile, la trahison de l'autre, sur laquelle on comptait, l'indiffrence populaire, les haines politiques seules vivaces, les cuirasss des puissances trangres surveillant le palais, surveillant la ville, tout cela ne semblait-il pas se traduire trop clairement en deux mots: Finis Turquiae? Trop clairement, certes! Et, cependant, en souvenir de tant d'annes d'alliance, de tant de soldats morts pour les mmes causes, d'une terre o notre influence, notre langue, nos moeurs mme ont toujours rgn et rgnent encore, de l'amiti qui nous y fut tmoigne au temps de notre grand malheur et quand tous nous abandonnrent, il faut refuser de les crire. Je pense qu'il n'est aucun Franais ayant vcu ici, approch les Turcs, prouv ce qu'il y a de noble, d'excellent dans le coeur, non pas de certains, mais du plus grand nombre, qui se dfende de former aujourd'hui au fond de lui-mme un souhait de relvement et de revanche en faveur d'un peuple si malheureux. Georges Rmond. Enver bey tel qu'il tait en Cyrnaque. Phot. Kiamil effendi, prise au camp d'Ain el Mansour, devant Derna. A comparer avec sa physionomie actuelle, telle qu'elle apparat dans notre photographie de premire page. LE COUP D'TAT DU 23 JANVIER Sur le coup de thtre dcisif du 23 janvier, sur la tragdie byzantine qui, en un quart d'heure, changea le gouvernement de l'empire, notre collaborateur a voulu laisser la parole au Turc intelligent et lettr qui fut toujours pour nous Constantinople un prcieux correspondant, trs-renseign sur le monde politique ottoman, jeune-turc ou vieux-turc, et que Georges Rmond tient, en consquence, pour le plus apte apprcier les causes des derniers vnements et juger les individus leur exacte valeur. Constantinople, le 25 janvier 1913. La Turquie est dcidment le pays des grosses surprises, des imprvus sensationnels. Bien malins sont les trangers qui prtendent la connatre quand les gens qui y sont ns et y ont vcu se laissent eux-mmes surprendre par les vnements. Il y a six mois, au moment o le cabinet Sad pacha, appuy sur le Comit Union et Progrs, qui venait de faire aboutir triomphalement les lections en touffant ses adversaires, semblait inbranlable, il fut renvers en quelques jours; la dissolution de la Chambre, la dispersion des clubs unionistes, semblrent marquer la fin du tout-puissant Comit. Aprs la chute politique du parti vinrent les chutes personnelles de ses chefs les plus influents, dont les uns prirent la fuite et les autres furent emprisonns, aprs avoir t traqus et poursuivis dans les rues. Il semblait bien que l'Union et Progrs ne se relverait jamais de ce coup et Kiamil pacha, l'adversaire dclar du Comit, paraissait devoir garder longtemps le pouvoir, lorsque, patatras!... en moins d'un quart d'heure, presque sans aucun concours militaire, le souffle puissant d'Enver bey renversa comme un chteau de cartes le grand cabinet, qui tait remplac instantanment par un ministre compos des partisans les plus marquants de l'Union. La Turquie, qui semblait rsigne tout sacrifier pour faire la paix, relve la tte belliqueusement et revendique le droit de continuer de vivre en Europe. Le coup d'tat du 23 janvier, qui aura peut-tre des consquences incalculables, non seulement sur les destines de la Turquie, mais aussi sur celles de l'Europe entire, s'est accompli avec une simplicit et une rapidit inoues. Je n'y ai pas assist, mais j'ai interrog de nombreux tmoins de l'vnement; j'ai caus avec Enver bey lui-mme et je puis vous fournir un rcit qui se rapproche beaucoup de la vrit historique, toujours impossible atteindre. Mais je vais d'abord remonter plus haut pour vous exposer l'tat d'esprit de la population au moment o ce violent changement s'est produit. Aprs l'abattement qui s'tait manifest dans le peuple turc au lendemain des revers foudroyants prouvs par les armes ottomanes au dbut de la guerre, les esprits avaient commenc de se remonter la nouvelle du succs remport Tchataldja et de la rsistance hroque oppose l'ennemi par les garnisons de Scutari et d'Andrinople. On concevait l'espoir d'une revanche prochaine qui permettrait la conclusion d'une paix honorable sinon exempte de tout sacrifice. Cependant, aprs la bataille de Tchataldja, livre les 17 et 18 novembre, le gouvernement arrtait de lui-mme les oprations militaires et continuait ngocier l'armistice malgr le changement qui venait de se produire son avantage et, au bout de seize jours, cet armistice tait conclu des conditions rvoltantes: ravitaillement en vivres et en munitions de l'arme bulgare assur par les ports de la mer Noire et le chemin de fer traversant la ligne des forts d'Andrinople, dfense de ravitailler la garnison de cette place dont le blocus par les troupes bulgaro-serbes tait maintenu. Lorsque ces dtails furent connus, au bout de quelques jours, on cria hautement la trahison. Les dlgus la confrence de la paix mirent dix jours partir; les ngociations de Londres durrent un temps infini et prirent une forme humiliante pour l'amour-propre national et dsastreuse pour les intrts de la Turquie; pendant ce temps, la garnison d'Andrinople continuait d'puiser ses ressources; on aurait dit que tout le monde, y compris le gouvernement ottoman, attendait avec impatience la chute de cette forteresse, en maudissant son commandant qui gnait le monde et empchait la conclusion de la paix par sa rsistance acharne. D'un autre ct, on recevait les nouvelles du massacre systmatique des musulmans en Macdoine, de la fortification des positions bulgares autour d'Andrinople et devant Tchataldja. Le rcit de la bataille de Tchataldja, publi par M. A. de Pennenrun, dans L'Illustration, et reproduit et comment par tous les journaux turcs, produisait une grande impression en faisant connatre la population des vrits que l'tat-major ottoman ne semblait pas trs empress de rpandre et rvlait l'occasion heureuse que l'on venait de perdre. Le mcontentement augmentait ainsi de jour en jour, et le Comit Union et Progrs profitait naturellement de cet tat d'esprit. Le gouvernement rprimait, d'ailleurs, avec la plus grande svrit toute manifestation du sentiment populaire en faveur de la guerre, toute critique de ses actes ou de ses intentions. Les journaux de l'opposition furent tous suspendus et on alla mme jusqu' fermer compltement leurs imprimeries pour les empcher de reparatre sous des noms diffrents. C'est ainsi que, pendant ces derniers jours, le gouvernement se crut absolument matre de la situation l'intrieur; il prouva cependant le besoin de convoquer une sorte d'assemble suprieure consultative, compose de personnes choisies sa convenance, afin d'obtenir d'elle l'appui moral qui lui tait tout de mme ncessaire devant la nation pour rpondre affirmativement la note collective des puissances mettant la Turquie en demeure de tout cder aux allis, y compris la forteresse et le vilayet d'Andrinople. Georges Rmond vous a fait part de ses impressions en ce qui concerne la runion de cette assemble, au milieu de l'indiffrence complte de la population de Constantinople. Cette indiffrence n'tait qu'apparente; en ralit, l'orage grondait sourdement et le Comit Union et Progrs avait tout prpar pour faire aboutir, dans le minimum de temps et avec le minimum de risques, un coup d'tat qui renverserait le gouvernement et remettrait le pouvoir en ses mains. Le jeudi 23 janvier, 3 heures 1/2, alors que le cabinet tait sur le point de se runir la Sublime-Porte, sous la prsidence de Kiamil pacha, pour arrter dfinitivement le texte de la rponse remettre aux ambassadeurs, le colonel Enver bey, cheval, accompagn de deux officiers subalternes avec des drapeaux la main, suivi seulement de quelques dizaines de personnes, descendit une allure assez rapide, mais avec calme, l'avenue qui aboutit la Sublime-Porte en passant devant le ministre des Travaux publics. A la hauteur de ce ministre, deux groupes de manifestants sortant des rues voisines se joignent au cortge; un peu plus bas, d'autres personnes dbouchent de toutes les voies latrales par petits groupes, et il y a, en un clin d'oeil, plusieurs centaines de manifestants, sans armes, qui entourent la Sublime-Porte. Tout cela se fait en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Les factionnaires posts la grille ne songent pas barrer le chemin Enver bey et ses deux camarades, qui sont en uniforme; ceux-ci se prcipitent comme des bombes et, suivis par quelques autres personnes, pntrent l'intrieur avant que l'on soit revenu de la surprise que cause l'vnement. Pendant qu'Enver se rend directement au cabinet du grand vizir, des coups de feu clatent derrire lui; cinq personnes tombent presque en mme temps; les portes sont fermes; une foule qu'on peut valuer maintenant un millier de gens entoure la grille du palais du gouvernement qui est cern intrieurement par une compagnie d'infanterie. Au dehors, le peuple crie: Dmission! A bas ceux qui vendent le pays! Pendant ce temps, Enver bey arrache la dmission du cabinet et reparat au bout de dix minutes sur le perron, o il prononce une courte allocution pour engager la foule se disperser, en lui annonant que le cabinet a dmissionn; il montre le papier qu'il tient la main; il dit qu'il va si rendre immdiatement au palais imprial et file rapidement en automobile, au milieu des acclamations gnrales. Tout cela a dur un quart d'heure en tout. Aprs une heure, Enver bey revient accompagn du premier secrtaire du palais, Fouad bey, du premier chambellan du sultan, Halid Hourchid bey, qui apportent le firman de nomination de Mahmoud Chefket pacha au grand vizirat. Tout est fini. Toutes les prcautions avaient t prises, d'ailleurs, pour assurer le succs du coup d'tat et pour maintenir l'ordre dans la ville. Un nouveau chef de la police, dsign par Enver bey, prit en mains le service d'ordre de la capitale pendant que le coup tait excut. Les fils tlgraphiques et tlphoniques taient coups et l'arme de Tchataldja ......Buy Now (To Read More)

Product details

Ebook Number: 37526
Author: Various
Release Date: Sep 24, 2011
Format: eBook
Language: French

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