L'Illustration, No. 3669, 21 Juin 1913

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L'Illustration, No. 3669, 21 Juin 1913L'Illustration, No. 3669, 21 Juin 1913 (Agrandissement) Ce numro contient: 1 Une...
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L'Illustration, No. 3669, 21 Juin 1913

L'Illustration, No. 3669, 21 Juin 1913 (Agrandissement) Ce numro contient: 1 Une double page hors texte en couleurs; 2 Le premier fascicule du nouveau roman de M. Michel Provins: Un roman de thtre; 3 Un Supplment conomique et financier de deux pages. LE DERNIER REPOS SUR LE LIT DE CAMP Au Maroc; le commandant Bernier, tu prs d'Ifrane en chargeant la tte de son bataillon. Voir l'article, page 577. Ce numro comprend une double page en couleurs hors texte sur LES FLORALIES DE GAND et la premire partie d'une tude sur LA FAUNE D'AFRIQUE illustre de quatre pages en hliogravure; la seconde partie de cette tude, avec quatre autres pages en hliogravure, paratra la semaine prochaine. La plupart des numros qui vont suivre auront d'ailleurs, comme celui-ci, des pages en couleurs. Le prochain supplment thtral contiendra VOULOIR comdie en quatre actes de M. Gustave Guiches qui poursuit une brillante carrire la Comdie-Franaise. COURRIER DE PARIS LES MALLES On les a descendues. Les voil dans l'antichambre, encore mal rveilles du creux et long sommeil qui les a engourdies depuis les dernires vacances. Je les reconnais et elles n'ont pas du tout l'air de me connatre. Elles ont beau porter, imprimes et peintes, mes initiales, en noir et en rouge, et montrer ma carte de visite suspendue, en prtention, une de leurs poignes, dans l'tiquette de cuir, elles m'ignorent, totalement. Elles ne me tmoignent pas plus de cordialit qu' un homme d'quipe. Dnues de grce et de bienveillance, elles exagrent dj leur pataude grandeur. Elles encombrent, et on dirait que c'est avec plaisir, qu'elles le font exprs. tales dans une large indiffrence et un lourd sans-gne, elles sont l--chez moi, qui suis leur matre, qui les ai choisies, achetes, payes --comme elles seraient ailleurs, n'importe o. Je comprends que, pour en avoir la taille et les dimensions, elles ne sauraient pourtant tre des meubles, qu'il ne faut pas leur demander le caractre intime et le bon ventre d'une commode, la tendresse presque conjugale d'une armoire, la sympathie d'un bonheur-du-jour. N'ayant ni famille, ni domicile, ni foyer, ni patrie, elles ne se sentent, en effet, jamais chez elles. Ce sont des juives-errantes. D'un gosme de voyageur, elles ne prsentent un peu de caractre et de physionomie que dans les gares, les fourgons, sur les chariots et sur le toit des omnibus. Elles ne vivent que sangles, cordes, pleines jusqu'aux bords, et seulement en cours de route, pendant le trajet. Une malle vide, et au repos, choue au grenier, ou range dans la chambre de dbarras est une chose inoue d'abandon, d'une impersonnalit inexprimable, une chose pire que morte, une chose triste et affreuse, et dcourageante, qui n'est rien... rien... et dont s'carte elle-mme, prise de spleen sa vue, la souris jeun. ** * Mais en ce moment les malles sont la veille d'entrer dans la danse. Le couvercle lev, elles attendent-qu'on les nourrisse, que nous jetions en elles, connue des petits pains dans le fournil de l'lphant, tout ce que nous emportons avec nous ds que nous nous dplaons, les indispensables inutilits dont nous croyons que nous ne pouvons pas nous passer. Que l'on sache ou non faire une malle, il faut cependant, en effet, que tout y tienne. Il est ncessaire que nous y mettions notre linge et nos livres, nos vtements et nos papiers, nos cravates et nos agendas, nos chaussures, nos remdes, nos affaires de toilette et nos petits paquets intimes, les quotidiennes reliques qui font partie de nous-mmes plus troitement encore que nos chemises. Tout cela doit trouver sa place--et la trouve--dans la malle, quelle qu'elle soit. Car la malle, d'aspect si dur et si peu accommodant, est pourtant doue d'une incroyable souplesse. On n'imagine pas sa complaisance lastique se plier tous nos dsirs, mme les plus insenss... Elle absorbe ce que l'on veut. Ne dites jamais qu'elle est pleine et que l'on ne peut plus rien y ajouter. Mme petite ne contenir que le minimum, elle a des profondeurs de gouffre insouponn, et j'en ai connu qui, sans avoir la capacit d'un tonneau, taient de vraies malles des Danades. Quel curieux et saisissant spectacle que celui de l'intrieur d'une malle! Chaque fois qu'il m'est arriv d'y songer, genoux devant la mienne, tandis que j'empilais tour tour, et les uns contre les autres, les objets les plus diffrents et les plus opposs, je n'ai pu m'empcher d'en sourire et quelquefois d'en divaguer... C'est un ramass prodigieux, une cohsion de disparates qui amuse et fait rflchir. Au fond d'abord, classement logique, les poids lourds, les chaussures, le gros linge, les livres, les dossiers... Mais avec la meilleure bonne volont, tout cela ne resterait pas cinq minutes et jouerait bientt si l'on ne prenait la prcaution de le caler. Il faut boucher les trous, tamponner. Et c'est ici qu'apparat la malice opportune du destin qui me force consolider mon Snque avec ma bote bijoux et enfoncer trois paires de chaussettes de soie dans le flanc des Penses de Pascal, pour les retenir. Dans le casier du milieu sont gnralement dposs les vtements plis mou, avec art, les habits qui ne veulent pas tre maltraits, les pantalons bien tendus, couchs comme des malades. Et le dernier compartiment, celui du dessus, reoit presque toujours la lingerie fine, les chemises, les gilets blancs, les choses plates et lgres, entre lesquelles se glisse au dernier moment maint objet menu et fragile. Voici la malle peu prs faite, acheve. Sans qu'elle ait besoin d'tre transparente, on y voit avec l'esprit que toutes les matires y sont rassembles, que le bois, le fer, l'or, l'argent, la laine, le fil, le papier, le carton, la soie, le velours, le drap, le verre, la porcelaine, sont condamns, dans l'espace le plus rduit, se serrer, se presser, s'accepter sans mauvaise humeur. Pas pour longtemps, heureusement, la brve dure d'un voyage, d'un trs court trajet, mme quand les indicateurs font croire qu'il est long. C'est tout fait l'image de la vie. On ferme, en se baissant, avec la toute petite clef qui se donne des faons de clef de coffre-fort, on boucle les courroies, et il semble alors que l'on soit allg de tout ce qui est dans la malle comme si on se l'tait retir de dessus le corps et la pense, ainsi qu'un gros poids. On est dj moiti parti. ** * Pendant qu'elle est charge, transborde, la malle ne nous intresse pas. Nous n'y pensons plus. Elle a cess de nous appartenir. Nous aimons nous figurer que nous voyageons sans elle, les mains vides. Elle ne commence nous manquer qu' la minute o, arrivs destination et rendus l'htel, nous commandons qu'on nous la monte. Elle nous reprsente alors notre maison, notre fortune et nous-mmes, et nous nous trouvons dj moins seuls quand le garon colossal--afin d'en exagrer la pesanteur et pour nous donner aussi une plus vaste ide de la force de ses reins--la laisse tomber nos pieds dans la chambre inhospitalire. A cet instant, la malle quitte son air bte pour prendre figure de camarade, et sa vue ne nous choque pas, si laide et si fatigue qu'elle soit. C'est d'ailleurs en peinant et en vieillissant qu'elle gagne du caractre et de la physionomie. Une malle propre, reluisante et neuve ne signifie rien, n'a pas de raison d'tre. Il faut qu'elle ait, le plus tt, un pass derrire elle, et beaucoup de pays, qu'on la sente lourde et lasse, ne s'tonnant plus gure, et revenue de maints endroits lointains comme de maintes illusions. Il faut qu'elle ait t cahote, heurte, cogne, brutalise, que, sans mme avoir besoin de lire les adresses des htels dont elle est couverte, et qui, colles les unes sur les autres, lui font partout des empltres glorieux et racornis, nous n'ayons qu' la regarder pour nous souvenir... pour qu'elle nous retrace tous les voyages que nous avons faits avec elle et ceux aussi que nous n'avons pas pu faire et que nous ne ferons jamais. Alors elle est presque mouvante... Les mots Rome, Naples, Tolde, Prague, Florence, Bruges, lui font un calendrier rtrospectif dont nous dtachons les feuillets par la mmoire. Nous lui parlons, nous la tutoyons. Elle est notre vieille malle, qui a trim comme nous, qui au long de nos courses par le monde a contenu tant de choses, mme celles que nous n'avons pas rapportes! Et il y a des malles pour tous les gots, pour tous les ges, pour toutes les conditions. La malle, c'est l'homme. Celle de l'enfance et de nos trousseaux de collge n'est pas celle de la jeunesse et de l'ge mr; la malle du domestique ne sera jamais prise pour celle du matre, mme si elle a d'abord appartenu au matre. En la donnant il l'a change. La malle de l'ouvrier, celles du bourgeois, du mondain, du riche, de l'Anglais, de l'Amricain, de la femme lgante, et cent autres, rvlent aussitt la qualit de leur possesseur. La petite valise jaune du soldat en permission, et toujours ferme par une ficelle, n'est-elle pas lgendaire, classique? Et si je ne parle pas de celle du prtre, c'est que le prtre, chacun le sait, n'a pas de malle. On ne lui connat toute la vie qu'un sac, un sac noir, comme au sminaire. Seulement, si c'est un cur trs vieux, le sac est en tapisserie. Enfin, si la malle isole m'a quelquefois fait l'effet d'un cercueil qui attend qu'on le cache en l'introduisant vite dans la terre, que dire de l'trange et gnante impression que toujours me causent les malles runies par centaines, quand je les vois dans les gares, l'arrive du train, alignes, comme aprs un sinistre, sur les parapets de chne. Je ne peux pas croire qu'elles ne renferment que du linge, des vtements et des mouchoirs, j'ai l'obsession qu'elles contiennent du mystre et de la vie teinte, et que des morts y sont dj couchs, et que ces morts sont nous-mmes, oui, nous-mmes, d'avance tendus, n'ayant plus rien dclarer, tout prts pour la Consigne. Henri Lavedan (Reproduction et traduction rserves.) UN ROMANCIER DANS LES COULISSES MICHEL PROVINS Lorsque Michel Provins, entre tous les sujets qui pouvaient galement le tenter, a choisi celui de ce Roman de thtre dont la publication commence aujourd'hui, j'imagine qu'il a obi une pense en quelque sorte personnelle, amicale: il a voulu faire une oeuvre qui ft particulire aux lecteurs de La Petite Illustration, une oeuvre pour eux, et qui leur apportt le plaisir dont ils semblent si friands. Presque chaque semaine, en effet, ces lecteurs reoivent une pice de thtre, et, dans leur fauteuil, ils se donnent le plus confortablement du monde le spectacle de toute la comdie contemporaine. Mais, au thtre, n'y' -t-il que la littrature...? Chaque reprsentation n'a-t-elle pas son histoire plus ou moins secrte, ses dessous mystrieux, des amours, des affaires, des rivalits de vedette ou d'argent...? Comment donc sont reues, montes, distribues, rptes, portes aux nues ou trangles, ces comdies imprimes dont la lecture est si calme, comment se comportent dans la ralit ces acteurs et actrices dont se voient les noms fameux en regard des personnages,--tout cela qui leur apparat un peu lointain, d'autant plus attirant, est-ce que ces amateurs passionns du thtre en imagination, le plus beau de tous, ne seraient pas bien aises tout de mme de le connatre un peu...? Ils auraient ainsi, toujours chez soi et sans se dranger, le tableau complet de la vie comique, les moeurs ct des oeuvres, les pices qu'on joue et ceux qui les jouent, la scne et les coulisses, les deux cts du rideau. Et cette intention, qui fut une attention, sera d'autant plus gote que, s'il et l'ingniosit de la concevoir, nul aussi ne pouvait mieux la raliser que Michel Provins. Michel Provins, en effet, dont le thtre et le journalisme littraire ont tabli la rputation, est un spcialiste, pourrait-on dire, du Parisianisme. Mais il faut s'entendre, car il y a Parisianisme et Parisianisme. Michel Provins n'est mme pas de Paris. Il est Bourguignon, est rest Bourguignon, revient chaque anne au berceau de sa famille, ne se repose et ne se plat que l. Si la vie le lui et permis, peut-tre qu'il n'et dcrit que la campagne et ses plaisirs et l'on verra dans le roman d'aujourd'hui avec quelle ferveur attendrie il parle de la posie et du bonheur des belles existences rustiques. Mais Michel Provins, qui fut secrtaire de Waldeck-Rousseau, a t de bonne heure initi aux affaires, la finance, la haute finance. Son talent, son got pour la littrature et principalement pour le thtre achevrent d'largir le cercle de son information. Il apparat ainsi comme un observateur qui n'a pas choisi son milieu et qui a seulement observ celui o il s'est trouv. Il a fait du Parisianisme comme d'autres font des paysanneries, uniquement parce qu'il avait de bons yeux, le sens de la vrit, et que c'tait cela qu'il voyait. De l son charme, son originalit vraie. Michel Provins est un Parisien la bonne franquette, un boulevardier sans faon, un ironiste charmant homme. De silhouette lgante et mince, les yeux bleus, la moustache fine et toute la physionomie comme la moustache, l'air un peu d'un administrateur de grande banque, cordial, souriant, srieux, on le sent tout de suite dans la vie, dans la ralit, autant que dans les livres, intress par les hommes et par les choses, sincrement, directement, navement, comme on l'est dans la pratique, avant de songer ce qu'on pourra dire en ses crits, attitude d'esprit qui est la plus prcieuse et la plus fconde. Elle exclut toute prtention. Elle est la sincrit mme et le naturel. Michel Provins ddaigne tout enjolivement, tout apparat, toute pose proprement littraire. Il n'a rien d'un gendelettre acharn une ingrate profession, ni d'un crivain systme. Il est seulement un des hommes les plus avertis de la vie, qui s'est trouv mme de la connatre sous ses aspects les plus varis, dans les milieux parfois les plus ferms, ct dames et ct messieurs, et qui, tout naturellement, selon ses dons et moyens, s'est mis la peindre comme il l'avait aperue, non sans en dgager quelque philosophie qui ressemble une morale ni sans y mler un peu de ce sentiment, j'allais dire de cette tendresse ou mieux encore de cet attendrissement qui, chez beaucoup, est comme la revanche des occupations les plus positives...... M. Michel Provins. Portrait par Caillac. Cette simplicit d'un crivain sans doctrine se rvle dans le choix mme de la forme qui a fait le succs de Michel Provins. Ses livres, il ne les compose pas la manire des romanciers: cela l'ennuierait ou simplement le fatiguerait. Il est un dialoguiste, comme le furent avec tant d'clat les Lavedan, les Donnay. Peut-tre mme, l'heure actuelle, est-il le seul qui y excelle encore. La loi de ce genre est la fantaisie, la fantaisie dans la vrit, la vrit dans l'ironie: tout l'art consiste ici dans le dosage de la satire, de l'observation, de l'esprit, de l'enjouement, du scepticisme et de la morale. Et il est incomparable, ce dosage, dans la Femme d'aujourd'hui, les Passionnettes, l'Entraneuse, Comment elles nous prennent, Nos petits coeurs, Toute la lyre, Du dsir au fruit dfendu, et tant d'autres volumes, la fois si harmonieux et de ton si pareil, si nuancs dans leur fond. Mme quand il renonce au dialogue, Michel Provins ne renonce pas s'effacer lui-mme au seul profit de ses personnages. Il adopte alors le genre pistolaire qu'il ne manie pas moins heureusement. C'est ainsi que, dans Celles qu'on brle et celles qu'on envoie, il a tir de ce procd l'effet le plus ingnieux. Chacun des hros qu'il met en scne, le mari, par exemple, qui dcouvre que sa femme le trompe, rdige, en un moment de sincrit, une longue ptre o il se peint tout entier et laisse parler son me: celle-l, c'est la lettre brler. Puis, en regard, sans aucun commentaire, se trouve une toute petite lettre de rien du tout sur les affaires courantes de la vie qui continue: c'est la lettre qu'on envoie: antithse qui correspond justement la duplicit de toute existence ou du moins son mystre. La vrit, c'est donc que Michel Provins est, avant tout, un homme de thtre et je regrette que ce ne soit pas aujourd'hui le lieu d'tudier un peu plus longuement cet aspect essentiel de son talent. Chacune des scnes qu'il publie de quinzaine en quinzaine dans un quotidien et qui constituent ses volumes est une pice de thtre parfaitement compose. Outre le dialogue, Michel Provins ne possde pas seulement les qualits, qu'on pourrait appeler matrielles, de l'auteur dramatique, le sens de l'effet, du mouvement, la logique scnique. Tout ce qui se prsente son esprit sous la forme thtrale prend un sens, une porte, une valeur morale. A cette tche qui l'amuse, en cette observation lgre et gaie, il apporte tout le srieux d'une longue rflexion et le soin mticuleux d'un crivain attentif... Si ses amants, qui ne sont pas toujours recommandables, si ses petites femmes, qui ne sont pas toujours ni bien vertueuses ni bien amoureuses, si tous ces figurants de la passionnette parlent selon leur nature et la vie, ils parlent aussi selon la langue, et bien qu'ils ne s'expriment que pour se peindre, ils ne le font pas au hasard et en disent bien souvent plus long qu'ils ne pensent. Ce dialoguiste est un satirique et ce Boulevardier, venu de Bourgogne, a des vues d'ensemble. C'est ainsi que peu de sujets furent plus justes, plus comprhensifs, plus actuels en leur temps et plus neufs que celui des Dgnrs dont le titre mme est demeur gnrique (ce n'est pas une mchante pointe...!). Ce type du ministre veule, du groupe Gibou, cette femme arriviste, ce financier complaisant, tous ces dsosss, sans morale, sans foi et sans force, n'ayant pas mme l'nergie des petites vilenies qu'ils commettent presque sans les avoir voulues, n'ayant' d'autre conception de l'existence que celle d'un plaisir qu'ils sont aussi incapables de conqurir que de goter, tout cela demeure comme une des peintures les plus russies et les plus authentiques d'une poque dont on peut, par bonheur, esprer dj qu'elle n'est plus tout fait la ntre. Au surplus, les lecteurs d'Un roman de thtre vont se trouver bien l'aise pour apprcier la fois Michel Provins tout entier, car je ne serais pas tonn que ce ft l justement un de ses ouvrages les mieux venus. Il semble qu'il y ait combin avec un bonheur particulier les deux procds o il excelle --le dialogue et les lettres--et il y tudie le milieu pour lequel nous savons son got naturel et sa comptence acquise. J'ajoute qu'il est l'ge de matrise o les dons et l'exprience s'harmonisent comme d'eux-mmes dans le travail crateur. Un jeune homme de famille et de province, pris l'blouissement du thtre, de l'applaudissement et de l'amour, puis revenu la vrit de la vie et du coeur, des comdiens et des comdiennes, des toiles, des auteurs, des critiques, une fille de financier qui n'chappe la misre que par des engagements de toutes sortes, des commanditaires et des directeurs, des lectures de pices, des rptitions, des chutes et des triomphes, de la purilit, des nerfs, et, contre tant de faux-semblants, un peu d'amour vrai, d'innocence et de puret qui ont tout de mme ici, comme dans la vie, le dernier mot,--en faut-il tant un excellent et malicieux dialoguiste pour charmer, attacher, et parfois doucement moustiller les amateurs si ardents que nous sommes tous de toutes choses thtrales...? Gaston Rageot. LE VOYAGE D'UNE COCCINELLE par ROSEMONDE GRARD Tandis que j'crivais, hier soir, Prs de la fentre entr'ouverte, Parmi l'odeur, l'odeur si verte, Qui monte du jardin si noir; Tandis que par plaintes gales, Dans le gazon mouill de nuit, La fine chanson des cigales Montait comme une herbe de bruit; Tandis que la brise essouffle, Remplaant le grand vent qui court N'envoyait plus qu'un souffle court Sentant la double girofle; Tandis que, fronant les sourcils, Je cherchais vainement mettre Le soir vague en des mots prcis; Et tandis que, par la fentre, Mon coeur suivait mon rve au loin, --Sur ma page claire est tombe. Minuscule, rouge et bombe, Une coccinelle sept points! Elle tomba, brusque et jolie; Et, comme elle tombait de haut, De mme que Manon Lescaut Elle en tait tout tourdie! Mais te brusque tourdissement Dura le quart d'une seconde. Et le plus simplement du monde Elle reprit le sentiment. Elle ne cria pas: O suis-je? N'eut pas besoin de sels anglais, Ni, pour dissiper son vertige, De dgrafer son corselet, Mais elle sut, hors de panique, Vite se rarticuler Comme un doux objet mcanique Dont on a retrouv la clef. Plus vernie et plus carlate, Sous le rond d'or de l'abat-jour, Elle se mit faire un tour Au petit pas de ses six pattes; Elle esquissa des avant-deux, Traa des lignes et des cercles, Levant, ainsi que des couvercles, Son dos qui se spare en deux; Et, fins ptales de dentelle Bien replis dans un coffret, On voyait paratre ses ailes Chaque fois que son dos s'ouvrait. *** Elle fit, sur mon critoire, Un voyage trs vari; Elle contourna la mer Noire Sur le rebord d'un encrier; Sur un presse-papier de verre Elle escalada le Mont-Blanc, Et, dans le brin de capillaire Qui d'un bouquet pendait tremblant. Elle put se croire, sans doute, Parmi les profondeurs d'un bois: Trois fois elle y perdit sa route Et dut la retrouver trois fois! Elle en partit comme on se sauve, Un instant tournoya dans l'air, Et tomba sur le sable fauve, Juste au milieu d'un grand dsert! (Ce dsert en miniature C'tait, dans la sbile en buis, La poudre scher l'criture...) Elle en sortit vaillamment; puis. Sur la plate-forme splendide D'un pot de colle bouchon d'or, Elle fit quelques pas encor Sur le dme des Invalides! Elle avait absolument l'air D'une petite voyageuse Qui s'en va du bord de la mer Jusqu' l'altitude neigeuse I Elle avait l'air absolument D'une infatigable touriste Qui, seule, sans guide et sans liste, Visite tous les monuments! Chaque perspective inconnue La ravissait comme un bonheur; Pour regarder les points de vue Elle montait sur les hauteurs; Et sa course tait si fuyante, Son voyage si furieux, Que, malgr sa robe voyante, Parfois je la perdais des yeux! Un instant, n'ayant pu la suivre Autour du manche d'un cachet, Je crus, dans un tui de livre, Que, peureuse, elle se cachait: Soudain, je la vois sur la pointe Du porte-plume que je tiens; Elle y demeure, pattes jointes; Sans doute elle s'y trouve bien. Sans bouger la main, je l'inspecte Et je l'admire de tout prs: Rien n'est joli comme un insecte, Douceur qui ne fait pas exprs, Perle qui brode la nuit triste Entre le soir et le matin, Ame qui semble une amthyste, Rubis qui possde un destin, Minute o s'accrochent deux ailes, Battement de coeur du mois d'aot!... Je regardai la coccinelle: Elle ne bougeait plus du tout, Et semblait s'amuser, sournoise, A donner, de tout son mail, Au porte-plume de travail Un air d'lgance viennoise. Juste ce moment, du dehors, La srnade cigalire Monta si limpide, et le lierre Fut noir avec un cri si fort, Orgueilleux de sa fleur nouvelle, L'acacia parla si bien A la petite coccinelle, La glycine trouva moyen De lui faire, depuis la grille, En traversant tout le jardin, Un si tendre appel de vanille, Que je crus la voir fuir soudain. Mais qu'importent les tentatives De tout un soir occidental Quand s'chappe une flamme vive D'une colonne de cristal? Et restant le temps, sur ma tempe, De murmurer: Qu'est-ce que c'est? Elle s'lana vers la lampe Dont la splendeur l'blouissait. A peine eut-elle, au bord du verre, Mis un pied fin comme un cheveu, Qu'elle reut d'un doigt de feu Des chiquenaudes de lumire; Et brusquement, pour le bureau, Quittant la colonne qui brille, Je crus la voir tomber du haut D'une transparente Bastille! Vite, elle se remit d'aplomb, Alla, mais n'y demeura gure, Parmi les gros boulets de guerre Qui pour nous sont des grains de plomb; Elle explora deux livres: Dante (l'Enfer), et Michelet (l'Oiseau); Faillit trbucher, l'imprudente, Entre les pointes des ciseaux; Se noya presque dans un vase Pour voir de plus prs un oeillet; Revint examiner la phrase Qui s'talait sur mon feuillet; Promena longuement sa bouche Sur l'encre de mon papier bleu, Mettant dans mes pattes de mouche Ses pattes de bte bon Dieu; Enfin, ayant, ronde et lgre, D'un bout de table l'autre bout, Trac des mots sur la poussire Et vivement march sur tout; Ayant, minuscule et ravie, Dans ce voyage merveilleux, Manqu trois fois perdre la vie, Par le fer, par l'eau, par le feu. Elle regagna les dentelles Vacillantes des blancs rideaux, Quatre fois projeta ses ailes Et les replia sur son dos, Puis, ayant supprim ses pattes, Elle leva compltement Ses deux lytres carlates, Hsita, frmit un moment, Et, soudain, vite, vite, vite, Par la fentre s'envola, Emportant, elle si petite, Mon grand rve de ce soir-l! Rosemonde Grard. A L'ASSAUT DE L'ATLAS MAROCAIN l'action de la colonne henrys Nous exposions rcemment (numro du 10 mai) le plan de campagne dont la ralisation progressive, par une action convergente des colonnes Mangin et Henrys, secondes par le colonel Coudein, doit nous livrer bientt, enfin, le Tadla et la rgion du Moyen Atlas, si farouchement dfendus par les tribus qui les occupent, Chleuh. Zemmour, Zaan, Beni M'Tir, Beni M'Guild, Guerrouan, etc. En rendant compte des conditions brillantes dans lesquelles avait t excute la premire partie de ce plan, nous avions laiss le colonel Henrys Dar Cad Ito--exactement Dar Cad Omar Ould Ito dont la position n'tait pas alors trs exactement connue--aprs un raid audacieux sur Azrou qu'il avait occup. A ce moment, les Beni M'Tir taient coups en deux groupes, dont l'un avait cherch asile chez les Zaan, tandis que l'autre se repliait vers le pays des Beni M'Guild. Trs satisfait des rsultats obtenus, le gnral Franchet d'Esperey tenait venir fliciter en personne le colonel Henrys, et aussi visiter les deux nouveaux postes tablis Ifrane et Dar Cad Ito. Le 13 mai, accompagn du gnral Dalbiez, commandant de la rgion de Mekns, le commandant en chef du Maroc occidental arrivait la kasba El Hajeb, un de nos plus anciens postes en pays berbre, et le centre du cercle des Beni M'Tir, rcemment cr et confi prcisment au colonel Henrys. L'aprs-midi, il passait en revue la petite garnison de Dar Cad Ito. Le lendemain, il se portait avec la colonne sur Ifrane, en passant par le nord de la fort de Jaba. Il eut la fortune d'tre tmoin, au cours de cette marche qui devait n'tre qu'une promenade d'inspection, d'une attaque vigoureuse des Beni M'Guild. Ce fut une affaire assez chaude, o, malheureusement, un des bons collaborateurs du colonel Henrys, le commandant Bernier, du 1er tirailleurs, tomba mortellement bless, au moment o, la tte de son bataillon, il conduisait une charge la baonnette qui allait tre dcisive et repousser l'ennemi. Les Marocains laissrent sur le terrain de nombreux cadavres. Le chef lui-mme qui les conduisait tait bless, et son prestige semblait en tre considrablement entam. A six jours de l, le 20 mai, l'ennemi dessinait une nouvelle offensive. Mais il donnait des signes visibles de lassitude et ne montra pas le cran qui caractrise d'ordinaire ses attaques et qui tonne toujours les plus allants de nos soldats eux-mmes. La colonne continue ses oprations, et il est certain que nous aurons rendre compte de plus d'un combat encore, avant 4e pouvoir enregistrer la paix dfinitive. Ce que nous tenons souligner, c'est l'extrme rigueur de cette campagne, dans un pays pre, difficile, dpourvu mme de pistes, hriss en tous sens, par une temprature inclmente, pluvieuse, froide, mme en cette saison avance. Au premier coup d'oeil qu'on jette sur la carte que nous donnons et o sont reports tous les itinraires suivis par la colonne Henrys depuis sa mise en route, la mi-mars, jusqu' la fin de mai, on est frapp de la prodigieuse activit que dnotent ces marches et contremarches, et de l'endurance qu'il a fallu aux troupes, chaque instant accroches, bataillant chaque pas, pour parcourir et battre aussi en tous sens un terrain en lui-mme si pnible. Les oprations, marches et contremarches, de la colonne Henrys. Colonel Henrys. Gnral Franchet d'Esperey. Gnral Dalbiez. A j'tat-major de la colonne Henrys. Le colonel Henrys tait, aux dernires nouvelles que nous en avons eues, au pied de l'Atlas. Il avait reu la soumission de nombreux douars guerrouan et beni m'tir. Les rebelles taient rejets dans la montagne, bloqus; l'indpendance des indomptables Zaan se trouvait fortement compromise. Car la pression qu'exercent graduellement les colonnes lances l'attaque de l'Atlas va s'accentuant. S ......Buy Now (To Read More)

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Ebook Number: 38912
Author: Various
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